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LUTTE CONTRE LE TERRORISME : Les priorités de l’Etat français en France et en Afrique


Les actions de lutte contre le terrorisme de la France sont multiples et variées et vont au-delà de ses frontières. A la faveur du programme d’invitation des journalistes sur le terrorisme du ministère français des Affaires étrangères et du développement international, cinq hommes de médias africains dont un Burkinabè ont eu, du 4 au 10 juin 2016 à Paris, de riches entretiens avec des acteurs bien imprégnés des questions relatives au terrorisme et aux moyens que déploie l’Hexagone pour lutter contre ce fléau. A la lumière de ces échanges, on retient surtout que la France œuvre quotidiennement pour sécuriser son territoire, mais mène également des actions fortes sur le continent africain pour endiguer le terrorisme qui menace sa stabilité et son développement économique et social.

 

Si la France a mis un accent particulier sur la prévention de la radicalisation sur son sol au regard du nombre important (2000 selon les chiffres du ministère de l’Intérieur) de ses citoyens qui se sont engagés aux côtés des terroristes en Syrie et en Irak, elle a plutôt opté de sécuriser la bande sahelo-saharienne fortement en proie aux actes terroristes. De sources proches du dossier, de gros moyens sont déployés pour la sécurisation de cette zone. La première priorité, c’est de renforcer les capacités des pays de cette bande afin de leur permettre de faire face aux terroristes de tous poils qui l’écument. Il s’agit également de donner des moyens conséquents aux pays de cette partie de l’Afrique pour le développement de l’éducation, de l’économie, etc. C’est dans cette vision que la France accompagne le G5 Sahel et plaide sa cause auprès de ses partenaires. Et à en croire des sources proches du dossier, les réponses sont bonnes car 400 millions d’euros seront débloqués chaque année pour le développement du G5 Sahel et du Sénégal.  Selon toujours les mêmes sources, après les attaques terroristes de Ouagadougou et de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, la coopération s’est davantage renforcée et les échanges au niveau des services français et africains en charge de la gestion des questions liées au terrorisme, sont permanents. L’objectif de la France étant d’accompagner les Etats africains pour la montée en puissance des Forces spéciales dont le rôle est d’intervenir vite en cas d’attaques terroristes. Toutefois, l’atteinte de cet objectif ne devait pas empêcher les Forces françaises et africaines de s’épauler lorsque cela s’avère nécessaire pour déjouer des attaques terroristes. Mais pourquoi la France se préoccupe-t-elle tant de la sécurité de l’Afrique? Ne défend-elle pas ses intérêts? La réponse de nos sources à cette question est non. Si la France s’est engagée aux côtés d’un pays comme le Mali, ce n’est pas à cause de ses richesses. Il y a certes des intérêts à défendre mais pas d’ordre économique.

 

La sécurité de 5 000 Français au Mali était en jeu

 

L’intervention de Serval puis de Barkhane au Mali est, d’après nos sources, une manière de renvoyer l’ascenseur aux Africains dont certains ont payé de leur vie en aidant la France à combattre le nazisme. Au-delà de ce devoir de reconnaissance, le réalisme obligeait la France à agir. En effet, en plus du peuple malien dont la vie était menacée par la progression fulgurante des islamistes vers Bamako, il y a que la sécurité de 5 000 Français aujourd’hui 7000 au Mali, était également en jeu. La France est intervenue au Mali en 2013 pour libérer un pays démocratique dont le président lui avait fait appel. Quant à ceux qui estiment que la France a une position ambiguë sur l’occupation de Kidal par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et compagnie, nos sources répondent que la France n’a pas de préférence.  D’ailleurs, en intervenant au Mali, le souhait de la France était que ce pays puisse recouvrer l’intégrité de son territoire, le stabiliser et de le contrôler entièrement, foi de sources proches du dossier. Le souhait actuel de la France, est que l’accord d’Alger soit mis en application car cela permettra de mieux lutter contre le terrorisme. S’il y a toujours des attaques terroristes à Kidal malgré le nombre important de forces qui s’y trouvent, c’est parce qu’il y a une porosité entres celles-ci mais aussi un manque de sincérité de certains acteurs. C’est du moins, l’avis de nos sources. Selon d’autres sources proches du dossier, le président François Hollande veut que toutes les interventions de son pays en Afrique soient soutenues par l’Union africaine (UA) et les pays partenaires. Et celles qu’il mène actuellement, notamment au Mali, le sont. Du reste, la France n’est pas le seul pays à envoyer des soldats au Mali. 23 nations dont l’Allemagne y sont pour former ses forces de défense et de sécurité et l’aider à renouer avec une paix durable. En tout état de cause, si la France  intervient dans divers pays africains, c’est parce que ceux-ci n’ont pas encore les capacités nécessaires pour faire face à la nouvelle menace terroriste, en l’occurrence les engins explosifs. D’ailleurs, il est bon de savoir que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’essentiel du soutien de la France aux pays africains se résume, selon ces sources, à la formation des forces armées et à leur dotation en matériel militaire, l’objectif étant de les rendre plus opérationnelles pour qu’elles puissent, plus tard, assurer elles-mêmes la sécurité du contient. Selon les révélations de nos sources, tous les pays africains qui participent aux différentes missions de maintien de la paix, ont reçu du matériel militaire. Mais,  quel est le rôle exact des forces françaises présentes sur le sol africain? La réponse des sources proches du dossier à cette question se veut plutôt rassurante. Barkhane au Mali a pour mission essentielle de neutraliser les djihadistes et d’aider les forces armées du pays de Soundiata Keïta à mieux défendre l’intégrité du territoire malien. Le 43e Bataillon d’infanterie de marine (BIMA) en Côte d’Ivoire, lui, joue un rôle de formation, d’accompagnement et de réunification de l’armée ivoirienne mais aussi de protection et de sécurisation du matériel militaire qui transite par le port d’Abidjan. Quant aux quelques éléments des Forces spéciales basées au Burkina, ils ont pour mission d’intervenir rapidement pour neutraliser un terroriste identifié.  S’agissant du pôle de N’djamena au Tchad, il a pour but de fournir des renseignements aériens au Nigeria et à ses voisins pour une meilleure traque des combattants de la secte islamiste Boko Haram. Les hommes que le Niger et la Mauritanie reçoivent n’ont autre rôle que de renforcer les capacités des forces de défense et de sécurité de ces pays afin qu’elles puissent lutter efficacement contre les ingénieurs du mal et les trafiquants de tout genre. Mais en plus de ces appuis militaires, la France fait de la prévention à travers des actions de développement surtout au Nord Mali pour éviter que les jeunes de cette partie du pays ne soient des proies faciles pour les rabatteurs djihadistes.

 

Aider les pays africains à gérer avec plus d’efficacité les questions sécuritaires

 

Selon les explications de nos sources, la France n’intervient pas militairement sur le terrain pour combattre Boko Haram car le Nigeria n’a pas sollicité un tel type de soutien. Par contre, il a demandé à la France d’accompagner ses voisins et de faciliter la coopération entre ces différents pays. Et c’est ce que fait l’Hexagone, révèlent avec fierté des sources proches du dossier qui estiment que ces différents efforts visent principalement à aider les pays africains à gérer avec plus d’efficacité les questions sécuritaires. Du reste, le vœu de la France est d’œuvrer à ce que les actions soient menées en Afrique de façon régionale, car la menace terroriste ne concerne pas un seul pays,  mais tous les Etats de la bande sahelo-saharienne et au-delà. C’est dans cette optique qu’un projet de création d’une école de guerre régionale en Afrique est en cours. En plus de l’Afrique, la France entretient des relations de coopération avec des pays d‘Europe comme l’Espagne dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Et si l’on s’en tient aux déclarations des sources proches du dossier, la coopération avec ces pays est très développée car, elle aura permis d’alpaguer certains individus auteurs d’attentats terroristes sur le sol français. Il est à reconnaître, selon nos sources, qu’en matière de lutte contre le terrorisme, la France ne fait pas dans la dentelle. Elle mène des actions multiples et multiformes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Si le ministère de l’Intérieur  fait de la prévention de la radicalisation liée à l’islam son cheval de bataille, le Premier ministère lui, développe à travers des services comme la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), des actions pour prévenir la radicalisation sectaire qui peut s’apparenter à une dérive sectaire.  De sources proches du dossier, les individus qui développent ce comportement ne viennent pas forcément des milieux pauvres en éducation. Bien au contraire, certains d’entre eux, ont reçu une bonne éducation. A ce jour, on dénombre plus de 2000 radicalisés sur 10 000 signalés par leur famille, selon les chiffres de la MIVILUDES.  Conscients du danger que représentent ces personnes, les services en charge du dossier ont élaboré un plan de formation des écoutants de la plateforme téléphonique du Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (numéro vert pour signaler les cas de radicalisation: 0.800.005.696) et des agents de l’Etat dans les préfectures et dans les départements chargés de suivre et d’accompagner les familles des personnes radicalisées ou en voie de l’être.

 

Améliorer la prise en charge des victimes des attentats terroristes

 

Dans le respect des libertés publiques et individuelles, la MIVILUDES analyse l’évolution des mouvements à caractère sectaire et exerce sa vigilance sur les agissements attentatoires aux droits fondamentaux de la personne humaine ou contraires aux lois et règlements. Cette structure joue également un rôle de prévention, notamment en informant le public sur les risques, et le cas échéant, sur les dangers auxquels les dérives sectaires l’exposent, et d’aide aux victimes des dérives sectaires. Elle favorise aussi la coordination de l’action préventive et répressive des pouvoirs publics et dénonce,  auprès du procureur de la République, les agissements présentant un caractère pénal et en avise le garde des sceaux. En plus des actions de prévention, l’Etat français a décidé d’améliorer la prise en charge des victimes des attentats terroristes. Pour ce faire, une cellule interministérielle d’aide aux victimes (CIAV) a été créée. Elle est placée sous l’autorité du Premier ministre et activée par lui. La CIAV centralise en temps réel l’ensemble des informations concernant l’état des victimes et coordonne en temps réel l’action de tous les ministères intervenant, en relation avec les associations et le parquet anti-terroriste, etc. Tirant leçon des dysfonctionnements constatés lors des attentats terroristes du 13 novembre 2015, les autorités en charge de la lutte contre le terrorisme ont réuni plusieurs acteurs de divers profils qui ont travaillé durant deux jours au terme desquels ils ont proposé des solutions innovantes. Et pour tester leur efficacité, des exercices de simulations grandeur nature ont été menés et les résultats, aux dires de sources proches du dossier, se sont révélés probants. Ces exercices avaient pour but, selon ces dernières, de préparer tous les services concernés afin qu’ils puissent  intervenir avec promptitude et efficacité en cas d’attaque terroriste. Si des autorités en charge des questions liées au terrorisme pensent que les différentes mesures prises, peuvent contribuer à mieux faire face au terrorisme, à la radicalisation islamique et sectaire ou à une meilleure prise en charge des victimes des attentats terroristes, certains spécialistes en la matière pensent le contraire. En effet, ils jugent inappropriée la communication des pouvoirs publics français sur le terrorisme. Pour eux, il faut éviter les discours stigmatisants. Par ailleurs, ils trouvent que la télévision contribue à la radicalisation de certains jeunes du fait des messages qui y sont  diffusés. Quid de la police? Contrairement à ce qu’elle fait, son rôle devrait consister en l’empêchement des leaders terroristes de poser des actes, autrement dit, les séparer de leurs sympathisants. Quant aux médias occidentaux, ces spécialistes trouvent qu’ils ont un grand rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme car, la communication a un effet sur ces terroristes. Mais très souvent, les médias tombent dans le piège de ces derniers en exagérant leurs menaces ou en reprenant leurs menaces. Les médias doivent, selon lesdits spécialistes, éviter de dénigrer les terroristes. Pour eux, contrairement à ce que certains pensent, ces terroristes ne sont pas des fous. Cela est d’autant plus vrai, font-ils remarquer, qu’ils justifient toujours leurs actes. « Ils ne disent jamais avoir attaqué, mais plutôt répondu à une attaque. Toute chose qui rend difficile la condamnation de certains de leurs actes », ont laissé entendre ces spécialistes qui conseillent d’attaquer les terroristes sur le terrorisme car après tout, ils constituent à leurs yeux, des groupes politiques.

 

La résilience, meilleure arme contre le terrorisme

 

Selon eux, les terroristes cherchent l’engrenage et il faut les empêcher d’atteindre leur objectif. La meilleure arme pour lutter contre le terrorisme, d’après ces spécialistes, c’est la résilience et la cohésion. Il ne faut, ni céder à la peur ni se diviser, conseillent-ils. Du côté des chercheurs, certains critiquent la manière dont certains gouvernants africains mènent la lutte contre le terrorisme. Pour étayer ses propos, un chercheur affirme qu’en 1990, on a enregistré 32 000 Nigérians tués dont la moitié par l’armée nigériane au nom de la lutte contre Boko Haram. Or, lorsque les populations sont victimes d’exactions des forces gouvernementales, elles ont plus tendance à rejoindre les terroristes avec l’espoir de bénéficier d’une protection. Ces violations graves des droits de l’homme sont dues au fait que les présidents qui se succèdent à la tête de l’Etat nigérian ne contrôlent pas l’armée. Pour ce chercheur, l’assassinat de l’ex-chef spirituel de Boko Haram, Mohammed Yusuf en 2009, a été une grosse erreur. Car en décapitant le mouvement, on a contraint ses membres à entrer dans la clandestinité. Ce qui les pousse à commettre des attentats meurtriers. S’agissant de la principale cause des violences au Nigeria, le chercheur pointe du doigt la mal gouvernance. L’application de la charia que revendiquent les éléments de Boko Haram, n’est qu’un prétexte car, la charia existe au Nord du Nigeria depuis belle lurette, l’islam y ayant apparu au XIe siècle. Et de faire noter que lorsqu’une personne est condamnée par la loi islamique, la sentence peut être cassée par la Cour suprême. S’il y a une chose sur laquelle chercheurs et autres spécialistes des questions relatives au terrorisme sont unanimes, c’est bien la mise en place du G5 Sahel. En effet, ils trouvent que ce cadre permettra aux pays de la bande sahelo-saharienne de mutualiser les moyens et de lutter plus efficacement contre les trafics de tout genre qui se mènent dans cette bande. Ce sont ces trafics qui constituent d’ailleurs, ont-ils révélé, la source de revenus de certaines organisations terroristes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Et tant qu’on ne mettra pas fin à ces trafics,  surtout de cigarette et de drogue, le terrorisme aura de beaux jours devant lui dans la bande sahelo-saharienne. Mais, il n’y a pas que la sécurisation de cette seule zone qui préoccupe la France en Afrique. Elle a aussi à cœur la pacification de la Libye, véritable sanctuaire de groupes terroristes dont Daesh. Mais la non entente des fils de ce pays rend difficile l’intervention de la communauté internationale pour l’aider à se débarrasser des terroristes, révèle une source proche du dossier. Mais l’espoir n’est pas perdu, rassure-t-elle. Car le gouvernement d’union nationale qui affermit de jour en jour son autorité sur le terrain, pourrait constituer cet embryon d’Etat sur lequel la communauté internationale va s’appuyer pour sortir la Libye du chaos dans lequel elle est plongée depuis l’assassinat de Mouammar Kadhafi.

 

Dabadi ZOUMBARA    (De retour de Paris)

 

 

Les signes de radicalisation qui doivent alerter

 

Rupture d’un jeune avec ses anciens amis en prétendant qu’il n’a plus rien à voir avec eux; rupture de toutes les activités de loisirs, puisque toute musique, toute image ou toute mixité le détournerait de sa mission; rupture scolaire puisqu’il voit ses professeurs comme des complices des sociétés complotistes et payés pour empêcher les jeunes de se révolter, et enfin rupture familiale puisque le groupe radical lui a proposé un groupe d’appartenance de substitution.

 

Source : Guide de prévention de la radicalisation                    


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