HomeA la uneMENACE DE SANCTIONS ONUSIENNES CONTRE LES PROTAGONISTES DE LA CRISE MALIENNE : Effet d’annonce ou annonce sans effet ?

MENACE DE SANCTIONS ONUSIENNES CONTRE LES PROTAGONISTES DE LA CRISE MALIENNE : Effet d’annonce ou annonce sans effet ?


Au Mali, l’ONU veut sanctionner les acteurs qui auront été identifiés comme étant les ennemis de la paix. En tout cas, c’est la position de la France et des Etats-Unis, qui ont été on ne peut plus clairs sur la question, le 11 avril dernier, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur le Mali. Relativement à l’application de l’accord de paix d’Alger signé en 2015, l’ambassadeur français à l’ONU, déclare : « les retards conséquents nous conduisent à devoir aller plus loin. La France engagera avec ses partenaires, dès les semaines prochaines (…), un travail visant à identifier ceux qui font obstruction à la mise en œuvre de l’accord de paix ». Abondant dans le même sens, son homologue américain renchérit : « Aucun progrès substantiel n’a été réalisé dans l’application de l’accord et nous souhaitons travailler avec nos partenaires pour identifier les responsables et prendre les mesures qui s’imposent ».

On s’est souvent trouvé pris dans une sorte de danse du tango

Mais Paris et Washington ne sont pas les seuls à être agacés par la lenteur dans l’application de l’accord d’Alger. De nombreux autres pays comme l’Ethiopie ou encore les Pays-Bas, sont sur la même longueur d’onde. Toutefois, la Russie a un son de cloche dissonant. En effet, après avoir pointé du doigt la responsabilité des Occidentaux dans la survenue du « chaos »libyen suite à l’élimination physique du Guide de la Jamahiriya, Moscou pense que « l’utilisation directe de sanctions doit être une mesure de dernier recours ». Et de mettre en garde contre toute « hâte » qui serait, à son avis, contreproductive. D’ores et déjà, l’on peut saluer l’initiative de mettre la question de l’application de l’accord d’Alger au centre des préoccupations de la communauté internationale, pour ramener la paix au Mali. Et il est désormais clair que si les choses piétinent autant sur le terrain, cela est essentiellement dû à la mauvaise foi des protagonistes. Et ce coup de semonce de l’ONU, en est la confirmation. Du reste, c’est quelque chose qui se savait et se disait depuis longtemps. En effet, dans la difficile mise en application du fameux accord censé sortir le Mali de sa crise, l’on a souvent vu certains acteurs et pas des moindres tenir un langage lénifiant le jour et poser, le lendemain, des actes aux antipodes de leur déclaration de la veille. Tant et si fait que l’on s’est souvent trouvé pris dans une sorte de danse du tango, où l’on fait un pas en avant aujourd’hui et deux pas en arrière le lendemain ; les protagonistes se renvoyant sans cesse la balle. Dans ces conditions, comment pouvait-on espérer des progrès, quand on sait que la confiance n’était pas la chose la mieux partagée entre les protagonistes ? C’est pourquoi l’on ne peut que se réjouir de cette initiative onusienne, qui vise à lever les obstacles à la paix au Mali. Toutefois, on se demande si ces tiraillements et autres divergences de vues au sein même de l’institution internationale, ne vont pas nuire au projet et partant, au processus de paix qui risque de ne jamais connaître le coup d’accélérateur escompté. Du reste, au regard des arguments avancés et de l’antagonisme des grandes puissances dans le monde, il est à craindre que bien plus que la détresse du peuple malien, ce soient par leurs intérêts que les grandes puissances se laissent guider dans le dossier malien.

Tant que les grandes puissances auront une position ambiguë sur la question du Mali, la paix sera une arlésienne dans ce pays

C’est pourquoi l’on peut aussi se demander si cette menace de sanctions onusiennes est un effet d’annonce, ou une annonce qui risque de rester sans effet au point que l’on peut craindre une persistance du statu quo. En tout cas, outre les désaccords au sein même de l’instance onusienne, c’est la nature même des sanctions envisagées qui est sujette à caution. En effet, si ce sont seulement le gel des avoirs et les interdictions de visas et de voyager qui sont envisagées comme sanctions contre les contrevenants, l’on se demande si elles seront assez dissuasives et contraignantes pour ramener les brebis galeuses sur le droit chemin. L’on peut en douter. Car, des avoirs, rien ne dit que les contrevenants en ont à portée de main des « sanctionneurs ». Et qui aussi qu’ils ont un quelconque intérêt à voyager vers des destinations contrôlées par ces derniers ? C’est dire si au bout du compte, ces sanctions peuvent s’avérer inopérantes. En tout état de cause, depuis la signature de l’accord de paix, si la communauté internationale avait fait preuve de fermeté vis-à-vis des différents protagonistes, peut-être aurait-on déjà observé des avancées significatives dans le processus de sortie de crise. Malheureusement, avec le laxisme parfois teinté d’indulgence voire de complaisance qui, souvent, a caractérisé son action au Mali, l’on se demande si ceux qui crient aujourd’hui au loup, veulent vraiment de la paix dans ce pays. En tout cas, quand des partenaires comme, par exemple, la France, sont eux-mêmes soupçonnés de connivence avec certains groupes armés rebelles comme  la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) qui est pourtant vue par Bamako comme les véritables ennemis de la paix au Mali, l’on se demande comment Paris pourrait venir faire la morale ou jouer aux justiciers si ces allégations s’avèrent fondées. Il lui appartient donc de clarifier la situation. Autrement, l’on serait fondé à croire que tant que les grandes puissances auront une position ambiguë sur la question du Mali, la paix sera une arlésienne dans ce pays.

 « Le Pays »


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