HomeA la uneMANIFS CONTRE LE CINQUIEME MANDAT DE BOUTEFLIKA

MANIFS CONTRE LE CINQUIEME MANDAT DE BOUTEFLIKA


 Le FLN menacé de sortir de l’histoire par une porte dérobée

En Algérie, la contestation de la candidature du président Abdelaziz Bouteflika, ne faiblit pas et rien ne semble pouvoir arrêter la rue. Après la classe politique, ce sont les étudiants et les organisations de la société civile, notamment les syndicats, qui sont entrés dans la danse, protestant non pas seulement contre la candidature pour un cinquième mandat du président sortant mais réclamant purement et simplement que soit déclarée la vacance du pouvoir et que les élections soient reportées. Les nuages s’amoncellent donc sur le fauteuil présidentiel algérien qui s’est transformé en une chaise roulante depuis que son occupant s’est retrouvé perclus. En effet, si l’on peut dire que rarement, les politiques ont réussi à déboulonner, à eux seuls, un régime dictatorial, la situation devient  tout autre quand entrent dans la danse les mouvements de la société civile. Et l’exemple burkinabè est là pour le rappeler.

Il faut saluer déjà l’important rôle joué par les médias même publics

Mais, il faut craindre l’effet ravageur des divisions car des dissonances importantes ont très vite apparu. En effet, le Forum des chefs d’entreprises (FCE), l’organisation patronale algérienne la plus importante, qui a acquis le statut d’organisation syndicale patronale depuis la dernière élection, avait, l’on s’en souvient, fermement soutenu la candidature pour un cinquième mandat de Bouteflika. Il reste à savoir si cette prise de position a été libre et si elle reste aussi ferme après les vagues de contestation de ces derniers jours.

Une autre menace qui plane comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête du  pouvoir algérien, c’est l’inconnue, en terme de réaction, de la faction de l’armée réduite au silence après le limogeage de généraux et des réaménagements intervenus récemment. L’on se souvient que la mise à l’écart d’officiers supérieurs avait été interprétée dans certains milieux soit comme une opération de salubrité visant à assainir l’entourage de l’impotent président, dans l’optique de le mettre à l’abri d’une révolte de palais, soit comme la résultante d’une guerre de succession qui consistait à faire le vide autour du président pour mieux préparer sa chute. Cette épée de Damoclès reste réelle en dépit de la déclaration lénifiante faite hier soir par le chef d’Etat- major général des armées, qui montre son attachement à la stabilité de l’Algérie. L’un dans l’autre, on ne peut jamais être sûr du soutien de la Grande muette et les mouvements de ces derniers temps peuvent  lui fournir un mobile pour passer à l’action. Le scénario n’est pas improbable dans la mesure où au Maghreb, l’histoire, en la matière,  n’en serait pas à sa première foucade. L’on se souvient de l’affaire Habib Bourguiba en Tunisie et très récemment, de l’exemple égyptien. Et il ne faut surtout pas compter sur les Occidentaux pour condamner, dans ces pays, un changement de régime par les armes puisque les intérêts géostratégiques, économiques et les enjeux historico-politiques sont trop importants.

En attendant, il faut saluer déjà l’important rôle joué par les médias même publics dans cette lutte pour la démocratisation en Algérie. La parole est libérée et la presse publique fait des reportages sur le mouvement de contestation ; toute chose qui a pour effet de booster la lutte.

Le FLN commettrait une grave erreur de croire qu’il a définitivement survécu au Printemps arabe

Plus méritoire est l’attitude de ces députés du Front de libération national (FLN) qui ont pris le parti du peuple. En effet, après la démission du député de l’Etat de Bejaia, Khalid Tazaghart pour exprimer son rejet de la candidature du président Abdelaziz Bouteflika, c’est au tour de l’ancien ministre de l’Agriculture, Sid Ahmed Ferroukhi,  membre et député du FLN, de claquer la porte de l’Assemblée populaire nationale (APN).  Pour ce dernier, il est du devoir du camp présidentiel d’écouter et de s’imprégner d’une grande sagesse pour accompagner le mouvement social en cours et qui, à son avis, est important pour l’avenir du pays. Même si ces départs s’apparentent au mouvement de rats repus qui quittent le navire avant le naufrage, ils ont le mérite de montrer la direction à prendre pour marcher du bon côté de l’histoire. Le FLN aura donc tort de considérer ces démissions comme un épiphénomène.

En effet, le FLN commettrait une grave erreur de croire qu’il a définitivement survécu au Printemps arabe et que la légitimité historique qu’il a tirée de la guerre d’indépendance de l’Algérie et de la lutte contre les mouvements islamistes, suffit à lui garantir une totale immunité contre les aspirations démocratiques du peuple. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ces instants héroïques. Du reste, dans le mouvement actuel de contestation contre le pouvoir en place, les générations actuelles de l’Algérie perpétuent le combat pour la liberté dont le FLN fut, autrefois, le porte-étendard. Le FLN, en s’accrochant au pouvoir finissant de Bouteflika, passe du côté des ennemis de la liberté, et de ce point de vue, l’on peut dire qu’après être entré dans l’histoire par la grande porte, il encourt aujourd’hui, le risque d’en ressortir par une porte dérobée.

Cela dit, ce qu’il faut craindre le plus aujourd’hui si le bras de fer venait à durer dans le temps en Algérie, c’est le réveil du monstre terroriste qui ne sommeille que d’un œil au pied des montagnes du désert algérien. L’Algérie n’a certainement  pas besoin de ce retour tragique des démons, au moment où la liberté démocratique pleine et entière n’est plus qu’une question de temps. Mais, d’ici là, qui donc peut encore sauver le pays de ce naufrage, peut-on se demander ? Peut-être le Conseil constitutionnel qui peut encore prendre ses responsabilités en jouant sur la disposition de la loi fondamentale algérienne qui fait obligation au candidat de déposer lui-même sa candidature. Mais ce rêve est-il permis en Afrique où les institutions judiciaires sont très souvent les appendices du pouvoir ? On attend de voir.

« Le Pays »

 


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