MESURES FORTES PRISES PAR ADO : C’est la Côte d’Ivoire qui gagne
Chez les adversaires politiques d’Alassane Ouattara, c’est la soupe à la grimace depuis le discours à la Nation de ce dernier en prélude au 62e anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, dans lequel il a annoncé une batterie de mesures en faveur de ses compatriotes pris en tenaille par une flambée vertigineuse des prix des produits de première nécessité. Les détracteurs du président ivoirien sont certainement tombés du placard en écoutant ce dernier égrener fièrement les avantages et les faveurs accordés notamment aux fonctionnaires, aux militaires, à Laurent Gbagbo et à deux de ses fidèles, rien qu’en imaginant les dividendes politiques qu’Alassane Ouattara engrangerait après avoir dévoilé ce paquet de mesures salvatrices. Si pour les uns, c’est une opération-séduction dans la perspective des élections à venir, pour les autres, ce n’est ni plus ni moins qu’une escroquerie morale de la part du président Ouattara qui surfe sur la ‘’galère’’ des travailleurs ivoiriens pour terminer sereinement son controversé mandat, en leur concédant quelques subsides. Tous ont peut-être raison, mais il ne faut pas oublier que ces mesures fortes viennent acter la trêve sociale que le gouvernement et les syndicats vont officiellement conclure en principe à la fin de ce mois d’août, et ce jusqu’en 2027. Rappelons qu’un accord similaire avait été signé pour 5 ans par les deux parties en 2017, afin d’instaurer et de maintenir une paix sociale durable et propice au développement économique du pays. Ce n’est donc pas un ‘’cadeau’’ du très généreux Alassane Ouattara à l’endroit d’une frange importante de la population ivoirienne comme le font croire certains membres de la coalition au pouvoir, mais plutôt le prix à payer aux syndicats des travailleurs pour éviter à la Côte d’Ivoire des grèves qui compromettraient sa croissance économique.
L’heure est à la réconciliation tous azimuts
En tout état de cause, ce « deal » qui ne dit pas son nom et qui est qualifié « d’escroquerie morale » par le Syndicat pour la revalorisation des enseignants du secondaire de la Côte d’Ivoire, va augmenter le capital de sympathie dont jouit le président ivoirien auprès de ses compatriotes, qui voient de plus en plus en lui un patriote soucieux du développement économique et social de son pays, et un apôtre de la paix et de la réconciliation nationale, après avoir été longtemps considéré comme un pyromane ou un boutefeu qui est prêt à brûler la Côte d’Ivoire pour chauffer son café, pour paraphraser le défunt journaliste burkinabè, le célébrissime Norbert Zongo. Le président Ouattara va certainement les en convaincre davantage, avec l’autre mesure emblématique qu’il a prise dans la nuit du 6 au 7 août, celle de la grâce présidentielle qu’il accorde à son prédécesseur Laurent Gbagbo, condamné par la Justice ivoirienne à 20 ans de prison pour avoir fait ouvrir les coffres de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest en pleine crise post-électorale, en 2011. Il ordonne, dans la foulée, le dégel des comptes de Gbagbo, et le paiement des arriérés de ses rentes viagères qui se chiffrent à près de 2 milliards de F CFA. Toujours sur le chemin de la décrispation du climat sociopolitique, Alassane Ouattara a décidé d’embarquer deux grandes figures de l’appareil sécuritaire sous la présidence de son prédécesseur, c’est-à-dire le vice-Amiral Vagba Faussignaux et le Commandant Jean-Noël Abehi, en laissant toutefois en rase campagne l’ex- commandant de la garde républicaine, le Général Bruno Dogbo Blé, et l’ancien aide de camp de l’ex-Première Dame, le sulfureux commandant Anselme Séka Séka. Vagba Faussignaux et Jean-Noel Abéhi sont donc désormais en liberté conditionnelle du fait du prince, en attendant que d’autres acteurs politiques ou militaires de la crise post- électorale viennent peut-être grossir les rangs des Ivoiriens réconciliés après une décennie de guerre absurde. Seule fausse note dans le « djandjoba » des retrouvailles entre ennemis d’hier, c’est l’absence, ce 7 août à Yamoussokro, de Laurent Gbagbo et de Henri Konan Bédié pour la cérémonie commémorative de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, alors qu’ils y étaient tous deux dûment invités par le président Ouattara. Espérons qu’ils n’ont pas snobé la cérémonie parce qu’il y a un malaise politique en toile de fond, et qu’ils ne montrent pas, par cette absence très remarquée, qu’ils ne vont pas aller plus vite que la musique, tant que tous les « danseurs » de la crise de 2011 ne seront pas sortis de prison. En attendant que des sachants viennent donner les raisons de ce faux bond, les Ivoiriens des villes et des campagnes ont fêté pour la 62e fois dans la joie et dans l’allégresse, leur indépendance, avec une cérémonie riche en couleurs à Yamoussokro, en présence évidemment d’Alassane Ouattara et de ses deux invités de marque, les présidents libérien, Georges Opong Weah et bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo. La présence de ce dernier ainsi que celle de l’ancien vice-président de la Côte d’Ivoire, Daniel Kablan Duncan, dans la tribune officielle aux côtés du président Ouattara, est la preuve que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et qu’après la tempête des échanges vifs et vérolés, le temps est désormais beau entre Duncan et son ancien patron, et surtout entre Abidjan et Bissau dont la relation avait sérieusement pris un coup avec le 3e mandat du natif de Kong. L’heure est donc à la réconciliation tous azimuts, et c’est la Côte d’Ivoire tout entière qui gagne, du moins si les vieux démons ne refont pas surface comme d’habitude, à l’orée des prochaines échéances électorales prévues pour 2025.
Hamadou GADIAGA