HomeA la uneINVESTITURE DE JOSE MARIO VAZ La Guinée-Bissau va-t-elle enfin vaincre le signe indien ?

INVESTITURE DE JOSE MARIO VAZ La Guinée-Bissau va-t-elle enfin vaincre le signe indien ?


La Guinée-Bissau revient de loin. Elle a enfin un nouveau chef d’Etat. En effet, le vainqueur de la dernière présidentielle, José Mario Vaz, vient d’être investi dans ses fonctions, consacrant ainsi le retour de la Guinée-Bissau à une vie constitutionnelle normale. La page de l’assassinat du chef de l’Etat et du putsch militaire, est désormais tournée. L’élection s’est bien déroulée et les contestations post-électorales du candidat malheureux n’ont pas prospéré.

 

Le peuple bissau-guinéen a envoyé un message fort à son armée

 

Cela est probablement dû au bon encadrement du scrutin dont le mérite revient à la communauté internationale et notamment à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). C’est la preuve qu’il est possible d’avoir des élections avec très peu de places aux zones d’ombre, donc des élections transparentes en Afrique, pour peu qu’il y ait de la rigueur et une bonne volonté des organisateurs du scrutin et de ceux qui accompagnent l’Etat concerné.

La forte participation des populations traduit certainement leur volonté de mettre leur pays sur le bon chemin. Mais rien n’est gagné d’avance. Le peuple bissau-guinéen avait le choix entre porter au pouvoir le candidat de l’armée avec la garantie que les narcotrafiquants continueront de régner en maîtres absolus sur le pays, et élire l’autre candidat avec le risque que l’armée ne lui laisse pas les coudées franches pour travailler. Face à ce dilemme, il a choisi avec courage et lucidité de donner sa voix à celui qui incarne l’espoir d’un changement de cap. Ce faisant, le peuple bissau-guinéen a envoyé un message fort à son armée et a confié une lourde et périlleuse tâche à José Mario Vaz : faire de la Guinée-Bissau un Etat de doit démocratique. Cela devra passer, entre autres, par une lutte implacable contre la corruption et le trafic de stupéfiants.

Réussira-t-il sa mission ? Difficile de le dire tant il n’est pas certain qu’il conduise son mandat à terme. Il est évident que les narcotrafiquants ne se sont pas assagis du jour au lendemain et que les loups ne peuvent pas devenir subitement des agneaux. José Mario Vaz devra éviter soigneusement de donner des arguments à l’armée pour intervenir de nouveau sur la scène politique. Tout porte à croire que cette armée peu recommandable ne se fera pas prier pour trouver des arguments à cet effet. Toute action dans le sens d’une bonne gestion du pays, de la lutte contre la corruption et les trafics illicites, sera interprétée par les militaires narcotrafiquants comme un acte de provocation, une déclaration de guerre . Mais José Mario Vaz sait probablement l’ampleur de la tâche qui l’attend et a dû s’y préparer en conséquence. Il a du cran car, de toute évidence, faire acte de candidature à la présidentielle d’un pays où l’armée est truffée de narcotrafiquants et où arriver au terme de son mandat relève du défi pour les chefs d’Etat depuis une quinzaine d’années, est déjà un acte de témérité. En tout cas, aucun geste d’apaisement n’est de trop dans un pays comme la Guinée Bissau qui revient de si loin.

 

Les Bissau-guinéens devront faire preuve d’un sens élevé de la responsabilité

 

Il importe par ailleurs, de garder constamment à l’esprit que les démons de la violence et de la division ne sont jamais bien loin. Ce sont, sans doute, les mises en garde répétées de la CEDEAO à l’endroit de l’armée bissau-guinéenne, qui ont permis au processus électoral de parvenir à son terme sans difficulté majeure. En effet, la présence de la force armée de la CEDEAO dans ce pays a manifestement eu l’effet dissuasif nécessaire sur l’armée bissau-guinéenne qui a une propension à intervenir de façon violente sur la scène politique. Les militaires narcotrafiquants tapis dans cette armée de la Guinée-Bissau, ont dû freiner leurs ardeurs, conscients qu’ils sont sous étroite surveillance de la CEDEAO. Mais la force de la CEDEAO n’a pas vocation à s’éterniser dans ce pays. Il faudra bien qu’un jour elle puisse mettre fin à sa mission et quitter le pays.

Mais au préalable, il faudra que les acquis soient consolidés. Il faudra préparer une relève conséquente des forces sous-régionales par une armée bissau-guinéenne digne de ce nom. A cet effet, la CEDEAO devra, tout en restant vigilante et en maintenant la pression sur l’armée bissau-guinéenne actuelle, entreprendre un vaste projet de refondation effective de cette armée. Cela va probablement nécessiter, entre autres, la mise à la retraite anticipée de certains caciques de l’armée et la sensibilisation des forces de défense et de sécurité sur leur rôle dans la défense de la démocratie et de l’Etat de droit. Il faudra mettre l’accent sur une formation humaine, intellectuelle et technique de qualité dans l’armée bissau-guinéenne pour qu’émergent des hommes nouveaux, des militaires ayant un sens élevé du patriotisme, de la dignité, bref, de leur responsabilité vis-à-vis du présent et de l’avenir de leur pays.

En tout cas, la stabilisation et le développement durables du pays sont largement tributaires de la refonte de cette armée. La communauté internationale, surtout la CEDEAO, devra jouer sa partition à fond. Mais comme « on ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un malgré lui », la mobilisation des militaires intègres, valeureux et de l’ensemble du peuple bissau-guinéen, est également indispensable pour que cette refonte réussisse. Les Bissau-guinéens devront ainsi faire preuve d’un sens élevé de la responsabilité. C’est la condition sine qua non pour que le pays ait des chances réelles de vaincre enfin le signe indien.

 

« Le Pays »


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