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MUNICIPALES DU 22 MAI : La présidentielle de 2020 en ligne de mire  


Hier 22 mai 2016, les Burkinabè se sont rendus aux urnes pour la conquête des 368 communes dont dispose le pays, disons 365, puisque pour des raisons liées à la précarité de la sécurité, les élections n’auront pas lieu dans trois de ces communes. Cette décision a été prise par la CENI (Commission électorale nationale indépendante) et ce, après une évaluation faite par les services compétents sur les risques de troubles dans ces localités. Par ces temps qui courent au pays des hommes intègres où la moindre étincelle peut vite se muer en un brasier, l’on peut dire que la CENI a fait le choix de la sagesse en ce sens qu’elle a voulu prévenir plutôt que de courir après coup pour guérir. Cela dit, ce scrutin de proximité, le premier du genre, au Burkina post-Transition auquel participent quatre-vingt-cinq partis politiques et regroupements d’indépendants, revêt bien des enjeux. Le premier est qu’il constitue un double test pour le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré. D’abord, il lui permettra de recevoir le feed-back des communautés à la base sur sa gestion du pouvoir d’Etat, consécutivement au semestre passé à la tête du Burkina. Ensuite, il s’agira de tester la capacité ou non du pouvoir de l’Enfant de Tuiré à tenir une consultation électorale dans un climat de sécurité acceptable.

Ces municipales permettront au pays de prendre le pouls de sa démocratie

En effet, on se souvient que le régime de la Transition avait réussi contre vents et marées, il faut le dire, à relever le défi de la sécurité à l’occasion de la présidentielle et des législatives de novembre dernier. La question donc qui taraude l’esprit des Burkinabè est de savoir si le nouveau pouvoir saura se montrer à la hauteur du tandem Kafando/Zida en matière d’élections. En tout cas, c’est le moindre mal que tous les démocrates dignes de ce nom lui souhaitent. Car autrement, ce serait du gâchis au regard de l’image de pays civilisé que le Burkina avait envoyée à l’Afrique et au monde lors de l’organisation des élections couplées (présidentielle et législatives) de novembre dernier. Le deuxième grand enjeu de ces municipales est qu’elles permettront de mesurer véritablement l’ancrage social des principales formations qui se disputent l’arène politique du pays. Dans l’hypothèse où les urnes parleraient en faveur du pouvoir en place, le régime de l’actuel locataire de Kosyam s’en trouverait conforté. Dans le cas contraire, l’on pourrait parler de vote-sanction. Et ceux qui en jubileront dans ce cas, sont incontestablement les partisans de l’ancien président Blaise Compaoré, qui caressent toujours l’espoir de voir ce dernier revenir au pays en enfant prodigue. Le troisième enjeu est lié au fait que ces municipales se déroulent à un moment où la conscience politique des Burkinabè, peut-on dire, a atteint un niveau jamais égalé de par le passé. Et cela peut se comprendre parce que l’insurrection est passée par là. De ce fait, elle a enfanté des hommes et des femmes nouveaux qui ont la faculté de distinguer le bon grain de l’ivraie. Ces municipales permettront donc au pays de prendre le pouls de sa démocratie. Le dernier grand enjeu de ces municipales, au-delà du fait qu’elles vont permettre aux communautés de s’exprimer démocratiquement à la base, est la très probable  reconfiguration de l’échiquier politique du Burkina Faso. Et dans cette nouvelle donne politique et sans présager des résultats qui sortiront des urnes, l’on peut avoir le sentiment que les partis de l’ex-majorité sous Blaise Compaoré, sous la houlette du CDP (Congrès pour la démocratie et la progrès), pourraient tirer leur épingle du jeu. Les raisons d’un tel pronostic sont liées aux considérations suivantes : d’abord, le CDP a été beaucoup éprouvé par les évènements des 30 et 31 octobre 2014 mais pour autant, sa machine électorale reste redoutable. Par ailleurs, cette formation politique, qui, sous Blaise Compaoré, avait pratiquement le statut de parti-Etat, a eu tout le temps de tisser sa toile d’araignée jusque dans le moindre hameau de culture. De ce point de vue, l’on peut dire que dans les communes rurales, le parti créé par l’enfant terrible de Ziniaré en février 1996, pourrait rafler la mise. La deuxième considération est que le CDP, après sa traversée du désert, a réussi le tour de force de passer de la posture de bourreau sous la Transition à celle de victime aujourd’hui. Ce renversement de rôles sans frais a permis à ses ténors actuels de donner à cette formation, la posture d’un parti nouveau qui a pu se délester de bien des “camarades” à qui ils imputent des dérives du système Compaoré.

Ces municipales représentent un grand intérêt pour les Burkinabè

Au-delà du fait que cette stratégie est de bonne guerre, il faut reconnaître que cet argumentaire a une part de vérité. En effet, le fameux « RSS » c’est-à-dire Roch, Salif et Simon, peut difficilement se laver les mains dans les 27 ans de gestion décriée du système Compaoré. Sans exagération, l’on peut même dire que dans bien des domaines, ils en étaient l’alpha et l’oméga. Dans le domaine précis des prédations opérées dans les lotissements, l’on voit mal comment l’ancien bourgmestre de Ouagadougou, Simon Compaoré, peut se fendre de tirades chargeant le CDP sans prendre le risque de s’éclabousser. La troisième considération qui motive notre pronostic est que le CDP dispose aujourd’hui d’un butin de guerre qui peut lui permettre de faire la différence. Et la mesure de dégel des avoirs que vient de prendre la Justice à l’endroit de certains de ses caciques constitue du pain bénit pour lui pour bien huiler sa machine électorale. Sans oublier que ses principaux mécènes y compris Blaise Compaoré, sont aujourd’hui à un jet de pierre du Burkina. La quatrième considération est que le CDP a pris langue avec l’UPC (Union du peuple pour le changement) et avec ses alliés traditionnels pour former des coalitions dans  certaines localités à l’effet de faire barrage au MPP (Mouvement du peuple pour le progrès). Et cette stratégie électorale pourrait être payante dans bien des communes dont Ouagadougou la capitale. La dernière considération est liée à la gestion peu reluisante des dossiers du coup d’Etat manqué marquée notamment par une cacophonie à propos des mandats d’arrêt. Un autre point noir du pouvoir de Roch pourrait être lié à son incapacité à sortir le pays de la morosité économique dans laquelle il patauge depuis la chute de Blaise Compaoré. Pour toutes ces raisons, l’on peut estimer que ces municipales représentent un grand intérêt pour les Burkinabè.  De ce point de vue, l’on pourrait s’attendre à ce qu’ils ne boudent pas les urnes. Ce d’autant plus qu’elles vont permettre au CDP notamment de mesurer ses chances réelles de revenir aux affaires en 2020, date de la prochaine présidentielle. En tout cas, par rapport à cette éventualité, les patrons du « CDP nouveau » (c’est-à-dire l’actuel CDP piloté par des hommes nouveaux) sont sans ambiguïté ; en témoignent les propos du genre « nous avons été chassés par la rue, nous reviendrons par les urnes ». Si cela devrait arriver de par la volonté du peuple souverain du Burkina, l’on ne peut que s’incliner. Car dans une démocratie digne de ce nom, cela est la seule source de légitimité du pouvoir. En attendant 2020 que semblent déjà lorgner bien des acteurs politiques, tout le monde doit faire en sorte que ces municipales confortent le label de pays démocratique que le Burkina s’est forgé dans la sueur, le sang et les larmes de ses enfants. Il ne faut jamais oublier cela.

« Le Pays »        


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