HomeA la uneJOURNEE INTERNATIONALE DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION : Pour la mise en œuvre de la loi anti-corruption

JOURNEE INTERNATIONALE DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION : Pour la mise en œuvre de la loi anti-corruption


Ouagadougou a abrité, le mercredi 9 décembre 2015, la cérémonie officielle de lancement des activités marquant la Journée internationale de lutte contre la corruption. Placée sous le patronage du président de la Transition, Michel Kafando, cette cérémonie a été conjointement organisée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), le Réseau africain des journalistes pour l’intégrité et la transparence (RAJIT) et le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC). Elle a été suivie d’un panel sur le thème « Loi anti-corruption : contenu et rôle des acteurs pour sa mise en œuvre ». Cette Journée était placée sous le signe de l’application effective de la loi 004-2015/CNT portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso.

 

Le monde entier commémore le 9 décembre de chaque année, la Journée internationale de lutte contre la corruption. Cette journée rappelle l’engagement du monde entier à combattre le « cancer du développement » qu’est devenue la corruption. Au Burkina Faso, c’est par un panel que les acteurs de la lutte ont marqué d’une pierre cette commémoration. Ce panel s’est tenu sous le thème : « Loi anti-corruption : contenu et rôle des acteurs pour sa mise en œuvre ». A travers ce panel, ils ont voulu s’adresser à tous les Burkinabè et à tous les partenaires du Burkina Faso sur la nécessité d’un engagement commun et ferme pour la mise en œuvre diligente et effective de cette loi 004-2015/CNT portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso. En effet, élaborée depuis 2011 par le REN-LAC et ses partenaires de lutte, c’est finalement le 3 mars 2015 que cette loi a été adoptée par le Conseil national de la transition (CNT) ; faisant du Burkina Faso un des pays conformes à la convention des Nations unies contre la corruption lancée en 2003 et aux autres instruments juridiques internationaux de lutte contre ce fléau.

 

Faire de cette loi un outil de veille et d’interpellation citoyenne

 

En plus de cette loi, Dr Claude Wetta, secrétaire exécutif du REN-LAC, a noté également la réforme de l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), le renforcement des garanties d’indépendance de la Justice à travers la relecture des statuts de la magistrature et du Conseil supérieur de la magistrature et le déclenchement de procédures judiciaires dans certains dossiers de corruption et de malversations. Ce renforcement du dispositif législatif donne, selon lui, l’espoir que les goulots d’étranglement en matière de lutte contre l’impunité des faits de corruption sont en voie d’être levés. Et de souligner que ces réformes opérées ne sauront être effectives et traduites dans les faits sans une sincère volonté politique. « C’est pourquoi, a-t-il dit, il nous tient fortement à cœur, dans le contexte actuel de passage à témoin entre les autorités de la Transition et les nouvelles autorités légales et légitimes du Burkina Faso qui s’apprêtent à prendre le gouvernail, d’appeler à cette réelle et sincère volonté politique sur le terrain de la lutte contre la corruption ». Et de souhaiter que les acquis engrangés sous la Transition soient préservés et renforcés sous le nouveau pouvoir ; que les textes d’application de la loi anti-corruption soient adoptés et que les procédures judiciaires déclenchées sous la Transition soient conduites à leur terme.

En plaçant la Journée sous le signe de l’application effective de la loi anti-corruption, les organisateurs du panel ont voulu interpeller chaque acteur en commençant par les gouvernants sur leur responsabilité et rôle central dans la lutte contre la corruption et l’impunité des crimes économiques qui constitue une forte attente du peuple burkinabè. Aussi attendent-ils des autorités, qu’elles donnent l’exemple de l’intégrité à travers la déclaration de leurs patrimoines de fin de fonction pour les autorités de la Transition et dès la prise de leur fonction pour les nouvelles autorités en voie d’installation. Ils ont par ailleurs lancé un appel aux organisations de la société civile, à la presse et aux citoyens afin qu’ils fassent de cette loi, un outil de veille et d’interpellation citoyenne.

 

Christine SAWADOGO

 

 

Ils ont dit…

 

Michel Kafando, président du Faso

 

« Nous espérons que ceux qui vont nous remplacer prendront les dispositions nécessaires pour combattre la corruption sous toutes ses formes»

 

“Je voudrais dire tout d’abord que c’est à l’honneur du gouvernement, à l’honneur de l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat, à l’honneur aussi des organismes associés qui luttent contre la corruption, c’est-à-dire le REN-LAC, le PNUD, du Réseau africain des journalistes pour l’intégrité et la transparence (RAJIT), d’avoir marqué fortement cette journée du 9 décembre en organisant cette cérémonie. Le contrôleur général d’Etat a brossé les méfaits de la corruption. La corruption est une gangrène qui mine le tissu social, qui dépersonnalise aussi bien le corrupteur que le corrompu. C’est pourquoi la Transition a eu à cœur, en arrivant, de s’attaquer à ce fléau. Nous n’avons pas un bon classement mais nous avons essayé, en tenant compte de certaines réalités, de prendre les mesures nécessaires pour amener le Burkina Faso, honorablement dans le rang des pays les moins corrompus. C’est d’ailleurs ce qui a justifié la création de l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat. Je voudrais profiter de l’occasion pour féliciter Professeur Ibriga et ses collaborateurs, les responsables du REN-LAC, du PNUD, du Réseau international de journalistes pour ce qu’ils ont fait depuis que nous sommes là. Ils ont fait beaucoup pour la Transition et nous en sommes fiers. C’est d’ailleurs pour cela aussi que le Conseil national de la Transition a tenu à constitutionnaliser l’ASCE et nous espérons que ceux qui vont nous remplacer resteront dans la ligne que nous avons tracée à savoir prendre toutes les dispositions nécessaires pour combattre la corruption sous toutes ses formes, de façon à ce que notre pays retrouve honorablement son rang de pays des Hommes intègres comme d’ailleurs son nom l’indique. Nous sommes satisfaits de la commémoration de cet anniversaire du 9 décembre, c’est-à-dire la Journée internationale de lutte contre la corruption”.

Pr Luc Marius Ibriga,

président de l’ASCE-LC

 

« Cette année, le 9 décembre se fête sous de bons auspices »

 

« Ce que l’on peut dire, c’est que le Burkina Faso a vu en très peu de temps son indice s’améliorer dans le classement des pays du point de vue de la corruption parce que la loi 04-2015 du CNT est une des premières lois qui ont été adoptées dans le pays, qui soit presque en exacte adéquation avec la convention des Nations unies contre la corruption. En plus de cela, il y a eu un certain nombre de réformes qui ont été menées, notamment celle de l’ASCE, pour lui donner plus de pouvoirs, plus de moyens afin de lutter véritablement contre la corruption. On peut donc dire que cette année, le 9 décembre se fête sous de bons auspices parce qu’il y a l’infrastructure juridico-institutionnelle de la lutte contre la corruption. Mais nous ne devons pas baisser les bras parce que le tout n’est pas d’avoir les textes et les institutions ; il faut qu’il y ait une volonté politique pour véritablement s’engager dans la lutte contre la corruption. Nous devons lutter au maximum. Le Burkina était le premier parmi les pays les moins corrompus de l’UEMOA, mais a été dépassé ces dernières années par le Sénégal. Le Sénégal vient en premier lieu et le Burkina en deuxième. Cela veut dire que nous devons tout faire pour retrouver notre première place et être au niveau de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique, un des pays les moins corrompus pour mériter notre appellation de Burkina Faso. »

 

Dr Claude Wetta, secrétaire exécutif du REN-LAC

 

 

« Entre 2013 et 2014, nous avons reculé : on est passé de 83e à 85e » 

 

« Lorsque l’on regarde les chiffres que la Banque mondiale nous donne, c’est à peu près 1/5e de nos ressources que nous perdons en raison du phénomène de la corruption. Et quand on dit 1/5e des ressources d’un pays, c’est énorme. Si vous prenez la richesse du Burkina, vous considérez qu’elle fait 3000 milliards, vous le divisez en 5, cela fait environ 600 milliards que nous perdons chaque année. Ce sont des sommes qui peuvent servir pour faire des routes, des écoles, des centres de santé et c’est énorme pour un pays comme le Burkina. Je pense que c’est surtout cela qu’il faut voir. Et comme l’a dit le contrôleur général, il faut tout faire pour enrayer cette gangrène. Selon les enquêtes que nous avons faites, en général, les Burkinabè pensent que la corruption est répandue à près de 90% pour les cinq dernières années. Ce sont des chiffres qui peuvent fluctuer entre 91, 92 et 93%, mais c’est généralement supérieur à 90%. Ce qui n’est pas une très bonne opinion. La question de la corruption au Burkina Faso est comme la question du développement. Ce n’est pas quelque chose que l’on observe du jour au lendemain, mais c’est une lutte de longue haleine. Il faut regarder sur une dizaine d’années puisque ce sont des questions d’impact. Or, les questions d’impact, on ne peut pas les analyser à court terme, il faut les analyser soit à moyen, soit à long terme. Actuellement, elle ne diminue pas. Par exemple, si vous prenez le classement de Transparency international, depuis trois ans, nous avons la note de 3,8/10 ou 38/100. Donc, cela fait qu’on a l’impression que c’est un phénomène de stagnation en ce qui concerne la notation, mais quand vous regardez le classement, entre 2013 et 2014, nous avons reculé : on est passé de 83e à 85e. On espère que l’année 2015 va nous permettre de gagner quelques places pour pouvoir effectivement dire que le travail que nous faisons n’est pas inutile. Pour ce qui est de la lutte, il y a les textes qui sont là, mais, par exemple, le texte sur la lutte contre la corruption, c’est seulement en 2015 qu’il a été adopté. Pourtant nous étions en train de nous battre depuis 2011 pour qu’il soit adopté mais les gouvernements antérieurs faisaient un peu de blocage. Donc, ce n’est pas toujours évident. Nous pensons donc qu’avec cette adoption, on peut faire reculer la corruption de façon assez significative. »

 

Propos recueillis par S.C.


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