HomeA la uneMARCEL TANKOANO, PRESIDENT DU M21 : «Ceux qui demandent la démission du Premier ministre sont ceux-là qui n’ont pas pris part à l’insurrection populaire»

MARCEL TANKOANO, PRESIDENT DU M21 : «Ceux qui demandent la démission du Premier ministre sont ceux-là qui n’ont pas pris part à l’insurrection populaire»


Il est l’un des instigateurs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, présentateur en langue nationale gulmacema à la Radio télévision nationale du Burkina (RTB) et actuellement président du Mouvement du 21 avril 2013. Marcel Tankoano, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était l’invité de la Rédaction, le 17 mars 2015. Se définissant comme le gardien des libertés du peuple, son mouvement, le M21, « est une organisation de la société civile apolitique et à but non lucratif, qui a été créée le 21 avril 2013. C’est un mouvement qui s’est fixé pour mission de défendre les intérêts du peuple burkinabè, en servant d’interface entre le gouvernement et la population ». Sans langue de bois, Marcel Tankoano nous donne sa lecture de la situation sociopolitique nationale, notamment la candidature des militaires et la participation ou non des partis de l’ex-majorité aux échéances électorales à venir. Lisez plutôt !

 

« Le Pays » : Quel commentaire faites-vous de la démission de Siaka Coulibaly et Ismaël Diallo de la Commission de réconciliation nationale et des réformes ?

 

Marcel Tankoano : Nous n’avons pas su réellement ce qui s’est passé à l’interne, jusqu’à ce qu’ils démissionnent. Mais, nous avons appris qu’au début, ce n’était pas du tout facile car Siaka Coulibaly est quelqu’un qui a des positions tranchées. Je connais l’homme. S’il démissionne de la Commission de réconciliation nationale et des réformes  après avoir donné son accord et participé aux travaux, c’est qu’il ne veut pas être critiqué négativement, au cas où les choses n’iraient pas dans le sens des aspirations du peuple. Ismaël Diallo, lui, je ne le connais pas très bien. Ce que je peux dire de leur démission, c’est peut-être qu’ils ont fait des propositions qui n’ont pas été prises en compte. Si c’est vraiment le cas, ils ont leurs raisons et c’est normal. J’étais en tournée en province lorsque la nouvelle est tombée. Mais, en ce moment, je n’ai pas assez d’informations sur leur démission. D’ores et déjà, je dirais que s’ils ont accepté de participer aux travaux d’élaboration de la feuille de route et qu’ils ont ensuite décidé de partir après les conclusions, c’est qu’il y a véritablement problème. Donc, il faudra qu’on cherche à comprendre.

On a appris, au cours d’une interview que Siaka Coulibaly a accordée à un média de la place, que certains membres de la Commission de réconciliation nationale et des réformes demandaient, entre autres, à percevoir la somme de 5,5 millions de F CFA. Un commentaire ?

 

Déjà, au cours de la rédaction de la Charte de la transition, Siaka Coulibaly et moi avions eu les mêmes points de vue, car j’avais demandé que les membres du Conseil national de la transition (CNT), qui allaient être désignés, puissent faire du bénévolat. Une idée qu’il avait soutenue parce qu’on ne peut pas chasser des gens qui dilapidaient l’argent du pays (ndlr : il fait allusion à l’ancien régime) et leur emboîter le pas. Ce n’est pas normal et un jour ou l’autre, le peuple sera appelé à nous interpeller. Alors, si aujourd’hui, il démissionne parce que certains de ses compères veulent qu’on leur paie 5,5 millions de F CFA, je crois qu’il a parfaitement raison et l’on ne doit pas cautionner cela dans notre pays.

« Djibrill Bassolé et Yacouba Ouédraogo auraient pu démissionner du CDP, comme certains l’ont fait auparavant »

Etes-vous pour ou contre la candidature des militaires ?

 

A notre dernière conférence de presse, nous avons été clairs : tous ceux qui ont soutenu l’ex-président Blaise Compaoré dans sa volonté de modifier la Constitution, de mettre en place le Sénat, ne doivent pas prendre part aux élections à venir. Nous n’allons pas accepter que ceux qui, après l’insurrection populaire, sont allés en Côte d’Ivoire rendre visite à Blaise Compaoré, notamment le général Djibrill Bassolé, puissent prendre part aux élections. Aussi, était-il au dernier Conseil des ministres du régime Blaise Compaoré, lorsque la décision d’emmener le projet de loi à l’Assemblée nationale avait été prise. Pourquoi, lui et Yacouba Ouédraogo, ne se sont-ils pas opposés ? Djibrill Bassolé et Yacouba Ouédraogo auraient pu, à ce moment, démissionner du CDP, comme certains l’ont fait auparavant. Il ne l’a pas fait, de même que le Colonel Yacouba Ouédraogo. Pourquoi se lever maintenant et vouloir briguer la magistrature suprême ? Ce n’est pas le moment et nous ne le cautionnons pas. Les Burkinabè ne vont pas et ne doivent pas accepter cela, même s’il y a eu des rumeurs qui couraient, faisant état de ce qu’il aurait désactivé le dispositif sécuritaire qui était mis en place aux alentours de l’Assemblée nationale, pour ne pas qu’il y ait un bain de sang, le 30 octobre 2014. Nous ne savons pas si cela est vrai, mais nous faisons le constat qu’il est resté au gouvernement jusqu’à ce que Blaise Compaoré soit chassé du pouvoir. Nous ne pouvons pas, à cet effet, accepter sa candidature. Pour moi, le rôle que les militaires peuvent jouer dans notre pays, c’est de protéger les populations et leurs biens.

Ce qui veut dire que vous êtes aussi contre la candidature de Jean-Baptiste Natama ?

 

Je me demande si l’Union africaine (UA) va permettre à Jean-Baptiste Natama de rentrer au pays pour se présenter à l’élection présidentielle.

Sauf qu’il a la possibilité de rendre sa démission de l’UA…

Il n’a pas encore rendu sa démission de l’UA et nous attendons que cela soit fait, avant de dire ce que nous pensons de sa candidature.

« Nous avons l’impression que la communauté internationale apprécie mal ce qui s’est passé au Burkina Faso »

 

Est-ce à dire que vous êtes contre la candidature des militaires de façon générale?

 

Nous ne pouvons pas dire que nous sommes contre la candidature des militaires, dans la mesure où la Constitution actuelle leur permet de se présenter aux élections. Mais il faut des conditions à cela. Tout militaire qui aspire à diriger ce pays doit devenir un civil pendant au moins 5 ans, avant de présenter sa candidature pour la magistrature suprême. Pour le cas de Djibrill Bassolé, on pensait qu’il n’était plus militaire jusqu’à ce qu’il soit promu au grade de Général.

Comment avez-vous accueilli le limogeage du président du Conseil économique et social, Paramanga Ernest Yonli ?

 

Le limogeage du président du Conseil économique et social, Paramanga Ernest Yonli, ne nous a pas surpris et nous dirions que cela a même trop tardé, parce qu’il était inadmissible qu’après le changement, on laisse certaines grosses têtes du régime déchu continuer à gérer les affaires de l’Etat. Ce n’est pas possible et ce serait une erreur si l’on le faisait. Nous attendons d’autres limogeages, car tous ceux qui ont été aux affaires et qui ont soutenu l’ancien président Blaise Compaoré dans sa volonté de modifier la Constitution, doivent être chassés. On a chassé Paramanga Ernest Yonli, qu’il en soit ainsi pour Assimi Kouanda et pour bien d’autres. Il faut les sanctionner, car le peuple a besoin du changement à tous les niveaux. Nous avons demandé à la transition de prendre ses responsabilités. On a l’impression que l’insurrection populaire a un goût d’inachevé et il faut que les choses changent.

Quelle est votre bataille future ?

 

Nous cherchons à rencontrer les institutions internationales, notamment la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union européenne (UE), l’Union africaine (UA) et pourquoi pas l’Organisation des nations-unies (ONU) parce que, nous avons l’impression que la communauté internationale a mal apprécié ce qui s’est passé au Burkina Faso. Au cours de sa visite au Burkina, lors de la mise en place du gouvernement, la délégation de la CEDEAO avait demandé qu’il y ait l’inclusion. Mais nous, nous avons cherché à comprendre ce qu’est l’inclusion. Inclusion oui, mais sanctions d’abord. La délégation a estimé qu’au lendemain du départ de Blaise Compaoré, contrairement aux autres pays, le peuple s’est levé comme un seul homme pour balayer les rues jonchées de décombres. Pour elle, comme cela a été fait, c’est parce que les gens ont mis de côté leurs rancœurs. Mais non ! Et les martyrs qui sont tombés le 30 octobre 2014 ? Donc, nous comptons nous approcher de ces institutions pour leur expliquer que des campagnes seront ouvertes bientôt. Mais, si le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et compagnie restent dans la course, le Burkina Faso ne pourra pas tenir ces élections dans la tranquillité parce qu’à l’heure actuelle, le peuple a accepté de pardonner mais il n’a pas oublié ce qui s’est passé les 30 et 31 octobre 2014. Certains ont perdu leurs enfants, leurs pères, leurs filles et j’en passe pendant cette insurrection. Croyez-vous que ces derniers peuvent admettre que ces mêmes personnes reviennent s’arrêter devant eux pour parler de démocratie ou de paix ? Je pense que non, car tout ce qui est arrivé au Burkina Faso, c’est par leur faute.

« Nous ne pouvons pas accepter l’impunité »

 

Ce qui fait le plus mal, c’est que certains sortent dans les médias pour dire qu’ils ont pardonné. Qu’est-ce qu’on leur a fait ? Ce n’est pas à eux de nous dire qu’ils ont pardonné. C’est à nous de leur dire que nous leur avons pardonné. Certes, ils estiment que leurs maisons et leurs biens ont été incendiés. Mais une maison vaut-elle mieux que la vie d’une personne ? Est-ce que leurs biens dépassent la vie de ceux qui ont été tués pendant l’insurrection populaire ? Leur arrogance est liée au fait qu’ils ne veulent pas reconnaître leurs torts. De ce fait, je ne suis pas d’avis qu’on parle d’inclusion. Ce n’est pas le moment. La démocratie oui, l’inclusion oui, mais nous ne pouvons pas accepter l’impunité. C’est au regard de tout cela que nous demandons qu’on les écarte des élections à venir. Dans le cas contraire, on vivra le pire.

Pourtant eux, à l’image de Léonce Koné, actuellement président du Directoire du CDP, disent qu’ils n’accepteront jamais cela, car c’est contraire à la loi. Votre commentaire ?

 

Je vous dis que nous n’avons pas achevé la révolution. Comment des gens qui ont emmené notre pays dans une spirale de violence, peuvent-ils avoir le courage de dire cela ouvertement ? Léonce Koné qui fulmine, se rappelle-t-il ce qui s’est passé le 30 octobre 2014 ? Je vous dis que ce jour-là, il a tenté d’escalader le mur de l’Assemblée nationale pour sauver sa peau. De même que Hubert Yaméogo, ancien Directeur général de la SONABHY et d’autres membres du CDP. Nous étions là et nous les avons laissés partir. Personne n’a cherché à leur faire du mal, car c’est de la modification de l’article 37 de la Constitution que nous ne voulions pas. Comment un monsieur qui a vu cela, peut-il se permettre aujourd’hui de sortir dire ouvertement que refuser de laisser participer le CDP aux élections est contraire à la loi ? Pire, il est allé en Côte d’Ivoire rendre visite à son mentor et revenir dire à tout le monde qu’il l’a vu. Mais, qui peut dire, aujourd’hui, ce qu’il est allé manigancer avec Blaise Compaoré ? En tout cas, au M21, notre position est claire, nous n’acceptons pas que le CDP et compagnie puissent participer aux échéances électorales à venir et nous nous battrons pour cela.

Quel commentaire faites-vous de l’arrestation d’Oscibi Johann, membre du mouvement « Le Balai citoyen au Congo » ?

 

J’ai appris la nouvelle avec tristesse et rage. Le jour de l’arrivée du ministre de l’Administration territoriale et de la sécurité, Denise Barry qui rentrait de Côte d’Ivoire, nous étions ensemble à l’aéroport international de Ouagadougou. C’est là qu’il m’a informé qu’il allait à Kinshasa pour un atelier, sans me donner plus de détails sur ce qu’il y partait faire. Mais ce que nous demandons, c’est sa libération et celle des membres des autres mouvements. Une libération pure et simple, sans condition, le plus rapidement possible. Nous avons demandé aux autorités de prendre des mesures qui siéent pour sa libération et nous espérons que les choses iront plus rapidement que cela dans les jours à venir. (NDLR : l’interview a été réalisée avant leur libération)

 

Quelles relations le M21 entretient-il avec les autres associations ?

Nous entretenons de très bonnes relations avec les autres mouvements et associations. Seulement, chacun a ses rayons d’activités. Mais lorsqu’il y a un sujet urgent et important qui nous réunit, on se partage les idées pour mener la lutte. Actuellement, le M21 n’a pas de problème avec une association ni un mouvement quelconque.

« Un responsable de la TNB à l’époque m’a fait savoir que je ne peux pas travailler à la TNB et être contre le régime au pouvoir »

 

En dehors de vos activités au sein du M21, que faites-vous ?

 

Je suis un contractuel de la Radio télévision du Burkina (RTB). Je présentais le journal en langue nationale, notamment en Gulmacema. J’ai passé 5 ans à la radio et 6 ans à la télévision. J’ai été remercié à la RTB à cause de la création de mon mouvement. Lorsque nous avons tenu notre première rencontre, nous avons été clairs sur notre position. Nous avons fait savoir que nous sommes contre la modification de l’article 37 de la Constitution, contre le référendum et la mise en place du Sénat. L’élément était déjà monté par le reporter qui était Etienne Bassinga de la Télévision nationale burkinabè (TNB), et devrait passer au journal télévisé (JT) du soir. A ma grande surprise, le soir, assis chez moi, je me rends compte que l’élément passe avec mon nom à l’écran, mais sans image. Le lendemain, je suis allé à la TNB pour comprendre ce qui s’est passé avec le personnel. C’est ainsi que le Directeur de la TNB en son temps, m’a fait savoir que mon élément ne pouvait pas passer. Et de me faire savoir que je ne peux pas travailler à la TNB et être en même temps contre le régime au pouvoir. Séance tenante, il m’a présenté une correspondance signée du ministre de la Communication de l’époque, porte-parole du gouvernement, lui faisant obligation de ne pas diffuser l’élément. Il m’a aussi dit que le ministre lui a demandé d’envoyer une copie du reportage et que ce dernier allait même m’appeler dans la journée pour m’entendre. Depuis ce jour-là, je n’ai plus eu la chance de m’asseoir sur le plateau de la TNB pour présenter un journal. Il n’y a pas eu de note de service, mais on m’a dit simplement d’arrêter tout ce que je faisais à la TNB et qu’on devait m’affecter dans une région, notamment dans ma région natale, à l’Est et depuis ce jour, j’ai compris que c’était fini pour moi. C’était en juin 2013. Mais, je n’ai pas voulu attraire les responsables de la TNB en justice car si je le faisais, j’allais perdre ma lutte. Alors, j’ai préféré partir, car je savais que si je créais ce mouvement, il serait difficile qu’on me laisse tranquille à la TNB. En ce moment, j’attends que tout puisse rentrer dans l’ordre pour pouvoir m’approcher des responsables de la TNB et comprendre pourquoi j’ai été limogé.

Seriez-vous prêt à répondre favorablement, si on vous appelait aujourd’hui à la RTB ?

 

Oui. Mais cela dépendra de comment on m’appellera. Je sais que je dois repartir là-bas. Cependant, avant d’y aller, je chercherai d’abord à comprendre pourquoi j’ai été limogé. Je demanderai aussi à ce que justice soit faite, car je suis un responsable de famille. J’ai des enfants et je vis en location. On m’a licencié sans motif. Je vais demander qu’on me dédommage parce que j’ai souffert avec ma famille. J’ai des enfants scolarisés et Dieu seul sait comment je me suis débrouillé pour honorer leurs frais d’ordonnance et de scolarité. Dans cette période dure, ma femme aurait pu me quitter. Mais elle est restée avec moi, elle m’a épaulé et je remercie Dieu aujourd’hui.

Que faites-vous concrètement en ce moment ?

 

En ce moment, je fais les spots-télé en langue nationale pour des agences de communication et des Organisations non gouvernementales. D’autres me demandent des doublages de films et je les fais à leur grande satisfaction. Ayant été journaliste en langue nationale à la TNB, c’est cette expérience qui me nourrit car, en ce moment, pour un doublage de film, je suis payé entre 20 000 ou 30 000 F CFA la page. Si vous faites le calcul, avec 10 pages, l’on peut s’en sortir avec entre 200 000 F CFA et 300 000 F CFA. Je ne gagne pas ce genre de contrats tous les jours, mais au moins une ou 2 fois tous les 2 ou 3 mois, ce n’est déjà pas mal. Je vous avoue que lorsqu’on m’a chassé de la TNB, beaucoup savaient que je tirais mes revenus de cette activité. Alors, ces derniers se sont approchés des agences de communication pour me mettre des bâtons dans les roues.

« Nous n’avons aucun lien avec un parti politique »

 

Etant président du M21, êtes-vous salarié pour cela ?

 

Non, je ne suis pas salarié pour cela (NDLR : avec un sourire en coin).

Vous dites que vous faites du bénévolat. Entre nous, pour être franc, est-ce vrai ? N’y a-t-il pas des gens qui vous financent dans l’ombre ?

 

(NDLR : hilarité générale dans la salle). Je savais que vous alliez me poser cette question. Entre nous, ce que je vais vous dire c’est la vérité. On n’a pas de partenaires financiers comme cela. Seulement, on ne peut pas le nier, nous avons de bonnes volontés qui nous soutiennent, notamment des gens qui ont compris le sens de l’insurrection populaire. Au regard de ce que menons comme actions sur le terrain, certains ont compris qu’il ne serait pas mauvais qu’ils nous soutiennent financièrement. Comme vous le savez, on est en Afrique et on ne refuse pas un cadeau. Si quelqu’un vous offre quelque chose parce qu’il estime que ce que vous faites est noble et mérite son accompagnement, vous ne pouvez pas rejeter l’offre.

Parmi ces gens qui vous soutiennent, y a-t-il des hommes politiques, des chancelleries ou des ONG ?

 

Lorsque nous parlons de bonnes volontés, cela peut être le Directeur général des Editions « Le Pays » ou quelqu’un d’autre. (Rires dans la salle). Véritablement, nous n’avons pas d’organisation nationale ou internationale, encore moins un parti politique qui nous soutient financièrement. Nous le disons mais certains ne nous croient pas. L’avenir dira si ce que nous disons est vrai. Ce que je peux vous dire, c’est que ce sont de bonnes volontés qui nous soutiennent. Il se pourrait qu’une ONG nationale ou internationale nous approche pour nous soutenir dans les jours à venir. Mais pour l’heure, non. Si on était financé par une structure ou un individu quelconque, on n’aurait pas cette liberté d’actions. A l’heure actuelle, nous n’avons pas les mêmes points de vue que certains partis politiques. Beaucoup pensent que nous sommes en train de travailler pour eux, mais je dirais que non. Nous n’avons aucun lien avec un parti politique. On a une position claire que beaucoup de partis politiques ne cautionnent pas, notamment l’exclusion du CDP et compagnies des prochaines élections.

Ne pensez-vous pas que ces bonnes volontés puissent nuire à vos activités un jour ?

 

Aujourd’hui, quelqu’un ne peut pas venir me voir et dire M. Tankoano, du courage pour tout ce que vous faites, prenez ceci, et je vais refuser. Ce serait un manque de respect à son égard. En Afrique, nous n’avons pas cette culture.

Quel contenu donnez-vous au slogan « plus rien ne sera comme avant » ?

 

Le slogan « plus rien ne sera comme avant »,  nous l’avons entonné plusieurs fois et nous continuerons de le faire. Vous avez appris comment la délégation gouvernementale a été accueillie en Côte d’Ivoire par nos compatriotes lorsqu’elle est allée leur expliquer les motifs du report de leur vote. C’est ce genre de comportements que nous n’acceptons pas. Les gens pensent que la transition n’a pas de valeur. Il faut qu’on la soutienne. Pour ce faire, nous n’allons pas travailler à donner raison à ceux qui ont cru à un moment donné que sans Blaise Compaoré, le pays sombrerait dans le chaos. Nous allons continuer à travailler, à faire savoir au reste du monde que le Burkina Faso peut prospérer sans Blaise Compaoré.

Quelle appréciation faites-vous de l’application du slogan « plus rien ne sera comme avant » sur le terrain ?

 

Nous pensons que l’application du slogan s’est faite par le limogeage d’un certain nombre de Directeurs généraux, notamment les deux anciens DG de la SONABEL et de la SONABHY. Ces révocations ont été positivement appréciées par les Burkinabè et beaucoup disaient en tout cas : « plus rien ne sera comme avant ». Entre-temps, tout s’est arrêté du coup et les anciennes pratiques sont revenues. On a commencé à narguer les gens au point même de remettre en cause la transition. Aujourd’hui, il faut que la transition prenne des actions allant dans le sens de la sanction.

Quel commentaire faites-vous de l’incident survenu en Côte d’Ivoire lors de la visite du ministre de l’Intérieur, avec le collectif des mouvements et associations de jeunesse de Cote d’Ivoire ?

 

Blaise Compaoré ayant été chassé du pouvoir, se trouve présentement en Côte d’Ivoire. Son petit-frère François Compaoré qui ne voulait pas qu’on parle de la non-modification de l’article 37 de la Constitution et sa belle-mère Alizeta Ouédraogo, s’y trouvent également. L’ancien ambassadeur, Justin Koutaba, à qui on a donné 45 jours pour rentrer au bercail, est toujours là-bas et c’est un gars de l’ancien régime. Comment voulez-vous que ces genres de choses ne se produisent pas là-bas ? Si Blaise Compaoré a pu passer plus de 27 ans au pouvoir sans faire voter les Burkinabè de Côte d’Ivoire, ce n’est pas à la transition de le faire. Les difficultés d’ordres financier et technique ont été posées noir sur blanc. Même pour organiser ces élections au Burkina, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a besoin, en ce moment, de plus de 20 milliards de F CFA. Ce problème est là et la transition s’attèle à trouver des partenaires financiers pour combler ce gap. Malgré ces explications, la transition s’est rendu compte que la diaspora ne comprenait pas. Alors, elle a décidé d’aller la rencontrer pour lui expliquer de vive voix pourquoi son vote a été reporté en 2020. La délégation a été au Mali, au Ghana et au Sénégal, il n’y a pas eu de problème. Pourquoi, c’est en Côte d’Ivoire seulement qu’il y a problème ? Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a certainement une main invisible. Nous pensons que ce sont des jeunes instrumentalisés par ceux qu’on a boutés hors de notre pays. On a appris que ces jeunes cherchent à rentrer au pays pour demander pardon au Mogho Naaba, nous attendons de voir. Nous sommes sûrs qu’ils sont manipulés. Je pense qu’il faut que la transition cherche à comprendre ce qui se passe.

 

D’aucuns parlent de prolonger le temps de la transition et de démettre le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida. Quelle est votre réaction à ce sujet ?

 

Si on estime que le temps imparti est insuffisant pour la transition, d’achever ses chantiers sur la Justice, notamment les dossiers Thomas Sankara, Norbert Zongo et les élections et qu’il faille prolonger le mandat de celle-ci pour qu’elle puisse faire ce travail, nous pensons qu’on peut l’accepter, car c’est une question de temps et il ne faudrait pas faire du temps imparti, une fixation et se trouver dans les mêmes travers du passé. S’agissant du Premier ministre, je pense que c’est trop demander. D’abord, il faudra que ces gens-là puissent dire clairement ce qu’ils reprochent à la transition. Ceux qui demandent la démission du Premier ministre sont ceux-là qui n’ont pas pris part à l’insurrection populaire. Si l’on mène bien des enquêtes, l’on se rendra compte que ce sont ceux-là mêmes qui n’ont pas voulu qu’il y ait un changement au Burkina. Je crois qu’il serait très difficile que quelqu’un qui a lutté farouchement pour l’alternance au Burkina, puisse aujourd’hui demander le départ du Premier ministre. Zida n’a pas demandé à venir au pouvoir. C’est le peuple, y compris l’armée, qui l’a désigné.

« Entre Zida et le M21, c’est une relation de travail »

 

Certaines langues disent que vous êtes proches du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida.

 

Est-ce vrai ?

Non. Nous ne sommes pas proches du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida.

Pourtant, on vous a vus à ses côtés aux premières heures de l’insurrection populaire, notamment lors de son premier discours à la Nation.

Le M21 entretient de bonnes relations avec la Transition et ce n’est pas seulement avec le Premier ministre Yacouba Isaac Zida. Nous avons été l’un des premiers acteurs de la lutte. Personnellement, j’ai été l’un des leaders des mouvements de la société civile à me rendre à l’Etat-major général des armées, le 28 octobre 2014, lorsque les gens se sont rendu compte que ceux qui ont pourchassé les marcheurs n’étaient pas des Burkinabè. J’y étais pour exprimer mon mécontentement et je leur ai fait comprendre qu’ils sont des Burkinabè comme tout le monde, et qu’il était inadmissible qu’ils laissent des étrangers bâillonner leurs frères burkinabè. A ce moment, personne ne me connaissait là-bas. Pour revenir à votre question, entre Zida et le M21, c’est une relation de travail. Zida ne me connaissait pas avant l’insurrection populaire et moi non plus. J’ai connu Zida à la faveur de l’insurrection populaire et c’est quelqu’un qui a su assumer ses responsabilités lorsque la situation l’y obligeait. Aujourd’hui, s’il n’avait pas joué sa partition dans la crise, personne n’aurait dit que le M21 et Zida entretiennent une relation. Les images que les médias ont publiées lorsqu’il livrait son discours et qu’on était à ses côtés, c’était au camp Guillaume, ce n’était pas à l’Etat-major général des armées.

Mais vous l’avez accompagné jusqu’à la présidence la même nuit (sourire en coin…)

 

Je l’ai tout simplement accompagné parce que quand je suis allé donner son communiqué à la TNB, les agents n’ont pas voulu diffuser l’image parce le général Traoré avait déjà livré son discours où il disait qu’il prenait le pouvoir. Pour une première fois, la télé et la radio ont refusé de diffuser la déclaration, alors que ce sont des médias publics où je croyais qu’on pouvait diffuser les éléments sans problème. Je suis reparti pour revenir une deuxième fois. C’est là que la radio a accepté de diffuser l’élément. Quand vous nous avez vu l’accompagner à Kosyam, c’était parce qu’on voulait aller diffuser l’élément à la télévision BF1. Sinon, Zida et le M21 n’entretiennent pas de relations particulières.

Pensez-vous que le temps imparti peut permettre à la transition de pouvoir juger les dossiers de crimes de sang et de crimes économiques de ce pays ?

 

La transition doit baliser le terrain. A présent, on demande à la transition de tout faire à la fois et c’est compliqué car les populations ont plusieurs attentes, tant sur le plan social, éducatif que sanitaire. Aujourd’hui, le prix des hydrocarbures a été revu à la baisse. Le prix du litre d’essence à la pompe a diminué de 50 F CFA. Mais, je trouve que cette baisse est insignifiante car l’Etat peut mieux faire à ce niveau. Mais pour ce qui est des crimes de sang et des crimes économiques, la transition peut poser des jalons et permettre au gouvernement qui sera mis en place, après les élections, de poursuivre son œuvre.

Propos retranscrits par Françoise DEMBELE et Mamouda TANKOANO

 


Comments
  • En lisant, les positions du M21 sur les élections prochaines et les propositions de sanctions à l’endroit des affidés du régime déchu par les populations les 30 et 31 octobre 2014, sont tout à fait compréhensible et légitimes ! C’est d’ailleurs le souhait de la majorité des burkinabé ! Comme dans toute société, il y’a des règles à respecter par les adhérents et ceux qui sont à l’origine des baffouements de ces règles doivent naturellement être sanctionnés ; surtout que par leurs fautes, des dizaines de martyrs ont perdu la vie ! Des sanctions sont nécessaires et utiles pour donner l’exemple et pour transformer les mentalités dans l’avenir
    Mais nous pensons que ces sanctions devraient porter sur les individus fautifs et non sur les structures ! Quand vous imaginez que dans ce pays, pendant que des gens meurent dans les hôpitaux publics faute d’avoir pu honoré des ordonnances et des médicaments, des politiciens hypocrites et corrompus en place depuis 27 ANS, par l’argent volé aux contribuables, veulent revenir encore devant les populations spoliés pour parler de démocratie et d’élections ? En tout état de cause, Mr TANKOUANO vous faites bien de dire que le peuple burkinabé n’a pas encore achevé sa révolution ! Car il reste des décisions courageuses, institutionnelles et historiques à prendre dans la TRANSITION ! Afin de baliser le terrain pour la BONNE GOUVERNANCE, politique, judiciaire, économique et sociale ! Cela, pour que dorénavant, plus personne ou groupe de personnes ne soit en position de remettre en cause les intérêts fondamentaux du peuple du Burkina Faso ! Salut !

    24 mars 2015
  • MERCI MR T. VOUS AVEZ MON SOUTIENT //QUE LE BON DIEU VOUS ACCOMPAGNE TOUT LE TEMPS //CAR L?ALLIANCE CDP/ADF/RDA EST UN POISON DORMANT ASSOIFFER DE POUVOIR ET DE CRIMES DE SANG ///NOUS LES COMBATTRONS PAR TOUS LES MOYENS ///RESTONS VIGILANT MEME APRES LES ELECTIONS ///LA MENACE DES ANCIENS EST PREVISIBLE ET IL FAUT QUE LE PEUPLE RESTE SOUDER ///

    25 mars 2015

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