MISE EN PLACE DE L’AUTORITE NATIONALE DE COORDINATION DU FONCIER : Pourvu que les fruits tiennent la promesse des fleurs !
Le Conseil des ministres, en sa séance du 21 février 2024, a acté la création de l’Autorité nationale de coordination du foncier (ANCF). Selon le porte-parole du gouvernement, cette nouvelle structure qui fait son apparition dans le paysage institutionnel du Burkina Faso, aura pour mission de coordonner et surtout d’accélérer tous les processus en cours en terme de digitalisation de la gestion du foncier. En attendant de voir si les fruits tiendront la promesse des fleurs, l’on peut déjà saluer le courage du gouvernement de Transition qui a décidé de donner un nouveau coup de pied dans la fourmilière de la question de la terre au Burkina Faso avec la volonté nettement affichée de favoriser l’apurement du passif foncier et de créer les conditions d’une grande transparence dans le secteur. Et cela, sans nul doute, dans la même dynamique que les deux précédents signaux forts qui avaient déjà été envoyés par l’Exécutif burkinabè à travers l’adoption d’une part, de la nouvelle loi sur la promotion immobilière et d’autre part par l’opération spéciale de contrôle et de retrait des terrains à usage autre que d’habitation. On le sait, en effet, qu’il s’agisse du foncier urbain ou du foncier rural, le Burkina Faso était à la croisée des chemins. Certains analystes en étaient même arrivés, de ce fait, à prédire une troisième insurrection dans l’Histoire du pays, liée à la question foncière. C’est donc dire qu’en prenant le taureau par les cornes à travers la création de l’ANCF, c’est une véritable bombe sociale que le gouvernement tente de désamorcer.
Il vaut mieux prévenir que guérir
Cela dit, c’est peu que d’affirmer que la tâche de l’ANCF ne sera pas de tout repos. En effet, en milieu urbain, elle aura, non seulement à gérer le scandale des lotissements sous le régime de Blaise Compaoré où des élus locaux s’étaient indument taillé la part du lion, mais aussi à régler la question de l’accaparement des terres péri-urbaines par des promoteurs immobiliers qui, usant de différentes stratégies, ont dépossédé les populations des grands centres urbains de leur seul capital pour finalement les clochardiser. En milieu rural, la tâche n’en sera pas moins ardue dans la mesure où les grosses fortunes de la ville, ont fait main basse sur les terres agricoles, en s’accaparant de milliers d’hectares au détriment des paysans. C’est donc dire que c’est un véritable front que le capitaine Ibrahim Traoré a décidé d’ouvrir contre ceux qui avaient fait du foncier au Burkina Faso, une vache à lait. Et ce combat, il faut le dire, n’est pas gagné d’avance. Car, à bien des égards, il ressemble à celui de David contre Goliath. Cela dit, il faut aussi saluer l’option de la digitalisation du foncier prise par le gouvernement et qui a fait ses preuves ailleurs. Elle permettra, en plus de la transparence dans la gestion du foncier, une plus grande équité dans l’accès à la terre. Ceci étant, l’on peut avoir quelques inquiétudes quant aux chances de succès de l’ANCF dans un pays où la terre n’appartient pas à l’Etat et où la gestion foncière est régie par les coutumes qui, elles-mêmes, n’ont pas parfois réussi à vider tous les litiges. Ce faisant, l’on peut bien se demander si les efforts de transparence de la nouvelle Autorité ne viendront pas réveiller certains conflits latents et mettre le feu aux poudres au Burkina Faso. Mais l’on convient qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Et tout le mal que l’on souhaite à l’ANCF, est qu’elle réussisse sa mission qui est d’éloigner le Burkina Faso du sceptre de la guerre du foncier.
Sidzabda