MUTINERIE DANS UNE PRISON AU TCHAD
Une mutinerie s’est produite le 6 octobre 2019, à la maison d’arrêt d’Abéché, dans l’Est du Tchad. Selon des sources, il y a eu des échanges de coups de feu entre prisonniers dont certains se seraient emparés d’armes à feu, et les agents de sécurité. Le bilan provisoire fait état d’au moins deux morts et de onze blessés. Des prisonniers auraient, dans la confusion générale créée par un incendie volontaire, réussi à prendre le large avant que l’armée ne parvienne, plusieurs heures plus tard, à reprendre le contrôle de la situation. La question que l’on pourrait se poser est de savoir pourquoi on en est arrivé là. En attendant des réponses officielles, certains acteurs invoquent les conditions exécrables dans lesquelles vivaient les détenus. Si cette thèse s’avérait, ce ne serait pas surprenant dans la mesure où le respect des droits de l’Homme semble être le cadet des soucis du prince régnant, Idriss Déby Itno pour ne pas le nommer. En tout cas, ce n’est un secret pour personne que le président tchadien est un véritable prédateur des droits de l’Homme, qui emprisonne à tour de bras ses opposants et autres acteurs qui ne partagent pas la même vision que lui. L’on ne saurait donc rêver de voir son régime accorder un minimum d’égard aux personnes privées de leur liberté. Autant dire que cette mutinerie n’est ni plus ni moins que la rançon de la malgouvernance. Certes, l’on ne saurait encourager de tels actes qui ne sont ni plus ni moins qu’une manière de se rendre justice soi-même. Ce qui est proscrit dans un Etat de droit. Mais dans un pays comme le Tchad où les droits élémentaires des citoyens sont bafoués, où la justice est généralement rendue à la tête du client, les évasions et autres mutineries ne peuvent que constituer aux yeux des détenus, la seule alternative de survie.
Derrière chaque citoyen se cache un prisonnier potentiel, y compris Déby…
En tout cas, Dieu seul sait combien de prisonniers ont dû leur salut à la vitesse de leurs jambes dans la même prison où la règle d’or semble de s’évader ou de périr. Preuve s’il en était besoin, que quelque chose ne tourne pas rond dans cette geôle logée en plein centre-ville. Cela dit, il est regrettable que des prisonniers mus par le désir de recouvrer la liberté, soient envoyés ad patres par la soldatesque du régime Déby. Mais à sa décharge, que pouvait-elle faire face à des prisonniers armés et prêts à vider leurs chargeurs sur toute personne qui tenterait de les dissuader de mettre à exécution leur plan d’évasion? En attendant qu’une enquête indépendante vienne établir la réalité des faits, il y a lieu de prendre la version du pouvoir avec réserve. Car, on ne le sait que trop bien, sous nos tropiques, l’une des parades des satrapes pour se débarrasser de prisonniers gênants, c’est d’avancer la thèse de la tentative d’évasion. D’autant que l’identité des prisonniers tués n’avait pas encore été révélée au moment où nous tracions ces lignes. En tout état de cause, cette mutinerie remet au goût du jour, la question de l’humanisation de nos prisons. Et Deby aurait tort de ne pas en tenir compte d’autant que derrière chaque citoyen, y compris lui-même, se cache un prisonnier potentiel.
Dabadi ZOUMBARA