LES DIRIGEANTS AFRICAINS ET LEUR RAPPORT AU POUVOIR : Tous ou presque les mêmes !
Mais qu’ont-ils donc, les dirigeants africains ? Hier, c’était Blaise Compaoré qui avait été chassé du pouvoir au Burkina Faso, suite à sa volonté de modifier la Constitution de son pays pour briguer un énième mandat après 27 ans de règne. Aujourd’hui, c’est Félix Tshisekedi, le président de la République démocratique du Congo (RDC), qui embouche la même trompette de la révision constitutionnelle dans l’objectif affiché de prolonger son bail à la tête de l’Etat congolais, au-delà de ses deux mandats constitutionnels. Entre les deux, on peut citer, entre autres, l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara, le Togolais Faure Gnassingbé, le Rwandais Paul Kagame, qui ont réussi avec plus ou moins de dextérité, à se maintenir au pouvoir après des coups de canif constitutionnels qui ont souvent fait des vagues dans leurs pays respectifs. Mais ces chefs d’Etat passent pour des néophytes, comparés aux vieux dinosaures que sont le Congo-brazzavillois Denis Sassou Nguesso, l’Equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema et le Camerounais Paul Biya qui alignent les mandats comme des grains de chapelet et qui totalisent chacun près de quatre décennies de pouvoir.
Il faut craindre que cette révision annoncée de la Constitution, ne soit source de tensions sociopolitiques en RDC
Soit dit en passant, le nonagénaire chef de l’Etat camerounais, qui a récemment déjoué des pronostics le donnant pour mort et qui est rentré à Yaoundé pas plus tard que la semaine dernière, bat le record Guinness du plus ancien chef d’Etat toujours en activité au monde. Et que dire de l’ancien président tchadien, le maréchal Idriss Déby Itno, qui a multiplié les mandats jusqu’à sa mort brutale en avril 2021 dans les conditions que l’on sait. Encore plus pathétique est le cas du défunt président algérien, Abdelaziz Bouteflika qui, dans son fauteuil roulant, s’agrippait du peu de forces qui lui restaient, après vingt ans de règne en quatre mandats. Idem pour l’ex-président gabonais, Ali Bongo Ondimba, dont l’état de santé défaillant ne l’a pas empêché de briguer un quatrième mandat avant d’être renversé par un coup d’Etat militaire en août 2023 dès l’annonce de sa réélection. Toujours est-il que sans être exhaustif, ce tableau est un triste palmarès pour le continent noir toujours à la recherche de ses marques et dont les populations croupissent dans la misère crasse pendant que les élites dirigeantes roulent carrosse sans la moindre gêne. Autant dire que dans leur rapport au pouvoir, les dirigeants africains sont finalement tous ou presque les mêmes. Au départ, ils affichent les meilleures intentions en disant lutter pour le peuple, mais une fois parvenus au pouvoir, le plus grand défi reste celui de s’y maintenir à tout prix et le plus longtemps possible. C’est à se demander si à quelques rares exceptions près, les chefs d’Etat africains croient vraiment en la démocratie. On est d’autant plus porté à répondre par la négative que bien des dirigeants qui avaient suscité l’espoir et que l’on ne croyait pas capables de trahir les idéaux de la démocratie, ont fini par décevoir.
Sur le continent noir, on se bat plus pour le pouvoir que pour la démocratie
L’exemple le plus récent est celui de l’ex-président Macky Sall qui a été contraint par les institutions de son pays, à ravaler ses ambitions de prolonger indument son bail à la tête de l’Etat sénégalais dans les conditions que l’on sait. Alors que c’est le même Macky Sall qui était à l’avant-garde de la contestation du troisième mandat de son prédécesseur Abdoulaye Wade. Lequel a bu le calice de la honte jusqu’à la lie après sa défaite au second tour d’une présidentielle où sa candidature était vivement contestée. Un exemple qui n’est pas sans rappeler aujourd’hui celui du président congolais, Félix Tshisekedi, qui, pas plus tard qu’en 2018, menait la fronde contre un troisième mandat de son prédécesseur, tout en menaçant, avec ses camarades de la plateforme de l’opposition d’alors, de ne pas participer aux élections si Joseph Kabila franchissait la ligne rouge. La suite, on la connaît avec l’accession au pouvoir du fils d’Etienne dans les conditions que l’on sait. Mais entre son engagement d’hier et son discours d’aujourd’hui, on lit une certaine inconstance. Et on le voit d’autant plus venir qu’on a de la peine à se convaincre que la révision de la Constitution qu’il appelle de tous ses vœux, soit un acte anodin. En tout cas, cette façon de remettre à chaque occasion le sujet sur le tapis, est la preuve que quelque chose se trame, pour autant que ses sorties répétées ou par adeptes interposés, ne soient pas des ballons de sonde visant à préparer l’opinion. Quoi qu’il en soit, il faut craindre que cette révision annoncée de la Constitution, ne soit source de tensions sociopolitiques en RDC où la confiance n’est pas la chose la mieux partagée entre les acteurs politiques. Au-delà, c’est la démocratie africaine en elle-même qui ne manque pas d’interroger. Car, ce qui se passe ailleurs sous d’autres cieux où il ne viendra jamais à l’esprit d’un chef d’Etat de fausser le jeu de la démocratie, est ce qui a pignon sur…palais présidentiel en Afrique. Et tout porte à croire que sur le continent noir, on se bat plus pour le pouvoir que pour la démocratie. Le pire est que ceux qui viennent, ne font pas mieux que ceux qu’ils ont remplacés. Malheureusement, ces fossoyeurs de la démocratie auront toujours des gens pour les acclamer, tant que la politique du ventre prévaudra. Pauvre Afrique !
« Le Pays »