MISE EN PLACE DU BUREAU DE L’ASSEMBLEE EN RDC: Le tout n’est pas d’avoir une nouvelle majorité
Le 3 février dernier, marquait la fin de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale congolaise ouverte depuis début janvier. Le clou de la journée a été sans doute la mise en place du nouveau bureau de la Représentation nationale jusque-là dirigée par un bureau d’âge, après le renvoi sans autre forme de procès, en décembre dernier, de l’ancienne tenante du perchoir, Jeanine Mabunda qui a payé les frais de sa trop grande proximité avec l’ex-président Joseph Kabila. Sans grande surprise, le président temporaire, Christophe Mboso, qui était candidat au poste de président définitif de l’Assemblée nationale pour la nouvelle coalition « tshisekediste », l’Union sacrée, a été élu pour le reste du temps du mandat des représentants du peuple congolais. Après avoir réussi le pari de tenir le navire de l’Assemblée qui tanguait et réussi le coup d’éclat d’évincer le Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, ce n’est que juste récompense, pourrait-on dire.
On peut saluer le vent du changement qui souffle désormais sur les institutions congolaises
Avec désormais cette mainmise sur le Parlement par les partisans du président congolais, on sent l’épilogue de la longue crise politique qui paralysait les institutions républicaines depuis qu’un épais brouillard était apparu dans les relations entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, entrainant au passage, le vol en éclats de la coalition entre Front commun pour le Congo (FCC) et le Cap pour le changement (CACH). Il ne reste désormais que la nomination du nouveau chef de l’Exécutif congolais pour que Félix Tshisekedi étreigne pleinement le pouvoir et cela n’est plus véritablement qu’une question de temps.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il faut saluer le génie politique du chef de l’Etat congolais qui est parvenu à déjouer tous les pronostics pour renverser en sa faveur, le rapport de forces qui, à l’origine, était très déséquilibré entre lui et son allié, Joseph Kabila. Usant de tact politique et en toute légalité, il est parvenu à se défaire, sans la moindre violence, de cet allié devenu trop encombrant de par son sulfureux passé et de par sa gloutonnerie qui cachait mal ses intentions de reprendre très vite le pouvoir qu’il a été contraint d’abandoner. En cela, l’on peut dire qu’il est vraiment le fils de son père, le Sphinx de Limette, Etienne Tshisekedi, à l’ombre duquel il a, sans doute, beaucoup appris des manœuvres politiciennes. L’on peut aussi saluer le vent du changement qui souffle désormais sur les institutions congolaises avec ce qu’il peut dorénavant apporter en termes de renouveau dans la gouvernance du pays. On peut le dire, le navire Tshisekedi peut désormais étendre pleinement toutes ses voiles et profiter des forces de ce vent de changement pour avancer au large en gardant cependant bien à l’esprit « qu’il n’y a pas de vents favorables à celui qui ne sait où aller ».
Et c’est bien là, tout le piège. Car, le tout n’est pas, pour le président congolais, de disposer d’une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale mais il faut aussi qu’il puisse la mettre au service de son projet de société et parer au plus urgent, notamment la question sécuritaire dans la région Est du pays que les spadassins ont transformée en véritable cimetière à ciel ouvert. Et en la matière, l’on peut effectivement avoir de sérieuses inquiétudes.
Il n’est pas exclu que les insatisfaits du partage rament à contre-courant
En effet, l’on peut avoir des doutes quant à la solidité de la nouvelle coalition mise sur place par le président Félix Tshisekedi et qui est dominée par des transfuges du camp Kabila qui ont cédé à la menace de la dissolution de l’Assemblée nationale qui les aurait privés de leurs émoluments et avantages alors qu’ils ont peu de chances de gagner une élection transparente. Le risque, à tout moment, d’un retournement de veste au gré des conjonctures politiques, est bien réel. A ce risque, il faut aussi ajouter les immanquables mécontentements que provoque le partage du gâteau au sein de la nouvelle coalition. Car, il n’est pas exclu que les insatisfaits du partage rament à contre-courant. Il faut aussi compter avec l’approche des échéances électorales. L’élection présidentielle est prévue pour 2023 et l’on imagine difficilement des poids lourds de la scène politique congolaise comme Moise Katumbi ou Jean-Pierre Bemba qui ont soutenu la nouvelle coalition juste pour régler leurs comptes avec leur ennemi juré, Joseph Kabila, mettre sous le boisseau leurs ambitions présidentielles. C’est dire donc que le navire Tshisekedi prendra l’eau au fur et à mesure que la ligne des élections commencera à se profiter à l’horizon.
Mais tous ces risques d’implosion qui menacent la nouvelle majorité présidentielle, ne sauraient excuser le président Tshisekedi qui a désormais toutes les cartes en main pour agir. Ces risques constituent même une raison pour agir vite et bien car plus les choses traîneront, plus l’appareil Tshisekedi prendra les allures de l’albatros avec des ailes trop grandes pour s’envoler. Et celui qui devra répondre devant les Congolais et devant l’histoire de cette défaillance technique, c’est bien l’ingénieur qui a mis au point l’attelage. L’urgence à agir vite et bien est d’autant plus grande que l’heure de cette reddition des comptes n’est plus aussi lointaine que cela.
« Le Pays »