LES DOS SANTOS DANS LA TOURMENTE
L’heure de rendre gorge a-t-elle sonné pour la famille de l’ancien président angolais, José Eduardo Dos Santos ? La question mérite d’être posée, puisque son premier fils, José Filomeno, a été emprisonné pour détournement de fonds et blanchiment d’argent. Et le sort qui frappe aujourd’hui le fils de celui qui a été pendant 38 ans, l’Alpha et l’Oméga de l’Angola, mérite qu’on s’y attarde du fait de sa résonnance hautement pédagogique. En tout cas, Dos Santos père ne doit pas en être étonné outre mesure. En effet, c’est lui qui a réuni consciemment tous les ingrédients pour que son rejeton soit aujourd’hui dans cette mauvaise passe. En effet, alors qu’il avait 34 ans, José Filomeno a intégré, grâce à un décret signé par son père, le trio d’administrateurs dirigeant le fonds souverain de l’Angola. Moins d’un an plus tard, il fut bombardé, toujours grâce à son père, à la tête de ce même fonds d’investissement étatique doté de quelque cinq milliards de dollars. De manière souveraine, peut-on dire, le fils a puisé dans le fonds souverain que le père a mis à sa disposition. A l’époque où le père était aux affaires, personne, en Angola, n’était suffisamment fou pour crier au scandale. D’ailleurs, le comportement du fils était en harmonie parfaite avec la gouvernance du père. En effet, depuis son arrivée à la tête de l’Angola en 1979, Dos Santos a mis un point d’honneur à déboulonner toutes les valeurs de probité, d’intégrité et de patriotisme de son illustre prédécesseur, c’est-à-dire Antonio Agostinho Neto. En lieu et place, il a érigé un système de patrimonialisation du pouvoir au point qu’un observateur critique de sa gouvernance a pu dire ceci : « Si le président José Eduardo Dos Santos se comporte de cette façon, c’est parce qu’il considère le pays comme sa propriété privée ». Et effectivement, durant son long règne, l’homme a préféré régir une entreprise familiale que d’administrer un Etat. Ainsi, il a passé tout son temps à distribuer les richesses de l’Angola et les postes de responsabilité à ses proches.
Les Dos Santos sont en train de récolter la rançon de la patrimonialisation du pouvoir
José Filomeno a été bien servi avec le fonds souverain. Son aînée, Isabel, a reçu la plus grosse part du gâteau avec des positions dans l’industrie du diamant, les télécoms, l’immobilier et le commerce.
Résultat : cette dernière passait pour la femme la plus fortunée d’Afrique. Et visiblement, elle s’en délectait. Et pendant ce temps, le peuple angolais était réduit, le ventre creux, à regarder les excès des Dos Santos. Heureusement pour lui que toute chose a une fin. Ainsi arriva un certain Joao Lourenço. C’était en 2017. Ce dernier, en effet, a placé son mandat sous le signe de la lutte contre la corruption. Et son combat aurait été peu crédible s’il n’avait pas eu le courage de s’attaquer à la citadelle des Dos Santos. Après Isabel qui a été vite limogée de ses fonctions, Joao Lourenço veut faire rendre gorge à Filomeno. Et le pire pourrait être à venir pour les Dos Santos. En effet, la probabilité est forte que Dos Santos lui même rende compte de sa gestion mafieuse et patrimoniale de l’Angola. En tout cas, il le mérite. En effet, c’est lui qui a transformé l’Angola en caverne d’Ali Baba et il n’a eu aucun scrupule à y introduire les siens pour qu’ils se servent comme ils veulent. En réalité, la plupart des présidents africains qui ont eu à associer leur fratrie à la gestion des affaires de l’Etat, ont fini par le payer cash. La perte, par exemple, de Gorgui, c’est-à-dire Abdoulaye Wade, tire ses origines de sa volonté de faire de Karim son fils le plus important des Sénégalais. Pour ce faire, il avait fait de lui, le tout-puissant « ministre du ciel et de la terre». A contrario, tous les présidents africains qui ont tenu leur progéniture loin des sphères du pouvoir, ont laissé une bonne image et certains ont pu intégrer le cercle fermé des hommes d’Etat. On peut citer, en guise d’illustration, Julius Nyéréré, Houphouët Boigny et Léopold Sedar Senghor. En tout cas, les Dos Santos sont en train de récolter la rançon de la patrimonialisation du pouvoir. Avis donc aux Teodoro, Biya, NGuesso et compagnie. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ils auraient tort de croire qu’ils peuvent impunément associer leur progéniture à la gestion des affaires de l’Etat. Leur calendrier n’étant pas celui de Dieu, ils courent le risque, tôt ou tard, de passer devant le tribunal de l’histoire pour avoir géré leurs pays respectifs comme des entreprises familiales.
Pousdem PICKOU