ISLAM ET PAIX DANS LE MONDE : Ou comment contrer le discours extrémiste
L’islam est l’objet de beaucoup de critiques alors que le monde islamique est dans une situation difficile du fait d’amalgames, d’interprétations et de sous-entendus créés par la terreur djihadiste. Face aux discours terroristes et aux divergences dans la compréhension des valeurs promues par l’islam, le monde musulman s’est mis dans une posture de partage et de communication des valeurs universelles de paix et de concorde que véhicule cette religion. Dans plusieurs pays, des initiatives pour promouvoir le dialogue interconfessionnel, la paix entre les sociétés humaines, sont développées. Il en est par exemple du « soufisme » et du mouvement Hizmet qui ont tenu des rencontres d’importance dans ce mois de mai 2016.
Deux événements se sont tenus à quelques jours d’intervalles à Ouagadougou au Burkina Faso et en Algérie. Il s’agit, pour le Burkina, d’une conférence internationale sur le thème « l’islam et la paix universelle » qui s’est tenue le 14 mai 2016 à la Salle de Conférences de Ouaga 2000. Cette rencontre organisée en partenariat par l’Association FEZA Education, le magazine Hira et la Fédération des associations islamiques du Burkina, a regroupé d’éminents savants et intellectuels du Burkina Faso, de l’Algérie, de la Turquie et du Niger avec la participation d’au moins 500 personnes. L’objectif de ladite conférence était de partager les meilleures pratiques et idées en vue de renforcer le dialogue interreligieux et contrecarrer les « tendances destructrices ».
Quatre thèmes ont été développés : les bases du dialogue et l’entraide entre les adeptes des religions à la lumière du Saint Coran et la tradition du Prophète ; les activités du mouvement Hizmet et ses solutions pour l’instauration de la paix et de la sécurité mondiale ; les conditions de la coexistence pacifique et le bon voisinage entre les sociétés humaines selon la vision de l’Imam Fethullah Gulen et le rôle de la patience, de la foi et du pardon dans le raffermissement de la sécurité et de la paix dans le monde. Dans le communiqué final, deux points ont été mis en exergue. Du premier, il est ressorti que les « valeurs islamiques nous commandent, nous musulmans », de travailler en concertation/collaboration avec les autres » courants religieux sans distinction. Le second point invite à la « coexistence pacifique et au bon rapport » entre les sociétés humaines. L’idée de la création d’un Centre de dialogue national entre les religions a été avancée. Au-delà de ces recommandations, les grands enseignements lors des différentes discussions font ressortir que : la montée des extrémismes est encouragée par des gens « se réclamant de l’islam qui, en réalité, ne connaissent rien de la religion » musulmane ; les actes des terroristes ne doivent pas diviser les sociétés humaines ; l’humanité doit s’unir pour barrer la route à la violence ; celui qui s’engage dans la voie de l’extrémisme aura fait du tort à l’islam ; selon la conception islamique, la terre appartient à tous les êtres humains,… !
Après de cette conférence internationale de Ouagadougou, il s’est tenu six jours plus tard, et cette fois, en Algérie, le premier congrès mondial soufi. C’était du 18 au 20 mai 2016 à l’université Abdelhamid Ibn Badis de Mostaganem. 120 oulémas de quarante pays majoritairement musulmans et des représentants de la communauté musulmane de dix autres pays ont pris part à ce congrès dont l’objectif était de « créer une instance servant le monde musulman sous la bannière du soufisme ». Dans son discours, l’Inspecteur général du ministère des Affaires religieuses, Lakhmissi Bezzaz, avait relevé que le soufisme « représente une image rayonnante de la religion musulmane saine basée sur la tolérance, l’ouverture d’esprit, l’illumination et l’acceptation de l’autre ». De son côté, le président de l’Union nationale des zaouïas, Chaalal Mahmoud Omar, a indiqué que le soufisme est un « traitement efficace des maux actuels pour délivrer la nation musulmane de la mondialisation matérialiste et la réanimer ». « Les zaouïas ont besoin d’une relance et des efforts d’ijtihad (NDLR : interprétation des textes sacrés) adaptés aux exigences de l’heure », a-t-il fait valoir. Interrogé par nos confrères de RFI, Éric Geoffroy, enseignant en islamologie à l’Université de Strasbourg, spécialiste de mystique musulmane, observe en Afrique, mais aussi en France, « une prise de conscience du fait que les soufis doivent s’organiser ». « Depuis un an, on voit qu’il y a plusieurs initiatives inter-soufies, ou inter-confrériques. Tous ces milieux spirituels soufis, d’un monde musulman à échelle plus large, ont conscience en effet qu’ils doivent sortir. Ils doivent descendre dans l’arène », explique-t-il.
Hizmet-soufisme, même combat ?
Dans sa définition, « le soufisme incarne un visage trop méconnu de l’islam, celui de l’ouverture, du respect et de la fraternité. Il consiste en un enseignement vivant, transmis de maître à disciple, dont l’origine remonte au prophète Muhammad et à ses compagnons. Le soufisme est une voie d’éducation personnelle et de connaissance intérieure, accessible à toute personne en recherche spirituelle, quels que soient sa culture et son milieu social. Pour le disciple soufi, c’est au travers d’une expérience intime et d’une vie active dans la société, que se révèle une dimension de l’être, porteuse du sens profond de la création ». Quant au mouvement Hizmet ou Gülen, il enseigne, d’une part que la communauté musulmane a un devoir de service (en turc hizmet) envers le « bien commun » de la communauté et de la nation et envers les musulmans et les non-musulmans du monde entier, et d’autre part, que la communauté musulmane se doit d’établir un dialogue interconfessionnel avec les « Gens du Livre » (les juifs et les chrétiens).
Ces deux mouvements apparaissent comme des approches dont le discours et la conception peuvent contribuer à la lutte contre l’extrémisme et à l’instauration de la paix dans le monde. Les questions qui se posent à leur niveau, c’est comment faire en sorte que leurs valeurs soient partagées et comprises et jusqu’à quel point, ces deux mouvements peuvent contrecarrer les discours fondamentalistes. Tant que ces approches ne sont pas complétées par un mouvement d’ensemble où on retrouve d’autres initiatives « pacifistes », les résultats resteront confinés dans des territoires bien déterminés.
Michel NANA, en collaboration avec Afronline (Italie)
kaja
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interessant de http://islam.bf comme je l’ai dit
31 mai 2016