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LUTTE CONTRE L’IMPUNITE DES CRIMES SUR LES JOURNALISTES : Aller au-delà des incantations


 

La journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes a été, sous l’égide des Nations unies, célébrée le 2 novembre 2015. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette célébration est intervenue dans un contexte où la violence contre les journalistes, un peu partout dans le monde, ne faiblit pas. Prises d’otages, exécutions sommaires, disparitions forcées, tel est encore le lot de nombreux journalistes sur tous les continents, surtout dans les pays où règne encore la dictature des dirigeants étatiques ou des organisations terroristes. C’est dire combien il y a encore du pain sur la planche en matière de protection des journalistes, pour l’Organisation des Nations unies et les Etats pris individuellement. Ils doivent déployer encore plus d’efforts en vue d’une meilleure protection de la liberté d’informer et d’une sanction exemplaire de tout auteur de crime commis à l’encontre de journalistes.

La presse est un pilier incontestable de la gouvernance

Cela, est-il besoin de le rappeler, parce que la presse, sa liberté et sa sécurité, sont des ferments de toute démocratie digne de ce nom. C’est un baromètre de la bonne gouvernance. Educateur, éveilleur de consciences par excellence, le journaliste doit être protégé dans son travail. Les Nations unies ont ainsi été bien inspirées de décréter une telle journée qui se veut un hommage à la presse, une reconnaissance de son rôle et de la nécessité de la protéger contre les obscurantistes de tout genre. Que serait le monde sans presse en effet ? Probablement une caverne obscure où la vie serait un épais brouillard nocturne. La presse est un pilier incontestable de la gouvernance. Lorsqu’elle est libre, elle agit comme un projecteur braqué sur le quotidien, destiné à chasser l’obscurité et à s’opposer aux forces obscurantistes, à magnifier les bons actes des gouvernants, mais aussi à mettre à nu les travers des sociétés, les écarts et les manquements de ces dirigeants. Grâce à une presse libre, les populations sont informées de l’état réel de la gouvernance de leur pays. Des dirigeants responsables s’en servent pour s’adresser aux populations, évoquer les grandes questions qui touchent à la vie de la nation, voire la marche du monde, et rendre compte de leur gestion. La presse sensibilise, informe, participe à la formation d’une opinion publique éclairée. Elle donne aux populations des clés pour être au parfum des principaux défis et des grandes questions qui se posent aux sociétés. L’importance de la presse est telle que même les dictateurs en ont besoin pour faire prospérer leur propagande. Le putsch de septembre 2015 au Burkina l’illustre à merveille. Alors même qu’ils ont terrorisé le monde de la presse, c’est paradoxalement vers ce même monde que les putschistes se sont retournés lorsqu’ils ont voulu communiquer. C’est la preuve, si besoin en était encore, que la presse est indispensable à toute gouvernance. Seulement, pour les dictateurs, le défi est celui d’avoir une presse aux ordres, qui ne fasse que relayer la pensée unique. Si les dictateurs ont une sainte horreur de la presse libre et éclairée, c’est parce qu’elle ne leur permet pas de faire tout ce qu’ils veulent et comme ils le veulent. Elle questionne, juge leurs actions et en présente les tares ; ce qui est de nature à révéler leurs manquements. C’est pourquoi les satrapes qui pullulent encore au sommet de bien des Etats en Afrique notamment, mais aussi les extrémistes comme les islamistes de Daech qui veulent d’un ordre nouveau fait d’obscurantisme, font des journalistes leurs cibles les plus courantes. Pour ces partisans de la pensée unique, la liberté de pensée et d’information est un crime et une presse libre est un adversaire redoutable qu’ils ne peuvent se payer le luxe de tolérer. D’où les exactions de toutes sortes commises contre des journalistes à travers le monde, par des dirigeants d’Etat et d’organisations jihadistes, hostiles à la liberté et à la démocratie.

L’impunité est la mère de la récidive

Il urge donc que les Nations unies mettent en place un dispositif suffisamment dissuasif pour ceux qui seraient tentés de museler la presse. Pour les gouvernants, par exemple, il y a lieu de faire en sorte que toute implication de leur part, dans l’assassinat d’un journaliste, soit sévèrement condamnée. Il faudra poser des actes concrets de poursuites judiciaires, de préférence à l’échelle internationale, contre tout dirigeant étatique coupable d’attentat à la liberté de la presse, de crimes contre des journalistes. Comme on le sait, l’impunité est la mère de la récidive. Celui qui commet un crime sans être inquiété, est naturellement porté à ne rien redouter quand il se retrouvera face à la possibilité d’en commettre une fois de plus. De même, bien des repris de justice, face à  l’impunité, sont ragaillardis et encouragés dans leurs entreprises maléfiques. Dans un tel contexte, le risque de banalisation des violences s’amplifie. Il faudra donc, dans le cadre de la lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes, comme dans tout cas de crime d’ailleurs, rechercher activement les auteurs et les sanctionner avec fermeté, pour des raisons de pédagogie et de dissuasion. Mais, comme le dit l’adage, « il vaut mieux prévenir que guérir ». Il importe d’abord et avant tout donc que l’accent soit mis sur la prévention de ces crimes. Ainsi les journalistes doivent-ils bénéficier de plus de protection dans leur travail. Le Conseil de sécurité des Nations unies devrait s’employer à veiller au grain et à exercer des formes de pressions, comme, par exemple, lier l’aide au développement au respect de la liberté de l’information et de la presse. Pour ce faire, les mouvements de défense des droits des journalistes et de la liberté de la presse doivent être davantage encouragés et bénéficier de soutiens concrets dans leurs activités sur le terrain. Il faudra également mettre les petits plats dans les grands pour réduire, à défaut d’anéantir, la capacité de nuisance des organisations terroristes qui s’en prennent aux journalistes. En d’autres termes, il urge d’aller au-delà des incantations pour poser des actes concrets, à la hauteur de l’importance de la presse dans nos sociétés. C’est un devoir pour l’humanité.

« Le Pays »


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