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MACRON A TUNIS : Une visite de raison


Entre la France et le Maghreb de façon générale, il existe une vieille histoire faite de sang et de suspicion en ce qui concerne particulièrement l’Algérie, mais aussi d’amour en ce qui concerne notamment le Maroc et la Tunisie. Ainsi, après une « visite personnelle » au Maroc, une visite « d’amitié et de travail » en Algérie, c’est au tour du pays de Habib Bourguiba de recevoir le locataire du palais de l’Elysée, le jeune Emmanuel Macron, en comparaison avec l’âge très avancé de celui qui le reçoit, c’est-à-dire Beji Caib Essebsi. Et dans la hiérarchie protocolaire des visites, celle qui a été réservée à la Tunisie est la plus élevée. En effet, depuis hier, mercredi 31 janvier 2018, Emmanuel Macron est en visite d’Etat dans ce pays. Et c’est la première du genre dans le monde arabe, depuis qu’il a succédé à François Hollande. Et l’on peut aisément imaginer les raisons pour lesquelles le pays de Habib Bourguiba est honoré de cette façon par le chef de l’ancienne puissance coloniale. La première raison est liée au fait qu’entre la France et la Tunisie, il existe des liens forts qui ont été portés sur les fonts baptismaux par le Général De Gaulle et le « combattant suprême », Habib Bourguiba. Et sous le long règne de ce dernier, la France et la Tunisie ont partagé pendant longtemps de grandes valeurs d’ouverture et de tolérance. Cette tradition a été poursuivie par le successeur de Bourguiba, Ben Ali. Aujourd’hui, Beji Caib Essebsi, bourguibiste jusqu’au bout des ongles, est dans la même logique.

La Tunisie est loin d’être un cancre en matière de démocratie

Bref, la Tunisie est, avec le Maroc, les deux pays les plus proches de nos ancêtres les Gaulois dans le monde arabe. Et dans un environnement marqué par l’extrémisme religieux   et la diabolisation de la culture occidentale en général, et la culture française en particulier, la Tunisie apparaît comme un îlot précieux d’ouverture et de dialogue de cultures dont la France aurait intérêt dans la préservation et la consolidation. Pour la petite histoire, il faut retenir que Habib Bourguiba a été, avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Nigérien Hamani Diori, le seul président arabe à avoir posé les jalons de la Francophonie. Et à l’origine, cette initiative avait pour vocation principale de chanter la beauté de la langue de Molière. La Tunisie, plus de 50 ans après et malgré les vicissitudes qu’elle a connues, n’a pas totalement tourné le dos à cette philosophie, contrairement à son grand voisin, l’Algérie. La deuxième raison pour laquelle la Tunisie a droit, peut-on dire, à ce traitement de valeur de la part de la France est liée au fait que le pays est loin d’être un cancre en matière de démocratie. En effet, le pays de Habib Bourguiba, de l’avis de bien des observateurs, est l’une des rares éclaircies démocratiques dans le monde arabe. Pour l’Elysée, c’est « la seule expérience de transition démocratique réussie après le printemps arabe». Cette performance, pour ne pas dire ce miracle démocratique, vaut bien une visite d’Etat du chef de la « patrie des droits de l’Homme ». Et dans le discours que le numéro 1 des Français doit prononcer aujourd’hui devant le haut lieu de la démocratie tunisienne, c’est-à-dire le parlement, nul doute qu’il ne manquera pas de tresser des lauriers à la démocratie tunisienne.

Les 2 pays ont des expériences à partager

La troisième raison qui vaut à la Tunisie une visite d’Etat, est en lien avec l’économie. On le sait, économiquement, le pays a du mal à sortir la tête de l’eau et cela, malgré son embellie démocratique. L’on se souvient, en effet, des chaudes journées de manifestations, en début du mois dernier,  de Tunisiens dont les gamelles sont restées désespérément vides et cela,  7 ans après la révolution de Jasmin. A cela, l’on peut ajouter le chômage endémique des jeunes et le marasme économique auquel la Tunisie fait face. De ce fait, l’on peut dire que l’économie tunisienne s’est montrée incapable de suivre la cadence de la démocratie. Or, une démocratie forte, qui n’arrive pas   à trouver des emplois pour ses fils et ses filles, qui n’arrive pas à les nourrir, court le risque de se fragiliser et donc, de n’être d’aucun intérêt pour les populations, en ce sens qu’elles ne mangent pas la démocratie. C’est aussi simple que cela ! De ce point de vue, l’on peut s’attendre logiquement à ce que la France, qui est le premier partenaire économique de la Tunisie, fasse parler son cœur en déliant les cordons de la bourse pour sauver d’urgence un allié et un ami en détresse économique et sociale. C’est du moins l’une des lectures que l’on peut faire de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au pays de Bourguiba. De manière particulière, la France a des atouts pour aider la Tunisie à remettre sur les rails son industrie hôtelière éprouvée par les attaques terroristes. La France doit d’autant plus aider la Tunisie à relancer son industrie hôtelière, que l’on sait que ce secteur d’activités est une des mamelles de l’économie du pays. Il peut générer de nombreux emplois ; toute chose qui peut faire reculer les bornes du chômage et de l’oisiveté des jeunes. A cela, il faut ajouter les opportunités d’entrée de devises qu’offre le tourisme.

Et dans ce registre, il faut reconnaître que les Occidentaux en général et les Français en particulier, sont friands des plages tunisiennes. Le hic, c’est que depuis la chute du dictateur Ben Ali, elles sont devenues des plages où rode la mort, du fait du terrorisme. Et la transition est toute trouvée pour évoquer la dernière raison pour laquelle Emmanuel Marcon a réservé une visite d’Etat à la Tunisie. Cette raison est liée à la question sécuritaire. La Tunisie est un pays d’où sont originaires de nombreux jeunes Français endoctrinés par l’idéologie djihadiste. La France pourrait, de ce point de vue, solliciter la contribution de la Tunisie pour réduire leur nuisance. Sans oublier qu’en matière de lutte contre le terrorisme de façon générale, les 2 pays ont des expériences à partager. Pour toutes ces raisons, la visite d’Etat de Macron à Tunis peut se lire comme une visite de raison. De Tunis, Emmanuel Macron mettra le cap sur Dakar, dans le cadre du partenariat mondial pour l’éducation. A cette tribune aussi, la France est fortement attendue pour aider les systèmes éducatifs africains dont on sait qu’ils  traversent tous aujourd’hui des zones de turbulences.

« Le Pays »


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