INTERPELLATIONS BRUTALES DE MILITANTS DU FNDC : C’est à l’image de la Guinée
La scène, d’une extrême brutalité, a fait le tour des réseaux sociaux. Elle montre le militant pro-démocratie, Foniké Mengué, trimbalé au sol par des policiers de la Brigade de répression du banditisme (BRB). Puis, tel un malpropre, il est violemment jeté dans la benne d’un pick-up. Il est pourtant le coordonnateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui fait l’objet de poursuites judiciaires, ces derniers temps, par le Procureur général, Charles Wright. A Foniké Mengué, il est reproché d’avoir « discrédité » la Justice guinéenne dans une publication sur les réseaux sociaux. Deux autres camarades de lutte également poursuivis pour des propos tenus sur Internet, ont subi les mêmes foudres de la brigade. Et dans quelles circonstances ! Ces membres de la société civile guinéenne ont été interpellés par la Police au siège du FNDC et à l’entame d’une conférence de presse dans laquelle l’organisation entendait dénoncer une décision du Procureur, jugée « illégale » et « arbitraire ». Certes, comme aiment à le rappeler les hommes de droit, « on ne commente pas une décision de justice ». Toute chose qui, a priori, transforme l’initiative du FNDC, en faute. Mais, le fait que cette brigade a été missionnée pour empêcher la tenue de ladite conférence de presse et que, par-dessus-tout, elle a usé de la brutalité, cela relève assurément d’un manquement bien plus grave dont la Justice guinéenne aurait pu et dû se passer. Pour des gens censés appliquer et faire appliquer les lois de la République, ce comportement de la Police n’avait pas lieu d’être. Tout au plus, la Justice aurait-elle pu déposer les convocations aux mis en cause pour qu’ils viennent répondre des faits à eux reprochés. L’avocat du FNDC ne dit d’ailleurs pas autre chose, lui qui souligne : « La police aurait pu déposer les trois convocations au siège. Au lieu d’entrer en action « de façon violente ».
La Justice guinéenne devrait enfin avoir le courage de faire son autocritique
C’est dire si ces agissements ne sont ni concevables, ni tolérables. Une triste scène qui, hélas, vient en rajouter au discrédit dont la Justice guinéenne est l’objet et dont elle ne veut pas entendre parler. Le crédit ne se décrète pas, ça se mérite ! Cette descente à caractère musclé au siège du FNDC, a-t-elle été ordonnée par un Procureur en courroux et emporté par le zèle ? A-t-elle été suscitée par le pouvoir en place, par Procureur interposé ? Peut-être y a-t-il des deux à la fois. Et si c’était le cas, cela n’étonnerait guère quand on sait que la Guinée a toujours du mal à se débarrasser de ses guenilles « de pays du Gondwana ». Un pays où une dictature civile a été culbutée par un pouvoir militaire qui semble avoir décidé de chausser les bottes de la dictature. En fait, ces méthodes brutales sont à l’image de la Guinée. Il faut dire que ce grave incident survient au lendemain de l’annulation d’une marche qu’avait programmée le FNDC, en vue de donner une chance au dialogue avec les autorités arcboutées sur leur chronogramme de transition qui ne fait pas l’unanimité, même en Guinée. Il est clair que si les sanctions de la CEDEAO venaient à être appliquées en Guinée, faute d’acceptation de la junte au pouvoir, de revoir sa copie à propos du calendrier de retour à l’ordre constitutionnel, aucune fille ni fils du pays n’y gagnerait. De la part du FNDC, c’était donc une sage décision que d’avoir mis en standby, ses marches. Mais après ces actes de brutalité derrière lesquels elle voit, sans conteste, la main du pouvoir guinéen, on peut comprendre sa volonté de remettre le couvert, à travers une nouvelle marche annoncée dans les quarante-huit heures, pour dénoncer la confiscation du pouvoir par la junte. Si cette triple arrestation participe d’une stratégie d’intimidation du pouvoir guinéen, pour faire avaler à l’Opposition, la couleuvre des 36 mois de transition, il risque d’en être pour ses frais. Cet incident pourrait en effet plutôt alourdir le climat socio-politique en Guinée où le Front, à l’évidence, ne compte pas pour du beurre. Le chef de la junte, Mamady Doumbouya, devrait voir cette évidence en face et se résoudre enfin à traiter le FNDC comme un partenaire avec lequel la Guinée doit avancer, et non comme un adversaire. Autrement, si son intention est de l’affaiblir, il court le risque de provoquer l’effet contraire et de se compliquer la tâche. La Guinée aspire à mieux. Quant à la Justice guinéenne, elle devrait enfin avoir le courage de faire son autocritique plutôt que de chercher à sévir quand elle est sous les feux des critiques. D’autant que sous tous les régimes qui se sont succédé, elle n’a jamais donné véritablement la preuve de son indépendance. Et ce n’est pas sous une transition militaire conduite par le tiroir à glace guinéen, qu’elle devrait afficher sa volonté d’opérer sa mue.
CBS