JOËL COMPAORE, SECRETAIRE GENERAL DE LA SECTION CDP/FRANCE : « Nous sortons de ce congrès encore plus forts»
A l’occasion du 7e congrès ordinaire du CDP, nous avons rencontré le représentant de l’ex-parti au pouvoir en France dans le cadre de notre rubrique Mardi Politique. Joël Compaoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, nous parle, en plus de la section CDP France, de l’ambiance au cours du congrès, du nouveau président du parti, de la gouvernance du MPP, etc.
« Le Pays » : Pouvez-vous nous dire un mot sur la section CDP France ?
Joël Compaoré (JC) : La création de la section France répondait à un souci d’une meilleure prise en compte des préoccupations de nos compatriotes de la diaspora basés dans ce pays. Et comme tout grand parti politique bien organisé, l’idée de la création d’une section sur place s’est imposée d’elle-même afin d’assurer un meilleur relais des idées de la forte communauté burkinabè vivant dans l’Hexagone. Notre section France est une section dynamique. Elle est surtout une force de propositions au sein de notre parti où plusieurs générations se côtoient ; toute chose qui nous permet de mieux appréhender les problématiques intergénérationnelles.
Comment se porte-elle ?
Je puis vous rassurer qu’elle se porte très bien aujourd’hui. L’un des indices de ce regain de dynamisme est le fait que le rythme des adhésions est reparti à la hausse depuis la création du MPP et les évènements de 2014 au Burkina Faso. Le taux de participation à nos différentes rencontres nous conforte encore dans cet optimisme. Pour nous, c’est la preuve que notre parti retrouve sa place dans le cœur des Burkinabè, au regard des nombreux espoirs déçus.
Comment a été l’ambiance autour de l’élection du président du CDP ?
Elle a été des plus cordiales. Vous savez, contrairement aux apparences, en matière de structuration et d’organisation, en toute modestie, nous ne pouvons recevoir de leçons de personne. Beaucoup ont appris de nous. Il est admis aussi que notre parti demeure le précurseur, au Burkina Faso, du mode de désignation démocratique de son président. C’est la raison pour laquelle les militants ont su taire leurs divergences pour privilégier l’intérêt de notre grand parti en faisant en sorte que même les personnes qui ne seraient pas portées à des postes de responsabilités, n’aillent pas se calfeutrer dans d’autres partis, comme certains ont pu le faire à leur grand désarroi.
Comment appréciez-vous le nouveau président du parti ?
Au regard du charisme du président Komboïgo, on ne peut pas dire que c’est une surprise. Il s’est investi depuis 2015, avec dévouement et abnégation, pour que la renaissance du parti soit effective. Ces résultats sont certainement le fruit du travail acharné et de la persévérance. D’autres également comme Léonce Koné, Achille Tapsoba, Pr Segda, Boureima Badini et j’en passe, ont fourni un travail remarquable afin que le parti survive à des moments de grandes incertitudes. Il appartient désormais au Président Komboïgo de travailler à la cohésion du parti en tant que chef d’une même famille politique. Sachant l’esprit d’ouverture dont il a toujours fait preuve, nous lui faisons confiance.
Est-ce que son élection a été une surprise pour vous ?
Il y avait bien évidement différentes sensibilités, d’où l’intérêt d’avoir procédé à des élections. En tant que démocrates convaincus, nous pensons que la légitimité s’acquiert par les urnes. C’est donc une maturité politique dont a fait preuve le CDP et nous souhaitons qu’elle fasse jurisprudence au sein de tous les partis politiques sensibles aux fondamentaux démocratiques. La démocratie à l’échelle nationale ne sera une réalité que si elle se conçoit d’abord au sein des différentes formations politiques. Aujourd’hui, nous avons un président qui jouit de toute sa légitimité et il ne devrait plus être question de préférence. Nous avons le devoir moral et militant, tous autant que nous sommes, de l’accompagner pour faire œuvre utile dans l’intérêt supérieur de la Nation.
Quelle était votre préférence ?
(Sourire). Question piège. Donc, naturellement difficile à répondre en une seule tirade. Chaque candidat avait ses forces et ses faiblesses, mais l’essentiel est que tous avaient pour seul objectif de faire triompher le CDP en 2020. Cette élection a montré, au-delà de nos divergences, que chacun des candidats a pu se hisser pour le bien-être du parti.
Avez-vous eu à donner une consigne de vote à vos militants ?
Absolument pas. Nous avons foi en la démocratie et en la capacité de chaque membre du bureau exécutif, d’avoir un choix éclairé et objectif guidé par ses convictions. Du reste, ce collège électoral était constitué de personnes avisées, avec une bonne connaissance de la scène politique et de notre parti. Ainsi, le scrutin s’étant déroulé à bulletin secret, chacun a pu exprimer ses convictions en toute âme et conscience, face à ses responsabilités, à celles du parti et à la destinée du pays.
Ne pensez-vous pas que le CDP sort davantage fragilisé de ce congrès ?
Nos adversaires d’en face peuvent le penser. Mais à leur désarroi, je puis vous dire avec certitude que nous n’avons aucun doute que nous sortons de ce congrès encore plus forts. Le CDP a traversé des périodes tumultueuses depuis les évènements de 2014 et pas des moindres. De la suspension du parti en passant par les arrestations arbitraires, il y a beaucoup d’épreuves qui nous ont fortifiés et ainsi renforcé notre détermination à s’unifier pour rendre au peuple ce qui lui a été arraché, c’est-à-dire une partie de son territoire, sa quiétude et son pouvoir d’achat, tout simplement son bien-être. Malgré toutes les difficultés que le CDP a rencontrées, il a toujours su trouver les ressources pour mettre en avant l’intérêt de la Nation. C’est ce que nous ferons une fois de plus. C’est dire que nous avons grandi en apprenant de nos erreurs, et que nous sommes prêts à aller de façon unifiée à la reconquête électorale afin de mettre un terme au tâtonnement en matière de gouvernance que nous constatons actuellement et cela nous permet de poursuivre l’œuvre du président d’honneur, Blaise Compaoré, homme de vision et de paix.
Maintenant que le président du parti est connu, que compte faire la section France dans les prochains jours ?
Nous allons assurer comme d’habitude un travail de relais des vraies informations auprès de tous les militants par rapport aux décisions et résolutions prises lors de ces travaux. La nouvelle donne en place devrait naturellement nous inspirer des activités nouvelles, pour être en phase avec l’idéal de nos leaders.
Avez-vous des contacts avec Blaise Compaoré, le fondateur du CDP ?
Oui, nous avons des nouvelles du président, il se porte bien. Comme vous pouvez l’imaginer, il est préoccupé par la situation socio-politique du Burkina, mais il reste très optimiste car, pour lui, le peuple burkinabè est un peuple travailleur et tolérant, qui va réussir à surmonter toutes ces épreuves et sortir encore plus fort. La France a eu Charles De Gaulle et le Burkina a Blaise Compaoré. Son bureau ne désemplit pas. Il reçoit des gens qui partagent son idéal. Il ne s’agit pas des courtisans. De nombreux gouvernants du monde continuent de solliciter son expertise et ses conseils sur des questions stratégiques. Il n’a jamais fait l’économie de sa disponibilité.
Quelle appréciation faites-vous de la gouvernance du MPP ?
(Soupir) : La gouvernance du MPP est la conjugaison d’un manque de vision associé à un amateurisme déconcertant. Certains de leurs leaders ont plus de 35 ans d’expérience comme commis de l’Etat burkinabè, mais nous avons l’impression qu’ils découvrent son fonctionnement maintenant. Le pouvoir MPP stigmatise et oppose les populations là où il faut prôner l’unité et la cohésion, notamment face au terrorisme qui est un mal de notre siècle. Les autres secteurs de fonctionnement du pays sont gangrenés par des actions de saupoudrage qui n’ont naturellement aucun impact visible sur le niveau de vie des populations. Le sujet de la réconciliation nationale qui devrait mobiliser les énergies, est voué aux gémonies du fait d’agitateurs dont les esprits ont été formatés dans des officines secrètes. Le bateau burkinabè tangue depuis quelques années, parce que l’équipage chargé de sa conduite est soit inexpérimenté, soit animé d’une mauvaise volonté.
Le Burkina est l’objet de plusieurs attaques terroristes. D’aucuns pointent du doigt la gouvernance de Roch qui serait incapable de trouver une solution à ce fléau. Qu’en dites-vous ?
Sans forcément être oiseau de mauvais augure, le Nord nous échappe. Le terrorisme touche plusieurs pays mais ce qui inquiète, c’est la récurrence et la fréquence des attaques pour ce qui concerne le Burkina. Comme nous le disons, le pouvoir MPP a perdu le Nord au sens propre et figuré. 25 000 élèves ont déserté les classes par manque d’enseignants car assassinés et terrorisés. L’acte qui renforce notre conviction, est la fermeture momentanée du tribunal de Djibo. C’est un mauvais signal donné aux habitants de cette partie du pays. Les centaines de milliards du Programme d’urgence pour le Sahel ne semblent pas suffisamment avoir pris en compte toutes les dimensions des problématiques de développement dans cette partie du pays, comme la sécurité. On fait du saupoudrage en réalisant par-ci par-là des clôtures de commissariats, de préfecture. Demander aux hommes au front et vous comprendrez qu’il faut aller au-delà de ces gestes symboliques. Le capitaine, à bord, ne se fait pas sentir. Le terrorisme promis contre les terroristes n’est apparemment qu’un discours creux.
Avez-vous espoir que le vote des Burkinabè de l’étranger sera effectif en 2020 ?
Le vote est un droit légitime que nous confère notre loi fondamentale. Et le président du Faso qui en est le garant, a plusieurs fois donné sa parole quant à sa détermination à le concrétiser lors des prochaines échéances, en l’occurrence le scrutin de 2020. Aussi, je ne peux imaginer qu’il ne la respecte pas. Si des pays comme le Sénégal, le Mali le font, il n’y a pas de raison que le Burkina Faso ne puisse pas le faire. Il y va de l’équité entre les Burkinabè qui, du reste, contribuent énormément au développement du pays en apportant énormément de devises. Le vote des Burkinabè de l’étranger est un acquis qui ne saurait être remis en cause. Cela fait d’ailleurs partie des activités qui mobilisent notre énergie. Le sujet revient fréquemment dans les échanges avec nos compatriotes qui ne s’attendent pas à de mauvaises surprises dans deux ans.
Comment se prépare, à votre niveau, le Forum de la diaspora annoncé par le chef de l’Etat dans son discours de nouvel an ?
Il faut dire qu’à l’image de la gouvernance actuelle, c’est un forum qui se prépare « à la va vite ». Imaginez-vous que personne ne peut nous donner avec certitude la date ni la méthodologie de travail de ce forum de la diaspora. Malgré cela, nous nous attelons à produire un document de référence pour ce forum.
Y a-t-il, selon vous, des chances que François Compaoré soit extradé un jour comme le souhaitent les autorités burkinabè ?
Nous n’avons pas pour habitude de commenter un dossier qui est encore en délibéré. Je peux vous dire que nous avons été de ceux qui ont manifesté en 1998 pour demander que justice soit rendue à Norbert Zongo et à ses compagnons. Mais nous restons avant tout attachés à une justice rendue sur la base de faits avérés et vérifiables. Il y a lieu, dans ce procès, de se poser la question de savoir pourquoi l’Etat burkinabè n’a pu apporter aucun élément pour étayer et fonder sa requête. S’ils ont des preuves de ce qu’ils avancent, qu’ils les apportent pour que justice soit rendue. Dans le cas contraire, qu’ils arrêtent l’instrumentalisation de cette affaire pour s’acharner sur un homme.
Quel regard critique portez-vous sur le procès du putsch manqué qui, à peine ouvert, a connu plusieurs reports ?
Notre réponse sera identique à la précédente. Nous n’avons pas de raison de douter de la bonne foi de notre appareil judiciaire. Les rebondissements observés actuellement sont inhérents à des dossiers de cette envergure. La manifestation de la vérité est un combat qui rencontre notre assentiment. Les victimes n’en demanderaient pas mieux, mais aussi les populations de façon générale. Si la réconciliation doit passer par là, qu’on y aille franchement, sans calcul politique.
Propos recueillis par Drissa TRAORE
Carte de visite
« J’ai obtenu mon Baccalauréat série C au collège de la Salle à Ouagadougou. Après une année invalidée à l’université de Ouagadougou, j’ai continué mes études supérieures à l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC Paris 6) où j’ai obtenu un master en physique appliquée. Puis, je me suis spécialisé en capteur mesure et instrumentation à l’Ecole supérieure de physique et de Chimie Industrielles de la ville de Paris (ESPCI). Ce cursus a été sanctionné par un diplôme d’ingénieur. J’ai aussi fait un bref passage dans le privé, notamment dans le secteur de l’éolien et dans la fourniture de matériel de géolocalisation. Aujourd’hui, je suis professeur de mathématiques à l’Académie de Versailles. »