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MINES AU BURKINA : L’activité plombée par la corruption selon le REN-LAC


Ceci est en substance l’état de la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso, selon le rapport de l’étude sur « Les perceptions et présomptions de la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso ». Cette étude commanditée par le REN-LAC, laisse entrevoir les différentes pratiques qui plombent le développement du secteur des mines.

 

Depuis 2009, l’or est devenu le premier produit d’exportation du Burkina Faso. La contribution du secteur aurifère en termes de mobilisation de recettes, a connu un accroissement, passant de 9 milliards de F CFA en 2008 à 191,408 milliards de F CFA en 2013. Au regard de son importance dans l’économie du pays, le Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) a commandité une étude sur « les perceptions et les présomptions de la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso ».

 

Publiée en décembre 2015, l’étude fait des révélations sur l’ampleur de la corruption dans ce secteur. L’or du Burkina pourrait mieux profiter aux citoyens et pourrait constituer un facteur de développement si le secteur n’était pas miné par la corruption.

 

Comment se manifeste la corruption dans le secteur ?

 

Au moment de la collecte des données en 2013, le Burkina Faso comptait 15 permis d’exploitation industrielle dont 12 permis d’exploitation de l’or, 02 permis d’exploitation du manganèse et un permis d’exploitation du zinc. Le secteur se caractérise aussi par l’exploitation artisanale et l’exploitation semi-mécanisée.

 

Des sociétés minières ont obtenu des autorisations ou titres miniers sans avoir suivi la procédure en la matière

 

Le cas le plus souvent cité est celui de SOMIKA de Adama Kindo, que le magazine Africa Mining paru en avril 2013, a surnommé le « Roi de l’orpaillage » parce qu’il détiendrait une vingtaine de titres d’exploitation artisanale et une trentaine de licences d’exploration dans le Nord et l’Ouest du pays, en violation flagrante de la loi.

L’étude rapporte aussi des témoignages de personnes-ressources et de certaines victimes de la corruption. « Durant la période 2000 à 2007, le ministre des Mines exigerait le paiement d’un minimum de 10 millions de F CFA pour la signature d’un permis d’exploitation industrielle ». Ainsi, « pour l’octroi du permis d’exploitation semi-mécanisée de Bouda, la société Pinsapo aurait déboursé 2 millions de F CFA », peut-on lire dans le rapport d’étude.

Africa Mining, dans sa livraison d’avril 2013, apporte d’autres informations : « Au Burkina Faso, pour être du secteur des Mines, il faut être du clan présidentiel ou avoir été ministre des mines. Si tel n’est pas le cas, il faut être proche de la famille présidentielle ».

A ce propos, on peut citer l’exemple d’un accord signé successivement avec plusieurs sociétés minières concernant le même projet minier, sans dénonciation préalable de l’accord signé avec la société précédente. C’est le cas du projet d’exploitation du manganèse de Tambao.

En octobre 2012, la Chambre de commerce internationale de Paris a décidé de procéder à l’arbitrage du conflit qui opposait Wadi Al Rawda Industrial Investments à l’Etat burkinabè, suite à la rupture unilatérale du contrat sur le projet Tambao. Mais le gouvernement a préféré négocier avec Wadi qui réclamait 2 millions de dollars soit environ un milliard de francs CFA, rapporte l’étude. Un nouveau protocole sera signé avec Général Nice ressources (GNR), mais cette société sera une fois de plus chassée du site de Tambao suite à une rupture unilatérale du contrat. Un troisième protocole a été signé avec Pan African Burkina pour l’exploitation du manganèse de Tambao. Les investigations menées auprès des personnes-ressources indiquent que Pan African Mineral aurait versé un «droit d’entrée» de 5 milliards de francs CFA. L’argent versé a transité par le compte de la direction générale des Douanes pour ensuite être viré dans celui du Trésor.

 

L’exploitation semi-mécanisée est aussi victime de retraits arbitraires de permis. L’étude cite « le retrait arbitraire de 2 permis de recherche (Douloumba Est et Douloumba Ouest, dans la province du Noumbiel) et leur attribution à une autre société, alors que le premier titulaire a respecté ses obligations en matière d’exécution des travaux de recherche et de paiement des droits et taxes sur les titres miniers. Le retrait arbitraire du permis de recherche « Tourouba » (province du Sourou) et son attribution à une autre société minière à l’insu du titulaire et le retrait arbitraire du permis semi-mécanisé de Boungou (province de la Tapoa) à l’insu de son titulaire et son attribution à une autre société sous forme de permis de recherche ».

Des sociétés ont bénéficié d’exonérations, alors qu’elles n’y avaient pas droit. C’est le cas dans l’achat de carburants et lubrifiants acquis hors taxes par plusieurs sociétés d’exploration minière et dont la destination a été détournée pour des chantiers autres que des travaux de recherche sur leurs permis. Ces cas sont fréquents (entreprises Kanazoé et Fils, Les entreprises d’Alizeta Gando, belle-mère de François Compaoré, lui-même frère cadet de Blaise Compaoré, etc.) lorsqu’on met surtout le projecteur au niveau des sociétés nationales.

 

L’impunité favorise la corruption dans le secteur minier au Burkina Faso

 

Interrogées sur la question, des personnes ont estimé que les agents publics sont poussés vers le lucre et la corruption, principalement à cause de leurs bas salaires. A cela s’ajoute la recherche des gains faciles pour une amélioration de leur bien-être. Pour certaines personnes, la faible intégrité de certains agents publics explique leur corruptibilité. La cupidité, l’impunité ou l’absence de sanctions des actes de corruption, la recherche du pouvoir, les conditions de vie difficiles et la quête sans cesse de moyens pour boucler les fins de mois sont, entre autres, des raisons qui poussent les agents publics à la corruption. La persistance du phénomène témoigne du caractère non dissuasif des sanctions prévues par la loi selon certains enquêtés qui estiment que la faiblesse ou le manque de rigueur dans l’application des sanctions des actes de corruption et l’absence de transparence dans la chaîne de production et de commercialisation des mines, incitent à plus de corruption.

Au regard de tous ces constats, le REN-LAC a formulé des recommandations dans le sens du renforcement des structures chargées du contrôle des activités minières au Burkina Faso, qui vont du recrutement et de la formation d’ingénieurs et techniciens, l’acquisition d’équipements pour ces mêmes services à l’élaboration et l’adoption d’un statut spécial pour le personnel de la géologie et des mines. Ce statut devra contenir des éléments de motivation des agents (indemnités en cas de déplacement sur le terrain, etc.). La déconcentration des structures du ministère des Mines, à travers la création de directions régionales qui assurent un suivi rapproché des activités minières et qui renforcent l’implication des acteurs locaux dans le secteur minier, a également été proposée.

Dans l’optique de dissiper cette immense présomption de corruption qui pèse sur la liquidation des royalties, le comité devant participer à la pesée du produit minier doit être élargi, notamment à des acteurs non étatiques. Enfin, l’étude recommande d’inviter et d’encourager les sociétés minières à créer en leur sein des organes chargés de lutter contre la corruption.

 

Le Secrétaire exécutif du REN-LAC, Claude Wetta

Vous pouvez télécharger cette étude sur le lien suivant :  http://renlac.com/autres/

 


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