HomeA la uneINVESTITURE DE DEBY : Entre jubilations, devoir de redévabilité et gênes

INVESTITURE DE DEBY : Entre jubilations, devoir de redévabilité et gênes


 

Une quinzaine de têtes couronnées du continent africain ont pris part à la cérémonie d’investiture de Idriss Deby Itno, hier, lundi 08 août 2016. Cette pompeuse cérémonie fait suite à  la réélection contestée du grand sachem tchadien, le 10 avril 2016. Autant dire que l’homme fort de N’Djamena a mis les petits plats dans les grands pour ce « nouveau » départ à la tête de l’Etat. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette investiture s’est déroulée dans un climat tendu et morose. En effet, les populations tchadiennes, dans leur grande majorité, en sont restées en marge. L’opposition, après des manifestations qui ont dégénéré ces derniers jours en heurts violents avec la police, avait appelé à une journée ville morte. C’est dire s’ils ont été nombreux, les Tchadiens qui n’ont pas vraiment eu l’esprit à la fête de Deby.

Deby a misé sur une présence massive de ses pairs pour faire bonne impression

Qu’importe! L’essentiel pour Deby était d’organiser une cérémonie grandiose, à la hauteur de sa stature. Il faut dire que pour un dictateur comme lui, il a paru nécessaire de proclamer sa légitimité et de la crier sur tous les toits. Pour ce faire, il faut saisir toutes les occasions de convier du beau monde à cette investiture; histoire de rabattre le caquet aux mauvaises langues, notamment à l’opposition. Il aura fait tout le contraire d’un chef d’Etat comme Patrice Talon qui a fait de son investiture, une affaire bénino-béninoise. Pour son marketing politique, le président Deby a misé sur une présence massive de ses pairs pour faire bonne impression et marquer les esprits. Avec une quinzaine d’homologues à ses côtés, les apparences sont sauves. Le maître de N’Djamena aura eu la visibilité qu’il voulait donner à son investiture. Peu importe, pour lui, ce que chacun de ses hôtes en pense réellement au fond de lui-même. Car, et il faut le dire, les invités du président tchadien n’ont certainement pas fait le déplacement pour les mêmes raisons. On peut même dire, en ce qui les concerne, que cette investiture s’est faite entre jubilations, devoir de rédevabilité et gênes. En effet, il y a d’abord ces invités qui ont jubilé. Dictateurs comme Deby, ils ne pouvaient pas boudé leur plaisir à cette cérémonie. Allégresse entre membres de la confrérie ! Sont de ceux-là les chefs d’Etat qui se font le malin plaisir de diriger leur pays d’une main de fer et qui n’offrent aucune chance à l’alternance. Ils se rejoignent tous sur le plan de leur longévité au pouvoir couplée d’une volonté farouche de ne rien lâcher. En somme, des frères siamois. Et comme le dit l’adage, « qui se ressemble s’assemble ». Ces dictateurs étaient donc les invités « naturels ». C’est un des leurs qui est sous le feu des projecteurs et pour eux, il fallait bien venir sabler le champagne avec un des leurs. La famille dictatoriale se conforte. Cette catégorie de chefs d’Etat se sera ainsi déplacée au nom de la collégialité dictatoriale. Mission bien remplie donc pour ces membres de la famille des satrapes. A côté de ces chefs d’Etat unis à Deby par les liens de la dictature, il y a ceux qui sont venus au nom d’une autre famille, celle de l’Union africaine (UA). Ils ont dû être là, même s’ils ont peut-être éprouvé une certaine gêne à s’afficher aux côtés d’un satrape. Comme on le sait, Idriss Deby Itno est président en exercice de l’UA. A ce titre, le minimum d’égards que ses pairs pouvaient avoir pour lui, c’était d’honorer de leur présence cette cérémonie d’investiture qui lui tient à cœur. Si ces chefs d’Etat avaient décliné l’invitation du président tchadien, cela aurait été perçu par lui comme un manque de solidarité africaine, un désaveu. Etant donné que Deby a actuellement la charge de piloter le navire battant pavillon UA, une telle situation n’aurait pas non plus été à l’honneur de l’Organisation continentale.

Le président Deby a le beau rôle actuellement

A ces deux groupes d’hôtes, on peut ajouter un troisième. Celui des présidents qui se sont déplacés « par devoir de reconnaissance ». En effet, il est notoire que le Tchad s’est impliqué crânement dans la lutte contre le terrorisme en Afrique, notamment dans la bande sahélo-saharienne, ces dernières années. Les exploîts des troupes de Deby dans les maquis des Ifogas au Nord-Mali, notamment, sont encore vivaces dans les esprits. C’est également aux soldats tchadiens qu’on doit, pour beaucoup, la relative déroute des combattants de Boko Haram au Nigeria. Il est évident que l’armée tchadienne a donné du fil à retordre à la nébuleuse qui régnait quasiment en maîtresse incontestée dans bien des localités du Nigeria. Elle aura beaucoup rendu service à l’armée camerounaise par son entrée en scène dans cette lutte. Grâce à ses hauts faits d’armes sur le terrain, même l’armée nigériane, jusque-là méconnaissable, a repris du poil de la bête. Le Niger bénéficie également de l’appui de l’armée tchadienne pour faire face à ce défi sécuritaire majeur. Il faut dire aussi que N’Djamena abrite le QG de l’opération militaire française Barkhane qui a pour mission de lutter contre le terrorisme dans le Sahel. Pour toutes ces raisons, le président Deby a le beau rôle actuellement. Il est désormais perçu comme un pion incontournable dans la lutte anti-terroriste en Afrique. La volonté d’Idriss Deby de s’accrocher au pouvoir et sa tendance à croquer de l’opposant, est bien triste pour tout démocrate sincère. Mais ainsi va la gouvernance Deby. Cette situation au Tchad confirme malheureusement le fait qu’en Afrique, on en est encore au culte de l’Homme fort en lieu et place du culte des institutions fortes. Et c’est bien dommage pour le continent.

« Le Pays »


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