HomeA la uneJOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE PRESSE : Tant qu’il y aura des dictateurs …

JOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE PRESSE : Tant qu’il y aura des dictateurs …


Aujourd’hui, le monde entier célèbre la liberté de la presse. En effet, depuis 1993, le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations Unies, suivant la recommandation adoptée lors de la vingt-sixième session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991. Cette recommandation faisait, elle-même, suite à l’appel des journalistes africains qui, en 1991, ont proclamé la Déclaration de Windhoek sur le pluralisme et l’indépendance des médias. Comme tous les ans, cette journée est l’occasion de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, d’évaluer la liberté de la presse à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession. Cette année, la célébration de la journée intervient, si l’on en croit le rapport 2017 de Reporters Sans Frontières (RSF) portant classement mondial de la liberté de presse, dans un contexte globalement marqué par un recul de la liberté de la presse, au point même d’alarmer les premiers responsables de l’ONG. En effet, selon le secrétaire général de l’organisation, Christophe Deloire, « jamais la liberté de la presse n’a été aussi menacée ».

Le terrorisme sert de prétexte à certains dirigeants pour museler la presse

En effet, sur 180 Etats recensés, la situation est qualifiée de « difficile » ou « très grave » pour la liberté de la presse dans 72 pays. La nouveauté, cette année, réside dans les risques de basculement dans les démocraties occidentales en matière de respect de liberté de la presse où l’obsession de la surveillance et le non-respect du secret des sources deviennent omniprésents ou du fait de l’accession au pouvoir d’hommes forts qui ne font pas mystère de leurs penchants anti-presse comme Donald Trump aux USA ou Recep Tayyip Erdogan en Turquie. Car « partout où le modèle de l’homme fort et autoritaire triomphe, la liberté de la presse recule ». En Afrique, la principale menace à la liberté de presse reste les dictatures. Et l’exemple le plus illustratif est le Burundi où le satrape de Bujumbura ne se gêne pas de bâillonner les journalistes ou de fermer carrément des médias. Pour preuve, le pays a ravi la palme des saccages des locaux de presse, des arrestations, des mauvaises tortures infligées à des journalistes et des disparitions des hommes de médias à l’échelle du continent. A Nkurunziza, comme à tous ses pairs du continent, allergiques à toute critique et maîtres de la pensée unique, s’est ajouté le contexte international marqué aujourd’hui par la recrudescence du terrorisme qui sert aujourd’hui de prétexte à certains dirigeants pour museler la presse. Le ministre de la Communication camerounais, Issa Tchiroma Bakary, en a fait une parfaite illustration par sa sortie à propos de la condamnation du correspondant de RFI, Ahmed Baba, en ces termes : « La liberté de la presse s’arrête là où commence la menace de la souveraineté et des fondamentaux de la République ». Au plan national, même le Burkina peut s’enorgueillir de ses progrès en matière de liberté de la presse qui lui valent un rang plus qu’honorable dans le classement mondial de la liberté de presse. Certaines pratiques tendent à asphyxier les médias. En effet, le refus de l’Etat d’honorer ses factures vis-à-vis des maisons de presse qui a été à l’origine de la disparition de certains titres dans les kiosques, est une situation qui n’est pas sans effet sur la vitalité du pluralisme d’expression.

Les peuples doivent être les meilleurs avocats des journalistes

Au regard de tout ce qui précède, l’on ne peut que partager l’opinion qui fait du journalisme « le métier le plus dangereux du monde». Et l’optimisme n’est pas de mise lorsque l’on sait que l’Etat islamique (EI) a entamé une mue où elle fait clairement des journalistes et des humanitaires ses prochaines cibles. Le journalisme est devenu, de ce fait, un véritable sacerdoce et c’est en cela qu’il faut rendre hommage aux hommes et femmes de ce métier qui, au risque de leur vie, se battent pour donner l’information, éduquer les masses, défendre les libertés individuelles et démocratiques, bref pour promouvoir le progrès du genre humain. Toutefois, il faut reconnaître que dans ce métier à hauts risques se cachent aussi des brebis galeuses qui ne font pas honneur à la corporation. Laudateurs zélés des princes régnants, défenseurs de l’indéfendable quand ils ne font pas dans la pyromanie, certains journalistes semblent avoir vendu leur âme au diable pour devenir eux-mêmes des fossoyeurs de la liberté de presse. Moins que des journalistes, ils ne sont que des acteurs de propagande qui au sens que leur donne Guy Durandin, ont pour but d’exercer une influence sur les personnes : « soit pour les faire agir dans un sens donné […], soit au contraire, pour les rendre positifs et les dissuader de s’opposer à certaines actions menées par le pouvoir… ». Dans ce cas, les médias, il faut le dire, peuvent avoir un rôle très dangereux voire nocif.

Cela dit, gardons-nous bien de « jeter le bébé avec l’eau du bain». Car au-delà des brebis égarées, la presse constitue un vrai contre-pouvoir souvent bien plus efficace que les oppositions politiques traditionnelles. Elle est, de ce fait, un précieux instrument de la gouvernance politique et économique et parfois le dernier rempart contre l’arbitraire des pouvoirs politiques, quand bien même elle en est elle-même bien souvent victime. C’est pourquoi les peuples eux-mêmes se doivent d’être les meilleurs avocats des journalistes.

« Le Pays »      


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