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MANUELS SCOLAIRES AU BURKINA : La grogne des imprimeurs locaux  


Pour la rentrée scolaire 2015-2016, il n’y a pas eu de distribution de manuels scolaires comme cela se faisait depuis quelques années. La raison est qu’il n’y a pas eu de réimpression de ces documents, tout simplement parce que, suite à l’attribution du marché d’impression dont ont bénéficié des imprimeries locales, un soumissionnaire, l’entreprise tunisienne BETA, qui n’a pas été attributaire pour raison de document non conforme, a posé une réclamation. Et depuis août 2015, c’est une attente inexplicable, puisque l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP), qui doit trancher cette affaire, n’a pas donné jusqu’à ce jour de verdict sur le contentieux alors que c’est déjà la fin de l’année scolaire. Comment peut-on expliquer qu’une situation pareille qui engage l’intérêt national, puisque c’est l’éducation de milliers d’enfants qui est remise en cause, puisse se produire sans que cela n’émeuve les autorités du pays ?

 

« L’éducation des enfants est-elle réellement une priorité pour les autorités de notre pays ? » C’est une interrogation d’un enseignant évoquant la non-distribution gratuite, comme cela se fait depuis des années maintenant, de manuels scolaires à la rentrée scolaire 2015-2016. Une distribution qui n’est toujours pas effective et la raison invoquée, avons-nous appris, est tout simplement due à la non-impression de ces manuels parce qu’il y a un blocage au niveau de l’attribution du marché d’impression. Ainsi, s’il n’y a pas eu de manuels disponibles, c’est qu’il en manque forcément pour les scolaires alors que l’année scolaire est à sa fin. A la Direction de l’allocation des moyens spécifiques aux structures éducatives (DAMSSE) du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation (MENA), le directeur, Abdel Aziz Dao, a expliqué le processus qui aboutit à la distribution dont sa structure a la charge. Auparavant, il relève que le manuel scolaire, tel que défini par le dictionnaire Le Petit Robert, est un ouvrage didactique qui est mis sous forme maniable pour transmettre des connaissances d’une science, d’une technique et qui se conforme au programme scolaire exigé. C’est un outil de travail pour l’élève et l’enseignant, pour leur permettre de pouvoir apprendre des connaissances d’une science, d’une technique. Et Abdel Aziz Dao d’indiquer que lorsqu’on parle de manuels scolaires à leur niveau, ce sont les livres qu’ils utilisent dans les classes du préscolaire et du primaire. Selon ses explications, la DAMSSE travaille en partenariat avec d’autres structures du MENA dont la direction générale de la recherche en éducation et de l’innovation pédagogique qui s’occupe des aspects liés aux  curricula et programmes. Et elle a la charge du contenu des manuels. Pour la première édition, c’est cette Direction générale qui s’en charge et dès lors que c’est fait, la réimpression incombe à la DAMSSE. Pour acquérir les manuels, Abdel Aziz Dao relève que sa direction travaille de concert avec la Direction de l’administration et des finances (DAF) du MENA pour le dossier d’appel à concurrence qui est transmis à la Direction des marchés publics pour la procédure d’attribution. A l’issue de ce processus, la DAF donne l’ordre après que la direction qui s’occupe de l’aspect contenu du programme eut donné son quitus de bon à tirer. Dès que cela est fait, la DAMSSE reçoit les manuels dans ses entrepôts et fait les lots par Circonscription d’éducation de base (CEB) en faisant par la suite des paquets qu’elle se charge de déposer au niveau de ces CEB. Et Abdel Aziz Dao d’insister sur le fait que les manuels sont distribués gratuitement dans les écoles primaires publiques et privées. Une gratuité qui a commencé avec la mise en place du PDDEB. Plus de 10 millions de manuels ont ainsi été acquis de 2006 à 2007 et un stock important a été constitué. Il relève par la suite que les crédits alloués depuis lors ont diminué. A titre d’exemple pour les réimpressions, la somme de 1,100 milliard de F CFA a été allouée et à partir de 2013-2014, elle a chuté à 1 milliard de F CFA. Cette somme est de 900 millions de F CFA en 2014-2015.

Hors course pour un document non conforme, l’entreprise tunisienne BETA porte plainte

Mais voilà qu’en 2015, la DAMSSE n’a pas pu bénéficier de livraisons de manuels parce qu’à la suite de l’attribution des lots du marché d’impression dont ont bénéficié quatre entreprises du Burkina que sont, le groupement d’entreprises IMPRICOLOR/ESIF, la GIB-CACI, la MAG et le groupement d’entreprises Martin pêcheur-ECGYK, une entreprise tunisienne du nom de BETA, qui postulait et n’a pu être attributaire, a déposé un recours en contestation des résultats. A la Direction des marchés publics (DMP), le directeur Lassina Sawadogo fait savoir que la passation des marchés au niveau des manuels scolaires n’est pas différente des autres processus et lorsque des entreprises se sentent lésées au regard de la réglementation, elles ont la possibilité de faire des recours auprès de l’ARCOP, qui tranche et prend des décisions qui s’imposent à tous. C’est ainsi qu’après l’attribution du marché par la Commission d’attribution des marchés (CAM), l’entreprise tunisienne BETA a attaqué la décision en portant plainte à l’ARCOP, estimant avoir été écartée abusivement. Lors de sa première audience, l’ARCOP  a estimé que le point du dossier sur lequel s’est appuyé la CAM pour ne pas attribuer le marché à BETA, qui était d’ailleurs moins disant, dérogeait à la réglementation. Dans le dossier, il avait été spécifié que chaque entreprise doit joindre une certification de son chiffre d’affaires délivrée par un service des impôts et pour l’entreprise BETA de la Tunisie, ce n’était pas le cas. En première instance, l’ARCOP a estimé que ce point ne devrait pas leur être opposé et que le MENA devrait chercher à vérifier si le chiffre d’affaires de cette entreprise tunisienne est bon. Et pour l’ARCOP, si le chiffre d’affaires est bon, le MENA doit lui donner le marché. Cela ne peut pas être vérifié au Burkina puisque cette entreprise l’a fait certifier par un commissaire aux comptes en Tunisie. Le MENA a, par la suite, introduit un recours auprès de l’ARCOP comme la réglementation le prévoit lorsque la partie contractante n’est pas d’accord avec une décision. Mais dans sa deuxième décision, l’autorité de régulation a renvoyé le ministère à sa première décision indiquant qu’il n’y avait pas d’éléments nouveaux et qu’il fallait forcément vérifier le chiffre d’affaires de l’entreprise tunisienne. Et depuis lors, il n’y a pas de suite et c’est cette situation de blocage qui fait qu’il n’y a pas jusqu’à présent de réimpression de manuels scolaires pour l’année scolaire 2015-2016, alors que celle-ci est pratiquement à son terme.

Il y a comme une main qui bloque tout

 

Il faut relever qu’entre-temps, les imprimeurs locaux, qui sont attributaires des marchés de ces manuels scolaires, estimant que la décision de l’ARCOP n’était pas fondée et qu’on leur faisait la force, ont rencontré les services de la DMP afin de comprendre. N’étant pas satisfaits puisque la DMP leur a fait savoir qu’elle s’en tient à la décision de l’ARCOP, les imprimeurs locaux ont, par la suite, posé leurs problèmes auprès du Premier ministre de la Transition. C’est dans ce sens que le Premier ministre Yacouba Isaac Zida a réagi en adressant une correspondance en octobre 2015 à l’ARCOP, l’instruisant de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre la poursuite de l’exécution du marché par les entreprises déjà attributaires. Ce fut sans suite. Et le Premier ministre a dû adresser en décembre 2015, une autre correspondance au ministre de l’Economie et des finances pour rappeler l’urgence de l’exécution du marché et l’importance de « préserver l’intérêt supérieur des enfants du Burkina ». Celle-ci est restée également lettre morte. On nous fait comprendre que la réglementation exige que la décision de l’ARCOP doit être respectée et la conséquence est que des manuels scolaires qui auraient dû être distribués dès la rentrée scolaire 2015-2016 ne le sont pas parce qu’un soumissionnaire dont le dossier n’était pas conforme fait retarder l’échéance suite à une plainte. « C’est vraiment malheureux parce qu’on pénalise tout un pays et surtout l’éducation des enfants », ont laissé entendre certaines personnes dans le milieu scolaire. Et malgré les décisions des plus hautes autorités comme le Premier ministre qui a relevé l’urgence et surtout l’importance pour les élèves d’avoir des manuels scolaires, les choses sont toujours à l’arrêt. Pour Rodrigue Myaouenuh, directeur commercial et marketing de la Grande imprimerie du Burkina (GIB), dont l’imprimerie est un des attributaires du marché non exécuté jusqu’à présent, « cela fait bientôt un an que nous sommes dans cette attente et rien ne se décide. Tout est bloqué, grippé parce qu’il y a des influences extérieures qui semblent être sur le dossier, malgré les décisions en notre faveur qui ont été confirmées à plusieurs reprises. Il y a comme une main qui bloque tout et les élèves en pâtissent ». Selon ses explications et à l’allure où vont les choses, on risque de se retrouver en rupture de manuels scolaires. Et Rodrigue Myaouenuh de se demander  si ce n’est pas l’objectif visé. Il ne manque pas de nous signifier que juste après avoir reçu la notification du MENA indiquant que la GIB a été retenue, l’entreprise a engagé des frais par rapport à certaines charges à exécuter pour respecter les délais de livraison. Le directeur commercial et marketing de la GIB espère que les autorités burkinabè vont prendre la bonne décision. Selon une source proche du dossier, les imprimeurs locaux, attributaires du marché non exécuté, ont sollicité une audience en février 2016 auprès de l’actuel ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation sans succès et ont relancé cette demande en avril sans suite. Alors que la même source nous fait savoir qu’entre-temps, l’entreprise tunisienne BETA a été reçue par le ministre.

L’Etat ne devrait pas lésiner sur les moyens quand il s’agit de manuels scolaires

Face à ce manque de manuels scolaires pour cette rentrée scolaire 2015-2016 qui tire à sa fin, le secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation de base (SATEB), Clément Tapsoba, souligne qu’un constat a été fait que ces trois dernières années, c’est un problème récurrent qui joue sur la qualité de l’éducation et du travail. Il va plus loin en relevant que cela ne concerne pas que les manuels. Ainsi, Clément Tapsoba évoque le cas des fournitures scolaires qui ne sont pas reçues à temps et dont la qualité laisse à désirer. Il y a en plus la question des cantines qui ne viennent pas au bon moment puisque, selon lui, elles doivent commencer à fonctionner dès le mois d’octobre. Et au sujet des manuels scolaires, il souligne qu’ils sont rarement servis à temps, tout en relevant n’avoir presque rien reçu pour cette année scolaire. Concernant les quelques écoles qui en ont eu, le secrétaire général du SATEB fait savoir que ce sont des stocks restants et en quantité très infime. Alors le syndicat a approché le ministère de tutelle pour comprendre le fond du problème de manuels. « La réponse, à chaque fois que nous posons la question, est qu’il y a un contentieux en voie de règlement. Une réponse qui ne nous satisfait pas », réagit le premier responsable du SATEB pour qui, le souhait est d’avoir des livres de qualité pour les accompagner dans leur travail en classe. « Pour un enseignant qui a cinquante élèves dans sa classe et se retrouve avec cinq ou dix livres, il lui est difficile de réaliser un travail de qualité », a relevé le secrétaire général Clément Tapsoba. C’est dans ce sens qu’il ne manque pas de souligner que la place du livre dans l’éducation est indispensable et qu’on ne devrait pas lésiner sur les moyens pour que toutes les écoles soient dotées de manuels scolaires, dans la mesure où l’Etat a déclaré la gratuité de ces documents. Ajoutant que la production des manuels est réservée exclusivement à l’Etat et qu’aucun privé n’est autorisé à le faire, dit-il, si l’Etat ne le fait pas, il y aura forcément rupture au plan national, dans ces conditions. Les parents d’élèves posent régulièrement le problème des manuels. Et le président du conseil national des Associations des parents d’élèves (APE) du primaire de la région du Centre, Gaoua Dah, de confirmer cela. Pour lui, c’est une situation déplorable et il  dit avoir appris qu’effectivement, il y a un blocage pour l’impression des manuels scolaires. Il indique que des opérateurs avouent ne pas comprendre pourquoi l’Etat burkinabè s’évertue à donner la commande de ces manuels à l’extérieur. Pour le président Gaoua Dah, si cela se fait sur le budget national, l’Etat gagnerait, en concertation avec les partenaires sociaux, à ce que ces marchés soient donnés à des entreprises locales. En tant que partenaire, il estime que pour ce genre de situation tel que le manque de manuels scolaires pour une raison de non-impression, l’Etat se doit de communiquer pour que les uns et les autres puissent relayer l’information jusqu’à la base afin que tous comprennent ce qui se passe. Pendant ce temps, l’année scolaire s’achève sans avoir enregistré de distribution de manuels scolaires.

Antoine BATTIONO

ENCADRE

Rodrigue Myaouenuh, directeur commercial et marketing de la GIB : « Il y a des intérêts qui ne disent pas leur nom »

« Nous sommes surpris qu’une entreprise ait une telle influence auprès de l’ARCOP. Le MENA a écarté l’entreprise tunisienne parce que tout simplement, elle n’a pas pu fournir un document qui lui a été demandé. Il semblerait qu’elle a dit que dans son pays, c’est ce document qui fait foi. En Tunisie, pour ce que je sais et rien que pour le marché des manuels scolaires, pour tout ce qui est étatique de toute façon, il est interdit à toute autre entreprise que celles tunisiennes d’y participer. Ce sont des marchés nationaux, pas internationaux. Nous nous voyons mal, en tant qu’entreprise burkinabè, aller postuler pour un marché tunisien et leur dire qu’au Burkina cela se passe comme ça et qu’on nous dise qu’une mission va être dépêchée au Burkina pour vérifier ceci ou cela. Pourquoi en sommes-nous à ce débat alors que les choses sont claires, évidentes et simples ? Si on veut fouiller, on comprendra peut-être qu’il y a des intérêts qui ne disent pas leur nom. Il y a une main étrangère qui influence des personnes chez nous pour conserver ce marché que les Tunisiens considèrent comme le leur puisque cela fait des décennies que cette entreprise le réalise et considère qu’il est impossible aux Burkinabè de réaliser leurs propres manuels. Alors que la GIB se targue d’être la première imprimerie au Burkina à avoir réalisé les manuels scolaires du Burkina puisque depuis toujours, c’était des entreprises tunisiennes, libanaises, indiennes et bien d’autres qui venaient prendre le marché, produire et renvoyer les manuels chez nous. Aujourd’hui, des investissements ont été faits dans ce secteur et la GIB par exemple, a fait ses preuves, à travers un petit lot de livres d’observation, en réalisant 500 manuels de qualité que nous avons livrés dans les délais au MENA. Ainsi, bien d’autres imprimeries au Burkina se sont armées de  courage et peuvent aussi produire des manuels. Nous sommes dans la démarche de ce grand homme qui disait, “consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons”».

 Propos recueillis par A.B

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MAQUETTE TIEMTORE ISSOUF

Innocent Zabré : Conseiller commercial et marketing du Groupement d’entreprises IMPRICOLOR/ESIF : « Est-ce l’entreprise tunisienne qui doit se conformer à notre législation ou le contraire ? »

Les mots n’ont pas manqué au conseiller commercial et marketing du groupement d’entreprises IMPRICOLOR/ESIF pour expliquer ce qui se passe dans ce marché de manuels scolaires au Burkina et son incompréhension face à la réaction des autorités du pays.

« Le Pays » : Que pensez-vous de cette situation des marchés d’impression des manuels scolaires pour le Burkina ?

Innocent Zabré : Il faut relever que depuis plus de vingt ans, les manuels du primaire sont imprimés par des imprimeurs étrangers qui viennent aussi bien de pays de la sous-région que de la France, de la Tunisie et du Liban. Ce fait de monopole de réimpression accordé à certaines imprimeries a eu pour conséquence des retards de livraison et souvent des erreurs dans la production des différents manuels. Face à  ce constat, nous nous sommes mieux équipés en matériels performants pour faire face à la production. Depuis des années, des luttes ont été menées et avec le temps, le MENA et le ministère de l’Economie et des finances (MEF) ont fait des concessions en réaménageant le Dossier d’appel d’offres (DAO) pour que les imprimeries locales puissent soumissionner à cet appel d’offres. Avant cela, les autres concurrents soumissionnaient toujours en raflant toute l’enveloppe allouée à la production et pire, ils s’arrangeaient pour se faire des avenants sur chacun des contrats sur la base de faux arguments et cet argent profitait à quelques individus bien placés et qui avaient la gestion de ce dossier tant au MENA qu’au MEF. Aujourd’hui, ces mêmes entreprises, face à la concurrence locale, reviennent avec des offres beaucoup moins chères, juste pour nous noyer et mieux reprendre la main et imposer encore leurs prix. Elles nous font de la concurrence déloyale parce qu’elles ne paient pas d’impôt ni aucune autre taxe ici, les livres étant exonérés des droits de douanes alors que nous, déjà, nous payons la douane et la TVA sur les matières premières (papier et autres intrants) à l’importation. Elles n’ont pas de personnel au Burkina donc pas de charges et aussi l’administration n’a pas l’expertise nécessaire pour attester de la validité des documents (caution bancaire, ligne de crédit, chiffre d’affaires et autres attestations) qu’elles fournissent pour le besoin de l’appel d’offre. Depuis donc des années, nous luttons pour que la production soit locale afin d’éviter les retards de livraison qui sont récurrents et aussi permettre un meilleur suivi des différentes productions. On constate seulement que malgré les ateliers de réflexions qui se font dans ce sens et qui aboutissent à des recommandations fortes, l’Etat, jusque-là, n’en fait pas une priorité et a du mal à collaborer pleinement avec les éditeurs et imprimeurs nationaux qui, pourtant, ont les mêmes compétences et  les mêmes capacités que ceux venus d’ailleurs.

Quelles sont vos explications sur l’attribution du marché d’impression de manuels dont votre groupement a été attributaire et que vous n’avez pas pu exécuter ?

Rappelons tout simplement que pour l’exercice 2015, le marché des manuels a été attribué à quatre entreprises nationales dont bien évidemment notre groupement. Après la publication des résultats, l’entreprise tunisienne BETA a décidé de déposer une requête auprès de l’ARCOP parce que, selon elle, les motifs (Chiffre d’affaires fourni par un cabinet d’audit et non un chiffre d’affaires établi par le service des impôts) invoqués pour écarter son offre n’étaient pas valables parce qu’en Tunisie, c’est ce document qui fait foi. Lors de son délibéré, l’ORAD a demandé à la DMP/MENA d’écrire en Tunisie pour demander l’authentification dudit document sans tenir compte des données particulières du DAO. Certes, même si en Tunisie, ce document est valable, est-ce que pour cet appel d’offres, il peut être valable dans la mesure où BETA avait la possibilité d’écrire (confère article 10 et 11 des instructions aux soumissionnaires) quinze jours avant la date de dépouillement pour demander des éclaircissements par rapport au DAO, ou apporter des précisions ; et l’autorité contractante peut, dix jours avant la remise des offres, modifier le DAO en publiant un additif. Elle peut même reporter la date de remise des offres pour permettre aux entreprises concernées de se conformer à cet additif. Ce que l’entreprise BETA n’a pas eu le temps de faire et, à mon avis, pour cet appel d’offre, son offre ne peut être conforme. Depuis plusieurs mois que cette correspondance est partie jusqu’au jour d’aujourd’hui, il n’y a pas eu de réponse officielle et l’ARCOP ne prend toujours pas de décision de sorte à permettre au dossier d’avancer.

 Qu’avez-vous entrepris comme démarche pour résoudre ce problème ?

Depuis le 25 août 2015, nous avons constitué un regroupement d’imprimeries composé  des quatre entreprises attributaires et par l’intermédiaire du conseiller spécial du Premier ministre de la Transition, Pr Abdoulaye Soma, le dossier est parvenu au Premier ministre Yacouba Isaac Zida qui a fait sortir une note le 25 octobre 2015 adressée au SP de l’ARCOP de l’époque, Mamadou Guira, qui disait en substance qu’il constatait  que la procédure se prolongeait au-delà de ce qu’autorisait la préservation de l’intérêt supérieur des enfants bénéficiaires de ces manuels et tenant compte de cet impératif, il lui demandait de prendre les mesures nécessaires pour permettre la poursuite de l’exécution du marché par les entreprises déjà attributaires. Et le 27 octobre 2015, nous avons tous reçu les notifications provisoires et les contrats ont été rédigés pour signature et dès cet instant, nous avons, chacun de son côté, commencé à travailler sur le dossier pour rattraper le temps perdu. En début décembre, quand on a voulu avoir la situation exacte, on s’est vu signifier que le contrôle financier refuse de viser les contrats au motif que le litige au niveau de l’ARCOP n’est pas tranché. C’est ainsi que  dans une lettre rédigée par le DGCMEF Abraham Ky avec son entête et signée par le ministre de l’Economie et des finances de la Transition, Jean Gustave Sanon, et adressée au ministre de l’Education, il ressort ceci : « Au regard de tout ce qui précède, notamment le caractère exécutoire des décisions de l’ORAD et du fait que la lettre de Son Excellence Monsieur le Premier ministre ne nous est pas adressée, je ne peux accéder à votre requête ». Le 18 décembre 2015, le Premier ministre adresse une autre correspondance directement au ministre de l’Economie et des finances et la lettre ne sera remise au DGCMEF que le 30 décembre 2015 après la démission du gouvernement Yacouba Isaac Zida et depuis, plus de suite.

Avec l’année scolaire qui s’achève, peut-on croire que le nouveau régime et son gouvernement vont trouver une solution définitive ?

Doit-on prendre le temps qu’il faut pour attendre une réponse de la Tunisie qui n’arrive pas ? Pourquoi donc l’ARCOP, après tant de temps, n’arrive-t-elle pas à prendre une décision dans le sens de faire bouger le dossier ? Est-ce l’entreprise tunisienne qui doit se conformer à notre législation ou l’inverse ? Qui a donc intérêt à ce que ce marché reparte à l’extérieur ? Tous ces responsables d’institutions, directeurs de services et ministres voient-ils réellement le dossier des manuels comme un dossier sensible et qui  doit être traité avec diligence et rigueur pour  que  la qualité de notre éducation ne continue de se dégrader d’année en année ? On nous parle de textes et de règlementations. Mais de quels textes parlons-nous pendant que nos pauvres enfants n’ont pas l’élément essentiel pour être initié aux techniques du savoir parce qu’une entreprise tunisienne réussit à bloquer tout un système par sa simple volonté de récupérer un marché qui est en train de lui échapper. Il n’y a qu’au Burkina qu’on voit des exemples pareils ; le Burkinabè est tellement intègre qu’il est capable de sacrifier son propre frère pour un parfait inconnu. Pendant que nous peinons à avoir des marchés à l’extérieur, notre marché est plutôt ouvert aux autres avec souvent des facilités déconcertantes. Qu’est-ce que le Burkina gagne en continuant à attribuer des marchés à cette entreprise ? Je dirais rien du tout. Au contraire, l’Etat perd beaucoup en recettes fiscales et douanières et on ne peut parler de développement tant que les entreprises locales n’ont pas accès aux marchés publics. Et pire, d’année en année, le budget alloué à la production des manuels ne fait que s’effriter à cause des retards dans les livraisons qui se font chaque fois parfois même au cours de l’exercice suivant. Si ces entreprises sont assez fortes pour venir de très loin prendre des marchés, ici, au Burkina, c’est parce que leurs pays respectifs les ont poussés à grandir et à devenir très puissantes. Nous attendons les mêmes actions de la part de nos dirigeants car si rien n’est fait, ces quatre sociétés qui emploient pas moins de 200 personnes chacune, de façon permanente, seront obligées dans les mois à venir d’opérer des suppressions de poste pour pouvoir faire face à leurs charges. Le 10 mai 2016, en réponse à notre lettre de demande d’information, le  directeur des marchés publics du MENA disait que les différentes correspondances transmises en Tunisie par l’intermédiaire de son ambassadeur résident au Burkina sont restées sans suite jusqu’à ce jour et malgré tout, l’ARCOP dit de se conformer à sa dernière décision, à  savoir attendre toujours l’authentification du chiffre d’affaires de l’entreprise BETA. Nous sommes toujours dans l’attente, les enseignants et les élèves aussi ; et nous attendons de voir comment les autorités en charge de l’éducation vont traiter ce dossier en particulier et de façon générale le dossier des manuels scolaires. Car, rien ne sert de construire des salles de classe s’il n’y a pas de manuels didactiques aussi bien pour les maîtres que pour les élèves. Sous une paillotte, on peut bien apprendre à lire et à écrire assis sur une brique, mais une salle de classe bien équipée sans l’essentiel ne sert pas à grand-chose. Les nouvelles autorités, je n’en doute pas, doivent être déjà au parfum de ce dossier, en particulier le ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation et je suppose que ce même dossier est resté en stand-by au cabinet du Premier ministre actuel.

Propos recueillis par A.B

ENCADRE

MAQUETTE TIEMTORE ISSOUF

Gaoua Dah, président du conseil national de l’APE du primaire du Centre : « Il faut revoir la qualité des manuels et des fournitures »

« Sur la question des manuels scolaires, nous aimerions être associés en tant que parents d’élèves pour que nous puissions voir comment se fait la répartition et quelle est la quantité perçue par chaque école afin que la distribution atteigne tout le monde. Il faut aussi revoir la qualité des manuels et des fournitures. Lorsque vous prenez l’exemple de la craie, les enseignants disent qu’elle n’est pas bonne et cela oblige les parents d’élèves à en acheter. Comment investir autant d’argent pour du matériel qui ne sera pas utilisé. Nous avons fait le constat sur des lots de craie qu’on a estimé ne pas être bons. Il faut que les choses soient réorganisées pour que nous ayions des manuels de qualité et que la distribution se fasse dans de bonnes conditions. Nous gagnerions à travailler en symbiose pour éviter le gaspillage qui ne va pas profiter à nos enfants ni à l’Etat, mais aux fournisseurs qui vont empocher leur argent pendant que le matériel ne sera pas utilisé. »

Propos recueillis par A.B


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