JOURNEE NATIONALE DU PAYSAN : L’événement devient désormais une biennale
La grand-messe du monde paysan a lieu cette année à Kaya, province du Sanmatenga, dans la région du Centre-Nord. C’est là que s’est tenue la 20e édition de la Journée nationale du paysan (JNP), les 12 et 13 mai 2017, sous le thème « La journée nationale du paysan, 20 ans d’existence : Bilan et perspectives ». Cadre d’expression du monde paysan, la JNP est devenue un rendez-vous incontournable pour bon nombre de paysans, au regard de l’importance des recommandations qui y ont été faites, mais aussi parce que c’est un cadre qui permet à tous ceux qui produisent et qui transforment, de rencontrer le Président du Faso afin de discuter de leurs préoccupations en vue de booster le secteur de l’agriculture au Burkina Faso. Et Kaya n’a pas dérogé à la règle puisqu’au cours des 48 heures qu’a duré l’évènement, agriculteurs, éleveurs, transformateurs de produits agricoles ont montré leur savoir-faire au cours d’une foire agro-sylvo-pastorale qui a ouvert ses portes le 12 mai dernier. Le jour suivant, le monde paysan s’est retrouvé devant le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, et son staff gouvernemental pour exposer les problèmes qui minent le développement du secteur rural au Burkina Faso et surtout définir un nouveau format de la JNP.
Nous sommes au mois de mai. Les premières pluies commencent à arroser le Burkina Faso, annonçant ainsi l’hivernage. Toutefois, à Kaya, localité située à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, le ciel est resté dégagé ; c’est sous une chaleur étouffante que s’est déroulée la Journée nationale du paysan (JNP) qui a duré deux jours, soit les 12 et 13 mai 2017. Avant de rejoindre les champs, le secteur rural, qui compte plus de 80% de la population active au Burkina Faso, a observé une halte afin de deviser sur les difficultés qu’il rencontre dans le but de trouver des solutions ou alternatives pour un monde paysan plus productif. Et c’est au Centre polyvalent de Kaya que la rencontre entre les paysans et le président du Faso, Roch Christian Kaboré, a eu lieu. Débutés à 9h, les échanges ont pris fin au-delà de 14h. Cinq heures durant lesquelles beaucoup de préoccupations ont été soulevées. En effet, la parole était libre et elle était donnée à qui voulait la prendre, à la phase des questions au Chef de l’Etat. Le premier intervenant, apparemment remonté, n’est pas allé par quatre chemins pour dire ce qu’il avait sur le cœur. En effet, il s’est insurgé contre les dirigeants des structures faîtières du monde rural, en l’occurrence le FEER, la SERA, la CPF. A l’entendre, il estime qu’il n’y pas d’alternance au niveau de ces structures et tant que cela restera ainsi, rien ne va évoluer à la JNP. Un autre intervenant, venant de la Vallée du Sourou, a énuméré succinctement devant le président, les problèmes que rencontrent les exploitants de la Vallée du Sourou. Profitant de l’occasion, il a fait un plaidoyer auprès du chef de l’Etat afin que leurs productions puissent trouver preneurs, à défaut de doter la Vallée du Sourou d’infrastructures de stockage ou de transformation de leurs productions. Les femmes étaient aussi de la partie. Et l’une d’entre elles, s’auto-désignant comme prenant la parole au nom de toutes les femmes productrices agricoles du Burkina Faso, a souhaité que le Président du Faso puisse accompagner les femmes dans les efforts qu’elles fournissent pour nourrir le Burkina Faso, en donnant aux femmes de chaque région un tracteur.
« Monsieur le président, empruntez « un dina » pour aller à l’Est… »
Il a aussi été question de la construction des abattoirs. Pour un intervenant, « il ne s’agit pas de construire des abattoirs seulement, mais de professionnaliser les acteurs de la filière parce qu’il se pose très souvent un problème de gestion de ces abattoirs que l’Etat construit ». Et il a fait comprendre qu’entre le ministère en charge du commerce et celui en charge des ressources animales, il va falloir déterminer à quel ministère la gestion des abattoirs sera confiée parce qu’il y a des difficultés avec la gestion conjointe des deux ministères. Relativement à la professionnalisation des bouchers, le même intervenant a aussi insinué que la boucherie octroie beaucoup d’emplois, mais qu’elle est mal valorisée. Toutes les interventions ont laissé entrevoir des préoccupations fondées et réelles, vécues par les intervenants. Et chacun a plaidé pour sa chapelle. Comme il fallait s’y attendre, un intervenant de la région de l’Est a soulevé le problème en ces termes : « Monsieur le président, je vais vous demander qu’au prochain conseil des ministres, vous empruntiez un « dina » pour aller dans la région de l’Est. C’est là que vous allez savoir que les populations souffrent sur cette route ». Un autre renchérit : « On n’a pas de voie. La route est carrément foutue ». Les acteurs de la filière transformation ne sont pas restés en marge. En effet, ils ont tenu à mentionner leur mécontentement lors de la 20e édition de la JNP : « comparaison n’est pas raison, mais les acteurs de la filière se sentent délaissés alors que la transformation est tout aussi importante que les autres filières ». En tout cas, l’intervenant au nom de tous les acteurs de la filière transformation a « sollicité une part de l’attention que le Premier ministre Paul Kaba Thiéba accorde aux producteurs et aux commerçants des produits agricoles ». Des plaintes, des récriminations, des plaidoiries, des suggestions, tel est le lot de préoccupations qui ont été servies au Président du Faso et à son gouvernement.
La prochaine JNP pour 2019
Le président de la Confédération paysanne du Faso, Bassiaka Dao, a, au nom des organisations paysannes, traduit sa reconnaissance au gouvernement et à ses partenaires techniques et financiers, pour les actions multiformes à l’endroit du monde rural. Il a par ailleurs salué l’accompagnement du Président du Faso dans le processus de création de la Banque agricole, une recommandation de la 19e édition de la JNP. Tout compte fait, des contraintes subsistent toujours au niveau des producteurs et productrices, a ajouté Bassiaka Dao. Et elles se résument, entre autres, en risques climatiques, insécurité foncière, insuffisance d’intrants agricoles et de zoo-vétérinaires, insuffisance d’encadrement agricole, absence de prix incitateurs des produits agricoles. Relativement au format et au contenu de la JNP, Bassiaka Dao a laissé entendre qu’après réflexion, les productrices et producteurs ont émis des doléances, à savoir la création d’un Secrétariat permanent de la JNP, l’organisation biennale de la JNP, la responsabilisation des acteurs non étatiques (CPF, CNA, FIAB) dans la préparation et l’organisation de la JNP ainsi que dans le suivi des engagements et des recommandations.
Après plusieurs heures d’écoute, le chef de l’Etat et son gouvernement ont été rassurants et ont promis de tout faire pour satisfaire, dans la mesure du possible, les préoccupations qui ont été soulevées par les uns et les autres. Relativement au format de la JNP, Roch Marc Christian Kaboré a fait comprendre qu’il doit « correspondre à l’efficacité, à l’efficience et doit permettre de discuter des préoccupations point par point et envisager des résultats dans des délais raisonnables ». Il poursuit : « entre deux JNP, les délais sont relativement courts pour la mise en œuvre des engagements. C’est pourquoi je pense que nous pouvons retenir l’idée que nous puissions faire cette rencontre de façon biennale. Cela nous donne le temps de mettre en œuvre les recommandations ». Une déclaration qui ramène la JNP en biennale, le format de départ jusqu’en 1998. La prochaine édition se tiendra donc en 2019 au lieu de 2018.
« Il est temps de laisser les producteurs s’organiser »
Avant le tête-à-tête entre les producteurs et le chef de l’Etat, celui-ci a procédé à l’ouverture de la foire agro-sylvo-pastorale. Mais avant, le mérite de certains acteurs du monde rural a été reconnu. Le ministre en charge de l’Agriculture, Jacob Ouédraogo, n’a pas manqué de rendre hommage à tous les producteurs et à toutes les organisations faîtières du monde rural qui consentent d’énormes efforts pour garantir la sécurité et la souveraineté alimentaires et nutritionnelles au Burkina Faso. Pour lui, la JNP constitue le cadre privilégié par excellence où les acteurs du monde rural ont l’opportunité d’échanger de façon franche et directe avec le Président du Faso sur les priorités du secteur agricole, dans la perspective de dégager les orientations pertinentes susceptibles de booster les performances dudit secteur. Relativement au thème de la présente édition, « Journée nationale du paysan, 20 ans d’existence : bilan et perspectives », le ministre Jacob Ouédraogo a déclaré qu’il a été retenu par les Organisations professionnelles agricoles, lors de la dernière édition de la JNP tenue à Tenkodogo. Ce thème montre la nécessité de mener une réflexion en vue de la révision du format des futures éditions. Toute chose qui démontre l’implication du monde rural dans la tenue de la JNP. En témoignent les propos de Saidou Ouédraogo, président de la chambre nationale d’agriculture : « L’agriculture ne peut se développer que par les agriculteurs eux-mêmes, bien sûr avec l’appui des services techniques et l’accompagnement financier de l’Etat ». Selon ses dires, pendant des décennies, le pouvoir public a toujours organisé les acteurs du monde rural pour répondre à des schémas qu’il a conçus. Comme pour dire que cela suffit, le président de la Chambre nationale d’agriculture a affirmé qu’il est temps de laisser les producteurs s’organiser pour affronter les exigences et les défis que commandent les changements climatiques et la mondialisation. Par ailleurs, le représentant pays de la FAO, Aristide Ongoné Obamé, a promis, avec l’appui de la FAO et de la communauté des pays amis du Burkina Faso, de faire des résultats de la 20e édition de la journée nationale du paysan un véritable tremplin d’intensification durable des productions agro-sylvo-pastorales, dans la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire.
Pour rappel, c’est en décembre 1993 à Léo, dans la province de la Sissili, que s’est tenue la première rencontre entre le Président du Faso et le monde rural.
Françoise DEMBELE
Recommandations de la 20e édition de la JNP
– Vu la contribution importante du secteur rural dans la formation du PIB, les acteurs recommandent l’institutionnalisation de la JNP à une date fixe, entre mars et avril
– Au regard de l’accès difficile au financement de la JNP, les forains recommandent à l’Etat de procéder, dans la mesure du possible, à des prélèvements de taxes parafiscales au profit du SP/JNP, pour l’organisation de celle-ci. Ces prélèvements pourraient concerner les taxes à l’exportation et à l’importation des produits agricoles
– Vu l’adhésion des acteurs à la création d’un SP/JNP, les forains recommandent aux ANE et AE, la mise en place d’un comité de réflexion sur les conditions de création, les missions, les attributions et le fonctionnement du SP/JNP
Les à-côtés de la JNP
Une JNP sous haute surveillance sécuritaire
La sécurité, il y en avait à Kaya, durant tout le temps de la JNP. Que ce soit sur la route qui mène ou dans la ville, il y avait des hommes en tenue partout. Dans les endroits où devait passer le Chef de l’Etat « c’était gâté », comme le disent les Ivoiriens. Par exemple au Centre polyvalent de Kaya où a eu lieu la rencontre avec le Chef de l’Etat, il y avait des cargos et des cargos d’hommes en tenue. Et même que tout au long du mur qui sert de clôture au Centre polyvalent, il y avait des hommes en faction, prêts à intervenir en cas de besoin. Et ça c’est ce qu’on a vu. Vu l’armada qu’il y avait à la JNP, il est certain que l’idée d’une attaque dans cette région n’a effleuré aucun terroriste.
Quand un caméscope fait flipper un garde-du-corps du Président Roch
On se rappelle encore l’assassinat du Commandant Massoud. L’assassin s’est servi d’une caméra pour commettre son acte. Il est probable que c’est à cela que le garde-du-corps a pensé, quand il a vu un journaliste braquer son caméscope sur le président. Et à y voir de près, il avait raison de s’inquiéter, parce qu’avec la tige qui servait à tenir l’appareil et vu la manière dont le journaliste tenait son appareil, on aurait pensé à un pistolet. Mais fallait-il créer un autre incident impliquant un journaliste et un homme de la sécurité ? Probablement que c’est ce questionnement qui a retenu le garde-du-corps, sinon …
Guézouma Sanogo, président de l’AJB, envoyé au sol par un pandore
Le fait était d’une telle violence qu’on aurait pensé que le gendarme avait affaire à un délinquant. Hélas, il s’agissait d’un journaliste, un confrère, le président de l’AJB, Guézouma Sanogo, violenté par un gendarme. Un acte qui a choqué plus d’un et qui a failli entraîner un boycott de la JNP par les journalistes, n’eussent été les supplications de la victime et de certains responsables de médias.
Rassemblés par FD