JOÃO LOURENÇO A L’ELYSEE
Une visite, plusieurs enjeux
Le président français, Emmanuel Macron, a déroulé, hier, 28 mai à l’Elysée, le tapis rouge à son homologue angolais qui effectue sa première visite officielle, depuis son investiture en septembre 2017, en France, du 27 au 30 mai 2018. C’est donc avec tous les honneurs que João Lourenço a été accueilli dans l’Hexagone, un des partenaires privilégiés de l’Angola en termes d’affaires et de plus en plus sur le plan politique. Essentiellement axé sur la coopération bilatérale, le séjour de l’Angolais, de l’avis de nombreux spécialistes, est pour renforcer les liens économiques et diplomatiques entre les deux pays, avec la signature d’accords commerciaux et des échanges sur la situation politique qui prévaut actuellement en RDC. Sur le plan économique, autant la France a besoin de l’Angola où elle tient presque le leadership dans l’exploitation du pétrole avec Total, autant l’Angola a besoin de la France pour diversifier son économie. On sait que depuis quatre ans maintenant, l’économie angolaise, en grande partie basée sur le pétrole, souffre des effets yoyo du prix du baril alors que le pays dispose d’autres ressources naturelles comme ses terres arables, le diamant. De plus, le pays a atteint un niveau de développement pouvant lui permettre de poser le curseur de son économie sur les secteurs secondaire et tertiaire. C’est d’ailleurs la volonté affichée du président Lourenço qui a décidé d’opérer des réformes pour mieux appâter les investisseurs. De quoi susciter de nouveau l’intérêt de la France dont les échanges commerciaux avec l’Angola ont drastiquement chuté ces dernières années, et qui entend, avec les différentes conventions signées hier, jouer les premiers rôles dans les secteurs économiques angolais.
L’Angola joue actuellement un rôle très actif au niveau des organisations régionales
Au-delà de sa volonté d’être au premier niveau des investisseurs en Angola, la France entend mettre à profit le rôle géopolitique régional et sous-régional de Luanda pour trouver des solutions à la crise politique qui prévaut en RDC autour de l’élection présidentielle. C’est dire si cette visite de João Lourenço comporte plusieurs enjeux.
Si le président français Macron s’était déjà attiré les foudres des autorités congolaises en disant clairement à propos de la sortie de crise au pays de Joseph Kabila que « La France soutient l’initiative prise par le président de l’Union africaine en lien étroit avec le président angolais », lorsqu’il a reçu le président Paul Kagame le mercredi 23 mai dernier, il en rajoute une couche à l’occasion de la visite de son homologue angolais. Morceaux choisis : «L’accord de la Saint Sylvestre est le seul viable. J’apporte mon plein soutien à la position angolaise (…) C’est la stabilité qui est recherchée», a dit Macron à la suite de Lourenço qui a fait savoir que «Le président Kabila doit respecter l’accord de la saint Sylvestre et ne pas se représenter aux élections en République démocratique du Congo qui auront lieu en décembre prochain».
Toujours est-il que l’Angola joue actuellement un rôle très actif au niveau des organisations régionales. Luanda préside la Conférence internationale des pays de la région des Grands Lacs (CIRGL) et il a toujours été au premier plan dans les médiations de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). C’est dire que le pays est incontournable dans les dossiers de la sous-région et celui de la RDC ne lui est pas étranger. En réalité, en ce qui concerne la sortie de crise en RDC, l’attitude de l’Angola sera déterminante en ce sens qu’il est jusque-là, le principal soutien de Joseph Kabila dont il a été l’un des acteurs-clé également, dans la prise de pouvoir par son père. Mais avec l’alternance qui s’est opérée en Angola, la donne pourrait changer. Lourenço, goûtant aux délices de cette alternance, pourrait être disposé à travailler à imposer l’alternance également en RDC, qui consisterait à contraindre Joseph Kabila à organiser les élections tout en l’empêchant de se porter candidat.
Drissa TRAORE