HomeA la uneMAUVAISE EXECUTION DES MARCHES PUBLICS EN AFRIQUE : Ces vampires qui hypothèquent notre développement

MAUVAISE EXECUTION DES MARCHES PUBLICS EN AFRIQUE : Ces vampires qui hypothèquent notre développement


 

L’écrivain ivoirien, Ahmadou Kourouma,  avait, dans son ouvrage intitulé “Les soleils des Indépendances” publié en 1968, mis le doigt sur certains maux de l’Afrique contemporaine. 47 ans après, l’on peut dire que sous « Les soleils des démocrates » version tropicale, les choses ont empiré, dans bien des pays africains. Et pour cause : la mauvaise exécution des marchés publics, qui n’est qu’un des aspects de la mauvaise gouvernance, peut être invoquée pour illustrer ce constat amer. En effet, l’un des raccourcis les plus sûrs pour passer de l’indigence à l’opulence la plus ostentatoire, semble celui des marchés publics. La seule contrepartie exigée pour opérer cette ascension sociale fulgurante et épique est de vendre son âme au diable en liant son destin à celui des princes qui nous gouvernent. Tant que l’on est dans cette posture, l’on peut tout se permettre dans l’exécution des marchés publics pour engranger le plus de bénéfices possibles aux dépens, bien sûr, de la qualité des prestations. Et ce sont les populations qui en paient le prix fort. A l’arrivée, c’est le développement de nos pays qui se trouve ainsi hypothéqué par ces vampires qui ne se lassent jamais de sucer le sang du peuple. Leur mode opératoire est connu : ils s’accaparent de tous les marchés publics juteux à la faveur du climat d’incurie et de passe-droits entretenu à dessein par leurs alliés naturels, c’est-à-dire, les dictateurs qui écument nos tropiques et qui, visiblement, souffrent du  syndrome d’Hubris, du nom de cette maladie du pouvoir caractérisée par le  narcissisme , le mensonge, le cynisme et l’égotisme. De ce point de vue,  ces vampires qui s’affublent du titre d’opérateurs économiques, sans le moindre  scrupule, exécutent de façon on ne peut plus, calamiteuse, les marchés publics dont ils ont été adjudicataires à la suite d’un rituel éhonté dont seules les républiques bananières  ont le secret. Dès lors, ils s’adonnent ad libitum aux pratiques nauséeuses suivantes. Il y a d’abord la surfacturation. De ce fait, la marge entre le coût réel des biens ou des services et celui qui figure sur les factures pro-forma donne simplement le vertige tant elle est abyssale. Mais cela n’émeut pas outre mesure les gouvernants censés incarner l’intérêt général. L’on peut ensuite évoquer cette autre pratique, non moins scandaleuse, de ces sangsues, qui consiste à livrer à l’Etat, au vu et au su de tous, des produits de moindre qualité par rapport à ceux qui sont officiellement annoncés.

Il est impératif d’effectuer une rupture profonde dans la gouvernance des pays

A ce sujet, l’on peut noter que la chronique actuellement au « Pays des Hommes intègres » est défrayée par une affaire dite « des moustiquaires imprégnées ». A ce que l’on raconte, des moustiquaires défectueuses ont été livrées à l’Etat à l’époque où Blaise Compaoré était aux affaires, dans le cadre d’un marché public dont le bénéficiaire n’est autre qu’un opérateur économique proche du clan présidentiel. N’eût été le changement de régime, l’on pourrait parier que cette affaire, comme tant d’autres, n’aurait jamais été ébruitée. L’on peut aussi évoquer le phénomène de la pratique des avenants par le truchement de laquelle on modifie par un acte écrit, les clauses primitives d’un contrat dans une intention frauduleuse. A ces pratiques dont les conséquences sont désastreuses pour le développement, l’on peut ajouter le phénomène des éléphants blancs. Dans certains cas, ces réalisations n’existent que sur le papier alors que l’argent sorti des caisses de l’Etat pour les exécuter, a bel et bien été empoché. Ce sont ces genres de pratiques qui expliquent en partie le fait que bien des pays africains portent le bonnet d’âne dans le classement opéré chaque année par le programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Pour inverser la tendance, il est impératif d’effectuer une rupture profonde dans la gouvernance des pays où ces pratiques ont cours. Celle-ci devrait consister à mettre fin aux accointances mafieuses entre le monde politique et celui des affaires et à impliquer les organisations de la société civile africaine dignes de ce nom, dans le processus de passation des marchés publics et dans le suivi de  leur exécution. Ce faisant, l’on peut être sûr que ceux qui conçoivent la politique comme un business et qui ne s’y engagent que pour des intérêts bassement matériels, en scellant des alliances avec les opérateurs économiques indélicats, se verront obligés de revoir leur copie. Du coup, la démocratie grandira en Afrique et le développement, par voie de fait, sera alors possible. Cette perspective, les satrapes d’Afrique feront tout pour qu’elle ne voie jamais le jour. Car elle les priverait des services de deux de leurs meilleurs alliés pour s’accrocher au pouvoir : l’opacité qui entoure le processus de passation des marchés publics et leur exécution exécrable par des hommes et des femmes qui ont mis un point d’honneur à les accompagner dans leur politique méthodique de spoliation des populations. Toute chose qui hypothèque gravement notre développement.

Sidzabda


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