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MEDIATION ENTRE BAMAKO ET LES GROUPES ARMES DU NORD :  La MINUSMA marche sur des œufs


 

Suite au regain de tension ces dernières semaines entre les parties signataires de l’accord d’Alger, la médiation et la Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) ont organisé, le 23 août 2015 à Bamako, une réunion de crise regroupant les autorités maliennes et les différents groupes armés du nord du pays. L’objectif de cette rencontre est de colmater les brèches ouvertes dans l’accord de paix signé sous l’égide de l’Algérie, après les escarmouches enregistrées à Touzek, le 15 août dernier, entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et le Groupe d’auto-défense des Touaregs Imghads et alliés (GATIA), proche de Bamako. Ces combats, faut-il le rappeler, ont tourné à l’avantage du GATIA qui a réussi à reprendre à la CMA,  la ville d’Anéfis située à 112 km de Kidal, capitale régionale et fief des ex-rebelles indépendantistes. Il n’en fallait pas davantage pour rappeler à la médiation et à la Minusma que dans ce Nord-Mali où les problèmes sécuritaires croissent de façon exponentielle en complexité et en nombre, il faut éviter qu’une mèche allumée par des pyromanes de la paix ne vienne compromettre (pour de bon ?) une paix somme toute encore fragile, mais que les principaux protagonistes se sont laborieusement engagés à instaurer avec le soutien et la bénédiction de la communauté internationale. Surtout qu’à l’issue de la rencontre de Bamako, les groupes armés ont annoncé la suspension de leur participation aux travaux du comité de suivi des accords de paix d’Alger. Cela ne présage rien de bon pour le Mali. L’interposition de la Minusma, qui a  stoppé la fulgurante avancée de la milice pro-gouvernementale du GATIA vers Kidal, s’inscrit vraisemblablement dans le souci de la mission onusienne de « sécuriser » les populations de cette localité et de ses environs, et de ramener les différentes parties à la table des négociations. Travailler à régler les problèmes du septentrion malien par des pourparlers est certes plus sage que vouloir le faire à coup de canons, mais il y a à craindre que ces derniers soubresauts ne soient des signes avant-coureurs de l’échec de ce que nous avions qualifié dans ces mêmes colonnes, de « paix à marche forcée ». Beaucoup d’observateurs et même certains Maliens se sont laissés, en effet, abuser par la rhétorique selon laquelle la guerre au Mali trouve son fondement dans l’appauvrissement et l’abandon du Nord du pays par les autorités centrales de Bamako. L’isolement au propre comme au figuré du septentrion malien est peut-être l’une des pièces du puzzle, mais il ne saurait expliquer à lui seul la récurrence des frondes militaro-sociales qui tirent cette partie du Mali vers le bas, malgré les milliards de francs CFA investis ou plutôt engloutis dans le développement de ces régions, au nom de la paix et de la stabilité de l’ensemble du pays. Il faut croire que les problèmes du Nord-Mali sont d’abord « endogènes » et il faut, par conséquent, songer avant tout à rabibocher les différents groupes et sous-groupes ethniques qui peuplent les trois régions septentrionales que sont Gao, Tombouctou et Kidal la frondeuse, si l’on ne veut pas qu’elles s’embrasent à la moindre étincelle allumée par des pyromanes en mal de notoriété.

Le problème du Nord malien restera entier aussi longtemps qu’on ne le prendra pas par le bon bout.

Pour combien de temps la médiation pourra-t-elle encore endormir le volcan ?

Que fait la Médiation pour réconcilier les Touaregs du MNLA et les arabes du MAA  qui se vouent aux gémonies, depuis que les premiers ont vandalisé les échoppes des arabes maliens dans la localité d’Al-Khalil en mars 2013 ?

Qu’a fait la MINUSMA qui n’a même pas daigné informer Bamako avant de procéder à la « bunkérisation » de Kidal, quand des éléments armés touaregs ont attaqué des populations sédentaires Sonraï, dans la bourgade de Gossi ? Absolument rien, sauf à mettre à jour sa comptabilité macabre !

La signature de l’accord de paix inter-malien a-t-elle empêché les affrontements survenus entre éleveurs Peuls et cultivateurs Dogons,  le 15 juillet dernier dans la commune rurale de Mondoro, ayant causé la mort d’une demie douzaine de personnes ?

Les adeptes de la fuite en avant diront qu’il s’agit-là de problèmes isolés dont la solution doit venir des autorités de Bamako. Certes, la sécurisation des populations vivant à l’intérieur de son territoire, est l’une des prérogatives du gouvernement  malien, mais dans des régions où l’Etat a pris la poudre d’escampette en même temps que son armée, peut-on ou doit-on encore invoquer ces missions régaliennes  pour dédouaner les forces onusiennes présentes sur le terrain pour justement assurer et maintenir la paix ? Non ! Et en un mot comme en mille, on aura beau multiplier les médiations, le problème du Nord malien restera entier aussi longtemps qu’on ne le prendra pas par le bon bout.  Et la meilleure manière d’aider le Mali, qui est actuellement pris à la gorge dans le delta du Niger et même plus au Sud par des islamistes de tous bords, à régler durablement l’épineuse question du Nord, c’est d’organiser une rencontre entre les principaux acteurs de cette partie du pays afin de taire les rivalités à relents ethniques et ipso facto, « d’endormir le Niragongo social », qui profitent à tous ceux qui n’ont pas intérêt à ce que l’Etat malien exerce sa souveraineté sur cette zone dont ils se servent comme d’une caverne d’Ali Baba. Brûler cette étape cruciale pour la cohabitation pacifique de l’ensemble des populations du Nord et vouloir coûte que coûte d’une paix durable dans cette partie du pays, serait illusoire et totalement insensé. On aurait tout simplement enterré le cadavre en laissant ses pieds dehors, à la merci d’éventuels prédateurs.

Haamadou GADIAGA


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