MODIFICATION DE LA LEGISLATION SUR LA PRESSE ET L’AUDIOVISUEL EN COTE D’IVOIRE : Faut-il craindre pour la liberté d’expression ?
« Où il n’y a pas de maître, tout le monde est maître. Où tout le monde est maître, tout le monde est esclave», disait Bossuet. L’auteur traduit, par-là, la nécessité d’encadrer la vie en société afin que chacun, dans le cadre des lois établies, puisse s’épanouir en toute liberté. Deux projets de loi sur la presse et l’audiovisuel viennent ainsi d’être adoptés en Côte d’Ivoire. Cela inquiète les blogueurs, les influenceurs et les activistes sur la toile qui craignent une atteinte à leur liberté d’expression. Ils jugent les dispositions du texte très vagues et imprécises. Mais pour le gouvernement, il s’agit plutôt d’adapter la loi à l’évolution des outils de communication, tout en protégeant les mineurs contre certains contenus, et le public contre les discours haineux et xénophobes. On sait, en effet, que les outils de communication ont de redoutables capacités d’orientation de l’opinion, de mobilisation instantanée et de transformation des mentalités à court, moyen et long termes. Il n’y a pas longtemps, un simple post balancé de façon irresponsable, et qui, à tort, prétendait que des Nigériens prenaient à partie des Ivoiriens au Niger, avait suscité une atmosphère anti nigérienne en Côte d’Ivoire. Il fallut l’intervention des autorités ivoiriennes pour détendre l’atmosphère et rassurer la population. De même, juste après la prise de sanctions par la CEDEAO contre le régime de la Transition au Mali, une vidéo faisant croire que des Maliens s’attaquaient à l’ambassade du Burkina à Bamako, a failli embraser la ville de Ouagadougou. On se rappelle aussi tout le mal que la Radio mille collines a fait dans le massacre des Tutsi au Rwanda en 1994. La nécessité de règlementer le domaine se pose donc pour prévenir les dérapages. Dans la presse et la communication comme dans tout domaine, il y a des brebis galeuses prêtes à tout pour atteindre des objectifs inavoués. L’essentiel pour les pouvoirs publics, c’est de veiller à ne pas remettre en cause la liberté d’expression sous le noble prétexte de lutter contre les éventuels dérapages dans la presse. Dans bien des pays du continent noir, malheureusement, les pouvoirs en place n’aiment entendre que leur propre voix. Toute voix discordante, même pertinente, est jugée suspecte et est étouffée.
Libérez Moussa Aksar
Pourtant, les voix discordantes sont parfois des indicateurs qui préviennent des dangers qui encombrent les routes empruntées par les dirigeants. Ce sont des panneaux de signalisation. Les étouffer revient à circuler sur une voie dépourvue de signalisation. Au Niger, par exemple, le journaliste Moussa Aksar est poursuivi en justice pour avoir cité le nom d’un proche du régime au pouvoir, dans une enquête sur les malversations financières au ministère de la Défense. L’enquête pourtant est basée sur des documents et des rapports sérieux qui devraient plutôt être des instruments de soutien à la bonne gouvernance au Niger. C’est donc, en toute logique, que la Cellule Norbert Zongo (CENOZO) pour le journalisme d’investigation demande l’abandon sans condition, des charges retenues contre Moussa Aksar. C’est dire donc que dans la règlementation du domaine de la presse et de la communication, il faut, à la fois, la prudence du caméléon pour éviter tout barbarisme et des atteintes inutiles à la liberté d’expression, et aussi la hardiesse de la lionne pour traquer ceux qui, de mauvaise foi, porteraient atteinte au projet social d’une vie harmonieuse en communauté. Il convient d’admettre que liberté ne signifie pas libertinage et que la règlementation des libertés doit avoir un seul but, l’intérêt général. Ceux qui gouvernent doivent réaliser qu’aucun pouvoir n’est éternel et que seul l’intérêt général est permanent.
Apolem