HomeA la uneJOURNEE MONDIALE DE LUTTE CONTRE LE VIOL : Il en faut beaucoup plus pour dissuader les violeurs

JOURNEE MONDIALE DE LUTTE CONTRE LE VIOL : Il en faut beaucoup plus pour dissuader les violeurs


 

Hier, dimanche 19 juin 2016, a été commémorée la journée mondiale de lutte contre le viol comme arme de guerre. Et c’est la première édition. Pourtant, cette pratique ignoble qui est utilisée depuis la nuit des temps, pouvait s’observer sur tous les continents. Aujourd’hui, encore, elle est d’actualité dans plus de 10 pays à travers le monde, à en croire la juriste internationale et présidente de l’Association « nous ne sommes pas des armes de guerre », Celine Bardet. Il était donc temps que la communauté internationale prenne à bras-le-corps la question à l’effet de lui trouver une solution à la hauteur des attentes de la conscience universelle. En effet, cette pratique qui foule au pied ce que l’Homme a de plus sacré c’est-à-dire la dignité, vient confirmer la thèse du philosophe anglais Thomas Hobbes, selon laquelle « L’homme est un loup pour l’homme ».

Les objectifs des auteurs et des idéologues de cette pratique ne souffrent d’aucune ambiguïté

Et lorsque l’on fait le point des ravages occasionnés par la pratique du viol comme arme de guerre dans les conflits, l’on ne peut que s’incliner devant le point de vue de Thomas Hobbes et pour cause. D’abord, les objectifs des auteurs et des idéologues de cette pratique ne souffrent d’aucune ambiguïté. Il s’agit d’anéantir moralement et psychologiquement leurs victimes et par voie de fait la société dans laquelle elles se trouvent. Ensuite, lorsque l’on analyse le problème sous l’angle de ses conséquences et pour peu que l’on soit doté de conscience, l’on ne peut qu’avoir froid dans le dos et associer sa voix à celle de ceux qui considèrent cette pratique comme un crime contre l’humanité et ce pour les considérations suivantes. Premièrement, les victimes, pour des raisons liées le plus souvent à des pesanteurs socio-culturelles, préfèrent vivre leur humiliation dans la solitude et le silence si fait qu’elles exposent leurs partenaires à toutes sortes de maladies transmissibles par la voie sexuelle. Par ces temps de SIDA, l’on peut se faire une idée sur les massacres que cette posture peut susciter. Deuxièmement, les victimes qui ont pris leur courage à deux mains pour rendre publics leurs cas, s’exposent soit à la stigmatisation soit à la répudiation. De ce point de vue, l’on peut dire qu’elles sont face à un véritable dilemme. Troisièmement, les enfants issus de ces viols sont traités dans bien des cas comme de véritables parias par la société. Leur seul crime est d’être nés de mères violées. Et que dire des enfants qui ont vu leurs parents subir une telle humiliation ? Ces malheureux, à moins d’être pris en charge par des structures spécialisées à temps, ce qui n’est pas évident dans la quasi-totalité des pays où la pratique peut être constatée, traîneront toute leur vie durant, un traumatisme certain. Et l’on n’a pas besoin d’être un expert en psychologie des comportements pour savoir que de tels enfants constituent un danger potentiel pour la société. De ce qui précède, il n’est pas exagéré de dire que la pratique du viol dans les conflits devrait être considérée comme une arme de destruction massive. C’est pour cette raison d’ailleurs, peut-on dire, que les forces du mal et tous ceux qui caressent l’espoir de conduire l’humanité à sa perte en font usage de manière systématique. Au nombre de ces forces du mal, l’on peut citer Boko Haram au Nigeria, Daesh en Syrie et en Irak et naturellement la kyrielle de mouvements rebelles qui écument depuis plus d’une décennie la RDC en général et les deux Kivu en particulier. Ce dernier pays, en effet, s’est rendu tristement célèbre pour l’utilisation systématique du viol comme arme de guerre et de terreur sur les populations civiles. C’est donc à juste titre qu’en 2010, Margot Wallström, ancienne représentante de l’ONU pour les violences sexuelles dans les conflits, avait qualifié la RDC de « Capitale mondiale du viol ». L’on peut ajouter à cette liste noire, les pays qui, de  par le passé, ont fait usage du viol comme arme de guerre. Ainsi, l’on peut citer l’ex-Yougoslavie dans les Balkans où les filles et femmes de confession musulmane avaient subi cette humiliation, la Libye où les troupes de Kadhafi, pendant la rébellion de 2011, y ont eu recours, et plus proche de nous la Côte d’Ivoire où pendant les temps forts de la crise, soldats loyalistes et forces rebelles s’y sont livrés à cœur joie et ce en toute impunité. La situation était donc devenue une préoccupation morale à l’échelle du monde. C’est pourquoi, l’on peut saluer les Nations unies qui ont pris l’initiative de dédier une Journée mondiale à la lutte contre le fléau. Mais l’on peut se demander si cela peut suffire pour dissuader les violeurs devant l’éternel. L’on peut en douter. Car, l’on peut avoir l’impression que face aux grands périls auxquels l’humanité est confrontée, l’ONU, pour se donner bonne conscience, se contente dans le meilleur des cas, d’instituer des journées mondiales à l’effet de les combattre.

Les conséquences de cette pratique sont énormes pour la société

Le seul avantage de ces initiatives est de susciter la réflexion. Mais les violeurs n’en n’ont cure, puisque de toute évidence, la théorie du cogito ergo sum ne s’applique pas à eux. Par conséquent, l’ONU ferait mieux d’aller au-delà de la journée mondiale de lutte contre le viol comme arme de guerre en envisageant des mesures fortes, concrètes et plus dissuasives contre tous ceux qui s’adonnent à cette pratique. La théorie de la responsabilité du commandant en vertu de laquelle Jean Pierre Bemba est en train de répondre actuellement à la Haye des viols commis par ses soudards en République centrafricaine, devrait s’appliquer systématiquement et sans état d’âme à toutes les organisations qui ont inscrit les violences sexuelles dans leur mode opératoire comme une stratégie de guerre. En tout cas, l’ONU ne peut pas dire qu’elle ne les connaît pas. Si elle en fait une priorité, elle doit se donner les moyens pour traquer leurs chefs. Elle doit d’autant plus le faire que les conséquences de cette pratique sont énormes pour la société. Le gynécologue congolais Denis Mukwegé a évoqué cette triste réalité en ces termes : « Les conflits ne durent qu’un temps alors que les viols peuvent avoir des répercussions sur des générations ». Et ce dernier sait de quoi il parle puisqu’il n’a pas attendu l’ONU pour interpeller le monde sur les méfaits du phénomène dans son pays, la RDC. Et l’exemple de l’homme qui répare les femmes peut être brandi en guise d’antithèse au point de vue de Thomas Hobbes à qui nous pouvons faire observer que « l’homme est aussi le remède de l’homme ». 

« Le Pays »  


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