HomeA la uneLE PRESIDENT GHANEEN EN FRANCE : Que cherche Nana Akufo-Addo à Paris ?

LE PRESIDENT GHANEEN EN FRANCE : Que cherche Nana Akufo-Addo à Paris ?


Pour la deuxième fois de ses deux mandats consécutifs à la tête de l’Etat du Ghana, Nana Akufo-Addo séjourne depuis le 10 Octobre dernier sur les rives de la Seine. Au cours de ce séjour long de 6 jours, il figure dans son agenda, un entretien avec son homologue français, Emmanuel Macron. Même si, officiellement, rien n’a filtré de l’ordre du jour de cette rencontre au sommet, les sujets d’intérêt entre les deux chefs d’Etat ne peuvent pas manquer. Sans être dans les secrets des dieux, l’on imagine que l’occasion sera saisie par les deux hommes d’Etat pour faire le bilan, même sommaire, du projet de renforcement de la collaboration économique entre la France et le Ghana, qu’ils ont mis sur les rails lors de leurs rencontres précédentes, notamment à Accra en novembre 2017 puis à Paris en juin 2019. Ce projet, faut-il le rappeler, ambitionnait de développer le partenariat économique entre les deux pays, à la hauteur du potentiel et du dynamisme de l’économie ghanéenne, à travers un accord bilatéral de protection des investissements.

 

 

Nana Akufo-Addo a donné le ton en dénonçant le manque de solidarité des pays occidentaux à l’égard du continent africain

 

 

Sans nul doute seront définies, à l’occasion, les grandes lignes de la mise en œuvre  des priorités de cette collaboration en fonction de l’évolution de l’environnement international caractérisé par la guerre en Ukraine avec ses lourdes répercussions économiques et par la montée du sentiment anti- français.  Outre les questions d’ordre économique, Nana Akufo-Addo évoquera avec son homologue français, l’incontournable et épineuse crise sécuritaire en Afrique de l’Ouest. Car, on le sait, avec l’ambition manifestée par les groupes terroristes qui opèrent dans la bande sahélo-saharienne, d’élargir leur sphère d’influence vers les pays du golfe de Guinée, le Ghana qui a subi récemment des attaques au Nord, n’est plus à l’abri.  Ce sera sans doute l’occasion pour la France qui dit soutenir « l’Initiative d’Accra » (elle vise une plus grande coordination régionale contre la dissémination des éléments armés terroristes), de préciser à son hôte, son offre et cela, dans un contexte de réaménagement de son dispositif sécuritaire dans la sous-région ouest-africaine et de mort cérébrale du G5 Sahel.   En sus des questions bilatérales, il s’invitera, sans nul doute, au menu des échanges entre les deux présidents, des préoccupations d’ordre mondial comme la problématique du climat. Avant même la rencontre, Nana Akufo-Addo a donné le ton des discussions en dénonçant le manque de solidarité des pays occidentaux à l’égard du continent africain. C’était lors du sommet pour l’adaptation de l’Afrique au changement climatique, tenu à Rotterdam le mois dernier. Et c’est sans doute cet engagement qui lui a valu la reconnaissance de la Sorbonne qui lui a décerné au premier jour de son séjour dans l’Hexagone, le titre de « docteur honoris causa » et qui campe, du même coup, le décor des échanges avec Emmanuel Macron.

 

La proximité entre Nana Akufo-Ado et Emmanuel Macron, rompt les traditions préétablies

 

Cela dit, quels que soient les sujets à l’ordre du jour de la rencontre avec le locataire de l’Elysée, l’on peut compter sur le franc-parler du plus Français des présidents ghanéens, connu pour n’avoir pas sa langue dans la poche.  L’on peut donc espérer, pour le Ghana, des résultats positifs lors de cette visite en France. Mais quelles que soient les retombées de cette visite du président ghanéen pour son pays et même pour l’Afrique, elle ne manquera pas de faire jaser sur le continent. Et pour cause. D’abord, parce que la proximité entre Nana Akufo-Ado et Emmanuel Macron, rompt les traditions préétablies. Le Ghana qui a connu la colonisation britannique est, en effet, historiquement orienté vers les pays du Commonwealth où la coopération est plus déterminée par l’économie que par les conditionnalités politiques qui sont la marque déposée dans le giron francophone. Ensuite, cette visite ne manquera pas de soulever des critiques en raison du fait que les pays anglophones étaient, jusque-là, perçus comme les garants de la crédibilité de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) que beaucoup de souverainistes africains soupçonnent d’être un instrument au service de l’impérialisme français. Sans doute que les contempteurs de l’institution ouest-africaine feront vite d’établir un lien entre les sanctions prises, il y a peu, par la CEDEAO, contre le régime militaire de Bamako alors que Nana Akufo-Ado était le président en exercice de l’institution, et cette visite en France pour laquelle il n’a pas caché son affection lors de la cérémonie de distinction honorifique en lançant : « J’aime la France ». Mais quelles que soient les critiques, l’on devrait savoir saluer, à sa juste valeur, le réalisme politique du président ghanéen qui, non seulement sait profiter du multilatéralisme en fonction des intérêts géostratégiques et économiques de son pays, mais aussi sait surtout les défendre. Il tire ainsi leçon de l’un des plus grands chefs d’Etat français, le général Charles De Gaulle, qui disait que « la France n’a ni amis ni ennemis ; elle n’a que des intérêts ».

 

« Le Pays »


Comments
  • C’est un vendu. Traiter avec la France avec tout ce qu’elle fait à l’Afrique…c’est tendre l’autre joue.

    13 octobre 2022

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