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MACRON ET AKUFO-ADDO FACE AUX DIASPORAS AFRICAINES


Emmanuel Macron a convié, hier jeudi 11 juillet 2019, son homologue ghanéen, Nana Akufo-Addo, à répondre, avec lui, aux questions des représentants des diasporas africaines. Les deux présidents ont eu face à eux environ 350 représentants des diasporas africaines en France. Par là, le grand chef des Blancs, pour parler comme Ferdinand Oyono dans Le Vieux nègre et la médaille, entend donner une autre image aux relations entre son pays et l’Afrique. Et cette volonté de ne pas marcher sur les sentiers battus empruntés par bien de ses prédécesseurs, peut se percevoir à trois niveaux. Il y a d’abord, le profil du président qui a eu l’honneur d’être associé à l’exercice. Nana Akufo-Addo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est un président d’un pays qui a la langue de Shakespeare comme langue officielle. Le premier signe de rupture est donc d’ordre linguistique.

Akufo-Addo est un président qui peut être cité en exemple en matière de démocratie

Et cela est loin d’être anodin. Il ne s’agit pas, en effet, d’une rencontre pour magnifier la langue française mais pour parler de l’Afrique au-delà des barrières linguistiques. Et cela est une des marques de la vision de Macron, du type de relations que son pays doit entretenir désormais avec le continent noir. Le deuxième élément en relation avec le profil de l’invité est d’ordre politique.
En effet, Akufo-Addo est un président qui peut être cité en exemple en matière de démocratie et de bonne gouvernance. Il représente donc le symbole de cette Afrique résolument tournée vers des valeurs largement partagées par le monde occidental.  Au-delà de la personne du président ghanéen, Macron veut rendre hommage à cette Afrique-là. Le troisième et dernier élément en lien avec le profil de l’invité, est ceci : Nana Akufo-Addo est un homme qui n’a pas sa langue dans la poche. Et quand il assène ses vérités, il ne se préoccupe pas de savoir si cela plaît ou non à son interlocuteur. On se souvient, en effet, que lors du déplacement de Macron au Ghana, en novembre 2017, il n’avait pas hésité à dénoncer le paternalisme européen et une politique de coopération obsolète. « On ne peut pas continuer à faire des politiques pour nous, dans nos pays, dans nos régions, sur notre continent, sur la base du soutien que le monde occidental, la France ou l’Union européenne, voudraient bien nous donner », avait martelé le président ghanéen. Le ton taquin rappelle celui de son illustre prédécesseur, Kwame N’Krumah et celui de Thomas Sankara. Et l’on peut avoir l’impression qu’Emmanuel Macron raffole de ce genre de discours, allant même jusqu’à faire de ses plus virulents pourfendeurs, des alliés. C’est cette logique-là qui l’avait conduit, peut-on dire, à rencontrer les étudiants à l’université de Ouagadougou lors de sa visite au Burkina. C’est elle également qui l’a sans doute motivé à échanger en live avec les représentants des diasporas africaines de France. Le deuxième niveau qui illustre le fait que Macron se refuse à faire comme ses prédécesseurs, est lié à la forme de ses échanges avec l’Afrique. En la matière, il préfère le contact direct avec les forces vives de l’Afrique aux discours politiquement soignés et arrangés. Ce style, il l’a expérimenté à Ouaga. Et tout laisse croire qu’il en a été séduit puisqu’il a reconduit le même style à l’occasion de cette rencontre avec les diasporas africaines.

En rencontrant les diasporas africaines de France, le président français envoie un message fort à l’ensemble du continent

La différence est que cette fois-ci, il a eu affaire à un auditoire suffisamment averti pour se hisser à la hauteur des débats. Et c’est tout ce qu’Emmanuel Macron avait espéré en initiant cette rencontre.
Enfin, le troisième élément qui participe de la marque de fabrique de Emmanuel Macron, se rapporte aux thématiques qu’il développe. Chez ce président, il n’y a pas de sujets qui fâchent encore moins de sujets tabous. Et le choix des diasporas africaines se justifie d’autant plus que celles-ci peuvent être des relais en Afrique et en même temps en France. Visiblement, Emmanuel Macron a besoin de leurs critiques et suggestions pour bâtir une politique africaine de la France non pas exclusivement tournée vers les blessures coloniales du passé, mais basée sur la recherche collective et réfléchie des solutions aux nombreux problèmes qui se posent à l’Afrique. Si cela doit passer par l’abandon par exemple du F CFA, Emmanuel Macron n’y verrait aucun inconvénient. Et ce thème a été évoqué tout récemment par Alassane Ouattara lors de sa toute dernière visite à Paris. En réalité, Emmanuel Macron est conscient que la France doit impérativement regarder l’Afrique avec de nouvelles lunettes. Car, de plus en plus, l’Afrique des béni oui-oui et de déification des anciennes puissances coloniales, est en train de rendre l’âme. Sur ses cendres naîtra une Afrique décomplexée et hardie qui posera les bonnes questions non seulement à l’Occident, mais aussi à ses dirigeants qui, depuis les indépendances, semblent en panne d’idées pour développer le continent. Et ceux qui portent cette forte aspiration au changement, sont la jeunesse et les organisations de la société civile. Emmanuel Macron n’a pas d’autre choix, dans l’intérêt bien sûr de son pays, que de jeter son dévolu sur cette Afrique-là. Et le choix de Ouagadougou pour sa première visite en Afrique au Sud du Sahara, est un clin d’œil à cette jeunesse debout. Et en rencontrant les diasporas africaines de France, et cela en compagnie du très démocrate et anglophone Nana Akufo-Addo, le président français envoie un message fort à l’ensemble du continent. Celui-ci pourrait être résumé ainsi qu’il suit : je m’engage avec vous à un renouveau des relations franco-africaines.

« Le Pays »


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