HomeA la uneMISE EN PLACE DE LA FORCE INTERNATIONALE CONTRE BOKO HARAM : Une arlésiéenne ?

MISE EN PLACE DE LA FORCE INTERNATIONALE CONTRE BOKO HARAM : Une arlésiéenne ?


 

La force multinationale chargée de lutter contre la secte islamiste Boko Haram, comptera 8 700 hommes venant du Nigeria, du Tchad, du Cameroun, du Niger et du Bénin. Au moment où les décisions se prenaient au pays d’Idriss Déby, le général Tukur Buratai, chef de l’armée nigériane, sortait indemne d’une embuscade. Une fusillade s’en est suivie, faisant onze morts et des blessés. Abubakar Shekau et ses hommes voudraient narguer la force multinationale qu’ils n’agiraient pas autrement.

En tout cas, le message est clair : les soldats béninois, nigériens, camerounais, tchadiens et nigérians n’ont qu’à bien se tenir. Boko Haram les attend de pied ferme.

Après des mois d’attentisme, d’annonces et d’opérations de communication sans action véritable sur le terrain, la force internationale dont on espérait qu’elle irait vite au front, a donné à la secte nigériane suffisamment de temps pour se préparer dans le sens plénier du terme. Or, en réalité, l’état d’avancement de la mise en pratique d’une stratégie de lutte contre les islamistes du Nord du Nigeria, est au bas  niveau. Les Etats directement concernés, à commencer par le Nigeria du général Buhari, ont surtout plus brillé par le tapage médiatique que par l’opérationnalisation de la lutte contre Boko Haram qui devrait se faire sans délai. Maintenant que la force multinationale semble sur le point de départ, peut-on considérer que la guerre contre Boko Haram aura lieu ? Question simple, mais aux réponses problématiques.

Beaucoup de questions restent à résoudre

Car en plus d’avoir trop attendu et laissé son adversaire terroriste reprendre du poil de la bête, la force militaire sous-régionale n’a pas donné de délai pour son déploiement effectif sur le terrain. Besoins stratégiques ou problèmes de coordination ? En tout cas, à la question du déplacement, s’ajoute l’équation du financement de cette force. Jusqu’à présent, le financement des opérations est supporté par des contributions nationales. Et la situation socioéconomique des pays pourvoyeurs de troupes, n’incite pas à l’optimisme. Le Nigeria vit dans un contexte socioéconomique et sécuritaire des plus chaotiques. Des difficultés qui, dans le nord du pays, ont fini par rendre Boko Haram plus dangereux. Le Tchad et le Cameroun ont déjà énormément dépensé dans cette guerre contre les islamistes. Le Niger, lui, même en temps de paix, a de sérieux ennuis économiques ; la donne Boko Haram ne fait que rendre encore plus problématique la situation. Le Bénin de Yayi Boni, comparativement aux autres, ne contribue qu’à hauteur de 750 hommes, mais la guerre lui coûtera aussi beaucoup. Sans oublier que ces pays sont également contributeurs dans d’autres théâtres d’opérations militaires.

Face à la précarité économique de ces pays, l’apport de l’Union africaine (UA) et des partenaires occidentaux est très attendu et indispensable. Au niveau de l’UA, un mécanisme de financement de telles opérations militaires existe, mais encore faut-il que le montant alloué corresponde aux besoins et que la lourde bureaucratie qui la caractérise, ne perturbe pas le déblocage des fonds s’ils existent. Sur le plan international, notamment aux niveaux des Etats-Unis et de l’Union européenne, nul ne peut contester leurs engagements politiques, techniques, financiers et logistiques dans des opérations du même type contre les islamistes. Seulement, peut-on espérer un soutien à la hauteur du péril Boko Haram si l’on sait que, déjà, ces pays occidentaux ne sont pas épargnés par la dépression économique ? Mais on sait que l’opérationnalisation de la force multinationale ne peut pas se faire sans une contribution occidentale et onusienne et que la motivation financière constitue un élément fondamental dans l’engagement des troupes des différents pays. Sans cela, l’action militaire risque de faire long feu et Shekau pourrait se réjouir d’une débandade militaire de la coalition. En clair, beaucoup de questions restent à résoudre de façon urgente, pour que la force multinationale soit opérationnelle et dans les meilleurs délais. Boko Haram, lui, est prêt depuis longtemps et s’impatiente, tout en continuant à perpétrer sporadiquement, ses coups d’éclat meurtriers.

Michel NANA


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