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LIBERATION DE LAURENT GBAGBO


 Le Christ de Mama jouera-t-il le rôle de pompier  ou de pyromane ?

Après sept années passées dans les géoles de la Cour pénale internationale (CPI) où il était poursuivi, entre autres, pour « crimes de guerre et  crimes contre l’humanité », l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, a été acquitté. En effet, hier, 15 janvier 2019, la Cour « a fait droit aux demandes d’acquittement » de la défense de l’ex-chef d’Etat et son bras droit, Charles Blé Goudé, et prononcé leur remise en liberté immédiate car, ont-ils estimé, le procureur ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve. Une décision qui met un terme à un marathon judiciaire qui dure depuis près de sept ans et qui promettait de traîner encore en longueur si la Cour devait suivre l’accusation qui demandait que le procès puisse aller à son terme. En même temps, cette décision met fin au chemin de croix du Christ de Mama qui peut, à présent, goûter à nouveau aux délices de la liberté.

L’élargissement de Laurent Gbagbo et de son fougueux ministre de la Jeunesse, ne fait pas que des heureux en Côte d’Ivoire

Pour une décision attendue, ç’en était une ! En témoigne l’explosion de joie des partisans de Laurent Gbagbo et Blé Goudé, dès l’annonce de la décision de leur accorder la liberté. Mais il ne faut pas se faire d’illusions. En effet, l’élargissement de Laurent Gbagbo et de son fougueux ministre de la Jeunesse, ne fait pas que des heureux en Côte d’Ivoire où, près de huit ans après la crise postélectorale qui a secoué le pays, la réconciliation peine à être une réalité. Du reste, certains de ses compatriotes au nombre desquels se comptent des parents de victimes, s’étaient déjà montrés hostiles à toute libération de l’homme. C’est dire si la décision de la Cour est une décision qui divise au plus haut point les Ivoiriens. Et au regard de la marée humaine qui a déferlé dans plusieurs villes du pays pour célébrer la libération de l’icône du Front populaire ivoirien, (FPI), nul doute que la popularité de l’homme reste intacte dans son pays. De ce fait, il ne fait aucun doute que l’ex-président peut encore jouer un grand rôle dans son pays. Mais quel rôle choisira-t-il de jouer ? Celui du pyromane animé d’un esprit de vengeance ou celui du pompier qui se fera l’apôtre de la paix et de la réconciliation ? L’on attend de voir. Mais une chose est sûre, Laurent Gbagbo n’est pas homme à rester les bras croisés. Il a la politique chevillée au corps et c’est évident que l’homme fera encore parler de lui.

Cela dit, si la libération de Laurent Gbagbo réjouit à juste titre ses partisans, il reste qu’elle ne résout pas le problème de la crise postélectorale ivoirienne de 2010-2011. Car, avec l’élargissement, par la Justice internationale, de l’ancien président et son ex-bras droit, c’est l’espoir de trouver un coupable à cette crise qui aura coûté la vie à pas moins de trois mille Ivoiriens, qui s’est pratiquement envolé. Surtout que, quelques mois plus tôt, l’ex-première Dame, Simone Gbagbo, était blanchie par la Justice ivoirienne dans cette affaire. C’est pourquoi l’on peut comprendre l’amertume des parents des victimes qui attendent, depuis des années, que justice leur soit rendue. Ceci étant, l’on peut se demander si c’est la faiblesse du dossier de l’accusation qui a profité à Laurent Gbagbo ou si le Christ de Mama est vraiment innocent. Et si ce n’est pas Laurent, est-ce donc Alassane ? Quoi qu’il en soit, tôt ou tard, il va falloir vider ce contentieux qui pourrait aussi constituer un frein à la réconciliation en Côte d’Ivoire.

L’on peut se demander si le match-retour aura lieu entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara

Sous un autre angle, bien plus qu’un camouflet pour la CPI, cette décision de la juridiction pénale internationale sonne comme une véritable douche froide pour le camp Ouattara qui aura tout fait pour enfoncer un adversaire politique dont il pensait peut-être s’être définitivement débarrassé. Mais tout porte à croire qu’il y a eu une sous-estimation de la capacité de résilience de Laurent Gbagbo qui s’est montré un adversaire plutôt coriace. Mieux, si le mari de Simone sort blanchi de cette épreuve qu’il aura dignement surmontée, il reste à celui de Dominique de faire la preuve qu’il est aussi blanc comme neige. Ce qui est loin d’avoir trouvé un début de réponse, d’autant plus que jusque-là, aucun de ses partisans n’a été inquiété dans cette affaire.

En tout état de cause, cette libération de Laurent Gbagbo à la veille de la présidentielle de 2020, repose la question de sa candidature à la magistrature suprême. Ira-t-il à la reconquête de son fauteuil perdu dans les conditions que l’on sait ou prendra-t-il du recul pour mieux apprécier la situation ? En tout cas, si Gbagbo devait se décider à se jeter dans le grand bain, l’on peut se demander si le match-retour aura lieu entre lui et Alassane Ouattara dont des velléités de troisième mandat bruissent en Côte d’Ivoire. Quoi qu’il en soit, avec cette libération de Gbagbo, la probabilité est grande que l’on assiste à une recomposition de la scène politique ivoirienne, surtout au moment où le divorce est consommé entre ses tombeurs d’hier qui se regardent aujourd’hui en chiens de faïence.

Mais attendons de voir si la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, va matérialiser son intention d’interjeter appel du verdict de la Cour. Si elle franchissait ce pas, tout ou presque, resterait à refaire.

« Le Pays » 


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