INVESTITURE DU CANDIDAT DU RHDP SUR FOND D’INTERDICTION DE MANIFS
Les autorités ivoiriennes ont interdit, le 19 août dernier et ce, jusqu’au 15 septembre prochain, les manifestations sur la voie publique. Elles sont seulement autorisées dans les enceintes closes ou espaces sécurisés. Et comme il fallait s’y attendre, l’opposition est illico presto montée sur ses grands chevaux pour dénoncer cette mesure qui, à ses yeux, n’est ni plus ni moins qu’une violation de la Constitution ivoirienne. Et l’on ne saurait lui donner a priori tort. Car, le droit de manifester est reconnu à tout citoyen et l’interdire dans un Etat qui se veut de droit, pose problème. C’est vrai que face aux manifestations qui ont entraîné la mort de 6 personnes, le saccage des biens publics et privés avec à la clé 173 blessés, le pouvoir se devait de prendre des mesures idoines. Mais de là à interdire les manifestations publiques, c’est un palier que le pouvoir vient de franchir. En le faisant, ADO casse certes le thermomètre, mais il ne fait pas baisser la fièvre. En tout cas, cette décision n’est pas étrangère à son investiture qui est prévue pour le 22 août au stade Houphouët Boigny. Tant et si qu’il est difficile de ne pas établir un lien de cause à effet. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ADO voudrait casser la lutte de l’opposition qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Cela est d’autant plus vrai que cette mesure d’interdiction de manifs, a été prise au lendemain de l’appel de certains partis politiques de l’opposition à des manifestations nationales contre son troisième mandat. Mais tout laisse croire que cette mesure ne mettra pas fin à la colère des jeunes qui se disent déterminés à aller jusqu’au bout. On est d’autant plus fondé à le penser que l’investiture risque de rendre le climat plus délétère qu’il ne l’est déjà.
Il faut éviter de réveiller les vieux démons
Cela dit, ADO gagnerait à changer son fusil d’épaule. Plutôt que d’une interdiction des manifs, il devrait plutôt travailler à les encadrer, quitte à sanctionner d’éventuels fautifs. Au lieu de s’attaquer aux conséquences, le régime de Ouattara serait bien inspiré de s’attaquer aux causes. En optant pour la prorogation de son bail à la tête de l’Etat en se basant sur la nouvelle Constitution à interprétation variable, ADO devrait savoir qu’il marche sur des oeufs. Cela dit, que fera maintenant l’opposition ? Va-t-elle passer outre ou respectera-t-elle la mesure d’interdiction des manifs ? Que feront ces femmes dont la marche était prévue pour se dérouler aujourd’hui à Cocody ? En attendant de voir la posture qu’adopteront les uns et les autres, il faut s’inquiéter pour la Côte d’Ivoire, ce d’autant que les ingrédients d’une crise pré et post-électorale se réunissent chaque jour que Dieu fait. C’est pourquoi, au-delà du régime d’ADO, il faut interpeller toute la classe politique ivoirienne à savoir raison garder. Elle doit, à tout prix, éviter de réveiller les vieux démons. A 78 ans pour ADO et 86 ans pour Henri Konan Bédié…, les vieux loups de la scène politique ivoirinenne devraient plutôt travailler à léguer un bel héritage à la génération future, plutôt que de chercher à instrumentaliser les jeunes à des fins politiques. Qu’ils se le tiennent pour dit, si la Côte d’Ivoire bascule dans de nouvelles violences, l’histoire les tiendra pour responsables.
Dabadi ZOUMBARA