HomeA la uneLIMOGEAGE DU PATRON DES CASQUES BLEUS EN RCA : Ban Ki-Moon applique sa théorie de tolérance zéro 

LIMOGEAGE DU PATRON DES CASQUES BLEUS EN RCA : Ban Ki-Moon applique sa théorie de tolérance zéro 


Le Représentant spécial et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies en République centrafricaine, le Général de corps d’armée Babacar Gaye, a été débarqué de son poste le 12 août dernier, suite à un abus sexuel, sur une fillette de 12 ans, dont au moins un casque bleu placé sous son autorité est présumé auteur. Amnesty International qui a levé le lièvre le 11 août 2015, révèle également que des soldats onusiens dont l’identité n’a pas encore été révélée, se sont rendus coupables de l’homicide d’un adolescent de 16 ans et de son père au cours d’une opération armée qui visait, en début août à Bangui,  l’arrestation d’un ancien chef de l’ex-rébellion de la Séléka, dans l’enclave musulmane du PK5.

La récurrence et la gravité des faits ont contribué, c’est le moins qu’on puisse dire,  à noircir l’image déjà écornée de ces casques bleus appelés à la rescousse pour maintenir ou restaurer la paix et la stabilité dans la plupart des pays en crise, en Afrique ou ailleurs. Que ce soit au Burundi en 2004, en République démocratique du Congo en 2009, en Côte d’Ivoire en 2010, à Haïti en 2011, et plus récemment au Mali en 2013, des scandales relatifs aux abus sexuels impliquant des soldats de la paix ont été dénoncés et condamnés par les organisations des droits de l’Homme et même par les responsables de l’Organisation des Nations unies (ONU), à commencer par le premier d’entre eux, le Coréen Ban Ki-Moon.

C’est, en effet, un Secrétaire général des Nations unies visiblement dépité et particulièrement remonté contre les pratiques indécentes de parties fines auxquelles se livrent de manière répétitive « ses hommes », qui a réitéré le 12 août dernier qu’il ne tolèrerait « aucune action susceptible de pousser les gens à passer de la confiance à la peur », avant d’ajouter que « ceux qui travaillent pour les Nations Unies doivent respecter les idéaux les plus élevés  de cette organisation». Et comme pour matérialiser la menace à peine voilée qu’il a lancée par la voix de son porte-parole, Stéphane Dujarric, au cours d’une conférence de presse animée par ce dernier, Ban Ki-Moon a relevé de ses fonctions son représentant en République centrafricaine (RCA), le militaire et diplomate sénégalais Babacar Gaye.

Ce limogeage ne fera pas disparaître, comme par enchantement, les appétits sexuels de ces soldats onusiens

Ce dernier, dans ce cas-ci, semble avoir servi de fusible pour redorer le blason déjà bien terni des différentes missions de pacification d’une RCA très mal en point, avec  cette précédente et révoltante affaire d’abus sexuels commis sur des enfants centrafricains entre décembre 2013 et juin 2014 par des soldats français et africains, donc avant même que l’ONU ne dépose ses pénates  dans cette poudrière.

Ce qui est reproché au Général Gaye, c’est moins son action globale en RCA qui a été, du reste, saluée par Ban Ki-Moon et par son pays d’origine, le Sénégal, que son manque de réactivité suite aux allégations portant sur un acte aussi grave que le viol d’une mineure, en tout cas jusqu’à ce que Amnesty International monte au créneau pour dénoncer cette énième bavure. D’aucuns y ont vu, en effet, une volonté de dissimuler la sordide affaire, et d’assurer, du coup, une totale impunité au soldat à la baguette facile. Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon lui-même, semble leur donner raison quand il affirme que « les dirigeants doivent signaler les allégations immédiatement, enquêter de manière complète et agir de manière décisive. Ne pas le faire aura des conséquences claires », avant de préciser qu’il veut  « des leaders qui savent qu’ils sont responsables de leurs troupes, de leurs policiers et de leurs employés civils. Ils doivent s’assurer également que tous reçoivent une formation concernant les droits de l’Homme ».

Mais à la décharge de l’ex-  chef d’Etat-major général des armées du Sénégal et ambassadeur de son pays en Allemagne (le Général Gaye), on peut pointer du doigt le nombre, on ne peut plus gigantesque, des membres de la mission onusienne, 12 000 hommes au total provenant de divers horizons, avec toutes les difficultés de gestion que ce genre de melting-pot engendre, sans oublier que leurs bases, en Centrafrique comme ailleurs, sont généralement considérées par les âmes en peine qu’ils sont allés défendre et protéger,  comme des îlots de bonheur dans un océan de misère. Si on ajoute à cette admiration teintée d’envie qu’ils suscitent aux yeux des populations locales, leur relative oisiveté du fait de leur non-participation aux combats, sauf dans des circonstances extrêmement définies, et, dans certains cas, une éducation sexuelle sujette à débat, on peut comprendre, évidemment sans les justifier, les causes de la délinquance sexuelle des casques bleus dénoncée et condamnée dans tous les pays qui ont eu le malheur de les accueillir.

Le Général Gaye a été certes sacrifié, mais on peut être sûr que ce limogeage ne fera pas disparaître, comme par enchantement, les appétits sexuels de ces soldats onusiens, manifestement plus enclins à satisfaire leur libido qu’à appliquer à la lettre l’orthodoxie militaire et le droit humanitaire international. Et il en sera malheureusement ainsi, aussi longtemps que des sanctions suffisamment dissuasives ne seront pas prises contre ces « touristes sexuels » par les pays contributeurs de troupes. C’est seulement à ce prix en effet que l’application de la théorie de « tolérance zéro » contre les abus sexuels sur mineures si chère à Ban Ki-Moon, trouvera tout son sens et produira les effets escomptés.

Hamadou GADIAGA


Comments
  • Ban Ki-Moon applique sa tolérance zéro à géométrie variable. Une fois de plus, c’est un africain qui en paye les frais. En RDC, chaque jour que Dieu fait, les casques bleus commettent des actes barbares sur les femmes, mais personne n’en parle. Au Mali, c’est la même chose, les casques bleues sont des chauds lapins.

    14 août 2015

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