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 LOI SUR LES PARRAINAGES AU SENEGAL


A quel jeu joue Macky Sall ?

Chaude journée, hier, 19 avril, dans la capitale sénégalaise. Pour cause : la controversée loi sur les parrainages pour les élections dont l’opposition et la société civile ne veulent pas entendre parler, mais qui devait être examinée par le parlement. Résultat : des heurts ont éclaté à Dakar où des manifestants, farouchement opposés audit texte, ont été dispersés par les forces de l’ordre, avec en sus l’interpellation de leaders de l’opposition. Pendant ce temps, à l’intérieur de l’hémicycle, les représentants du peuple en sont pratiquement venus aux mains, dans un cafouillage indescriptible, à propos de l’examen de cette loi.

En rappel, la pomme de discorde porte sur la révision du Code électoral que veut opérer le pouvoir qui dit vouloir mettre de l’ordre dans l’enregistrement des candidatures, notamment en en limitant le nombre pour éviter « les candidatures fantaisistes ». Et sa trouvaille n’est rien d’autre que le système des parrainages pour valider les candidatures, ce qui scandalise l’opposition qui y voit « un projet d’attentat au pluralisme politique ».

Les acteurs politiques sénégalais sont loin de s’accorder sur la question des parrainages

D’autant plus qu’aux termes de la nouvelle loi, il fallait initialement réunir 1% des inscrits sur le fichier électoral pour valider une candidature. 

De prime abord, il n’y a rien à redire sur la volonté d’un gouvernement comme celui du Sénégal, d’aller à des réformes électorales, surtout si cela va dans le sens de l’intérêt général et de l’amélioration de l’organisation des scrutins. Et dans le cas d’espèce, l’on ne peut pas reprocher au gouvernement de chercher à réduire les coûts de l’organisation des élections. Quand on voit comment la pléthore de candidatures grève souvent le budget des élections, ne serait-ce que dans le tirage des bulletins de votes dans lesquels certains électeurs finissent par se perdre, il est clair qu’il est de bon ton de travailler à écarter les candidatures fantaisistes. Car, liberté d’association et pluralisme politique ne doivent pas rimer avec pagaille. En outre, la mesure, dit-on, n’est pas nouvelle puisqu’elle s’appliquait déjà aux candidats indépendants. Il s’agit maintenant de l’élargir à tous les candidats pour, dit-on du côté du pouvoir, les mettre sur un pied d’égalité. Mais là où le bât blesse, c’est que la pilule a du mal à passer dans la gorge de l’opposition et de certaines organisations de la société civile. Et pourtant, le pouvoir semble y tenir comme à la prunelle de ses yeux.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les acteurs politiques sénégalais sont loin de s’accorder sur la question des parrainages pour les élections à venir. Si l’on comprend la volonté du gouvernement de mettre de l’ordre, l’on comprend moins la façon de procéder qui s’apparente, à s’y méprendre, à une tentative de forcing pour faire passer une loi qui ne fait visiblement pas consensus. Autrement, comment comprendre que dans un pays comme le Sénégal, qui se présente comme l’une des vitrines de la démocratie en Afrique, on en arrive à faire usage de la force publique pour faire voter une loi ? Il y a quelque chose qui cloche ! C’est pourquoi l’on est porté à se demander à quel jeu joue le président Macky Sall. Cette question est d’autant plus pertinente que face à la levée de boucliers de l’opposition dans son ensemble et de la société civile, l’on en vient à se demander si derrière les apparences de relookage, cette loi ne renferme pas quelque chose qui profiterait aux tenants du pouvoir dans la perspective des prochaines consultations électorales. Une telle éventualité n’est pas à écarter.

Il n’est jamais bon de vouloir ruser avec les textes

Car, jusqu’à preuve du contraire, il est plus que probable que le natif de Fatick cherchera à briguer un second mandat, comme l’y autorise, du reste, la Constitution. Et tout porte à croire qu’il est en train de se dégager méthodiquement le chemin, pour pouvoir rempiler sans coup férir. Cela est d’autant plus plausible que cinq ans après son accession au pouvoir, le pacte de confiance qui le liait à la coalition de partis politiques et de mouvements de la société civile qui l’avaient porté au pinacle, semble rompu. Certains de ses soutiens d’hier contre le président Abdoulaye Wade, étant devenus des adversaires déclarés aujourd’hui. Ce n’est pas « Y en a marre » qui dira le contraire ; lui qui avait fermement montré son opposition à cette loi de parrainages. Et que dire de ses compagnons d’hier dans l’opposition, qui ne cessent de ruer dans les brancards ?

Cela dit, quand on voit la façon dont Karim Wade a été mis pratiquement hors course pour la présidentielle à venir, et le sort qui a été celui du maire de Dakar, Khalifa Sall, qui a pratiquement vu ses ambitions présidentielles aller en vrille après sa condamnation à son procès, l’on peut se laisser convaincre que cette loi des parrainages tant décriée, au-delà de la volonté d’assainir le jeu électoral, cache quelque chose, si ce n’est une façon, pour le président Sall, de tamiser les candidatures avant la confrontation finale dans un probable scénario de tous contre un. Si c’était le cas, ce serait de bonne guerre. Sauf qu’il n’est jamais bon de vouloir ruser avec les textes, encore moins de vouloir tailler la loi à la mesure d’un seul individu ou d’un clan. Cela conduit, bien souvent, à des situations de conflits sociopolitiques qui peuvent mettre à mal la paix et la cohésion nationales. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent. En effet, de Ouagadougou à Bujumbura, en passant par Brazzaville, Kinshasa et Lomé, la rue a grondé et continue de gronder pour des questions du genre, avec les conséquences que l’on sait. Il appartient donc au président sénégalais de savoir tirer leçon de l’histoire et d’éviter d’aller à un bras de fer avec son peuple,  en essayant d’opérer ses changements par des voies plus pacifiques et plus consensuelles. Autrement, les mêmes causes qui ont créé la tambouille  sous d’autres cieux, pourraient produire les mêmes effets au pays de la Teranga.

« Le Pays »


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