HomeA la uneNAUFRAGE D’UN BATEAU AU NIGERIA : Des morts qui interpellent la conscience de nos gouvernants

NAUFRAGE D’UN BATEAU AU NIGERIA : Des morts qui interpellent la conscience de nos gouvernants


Les accidents mortels impliquant des bateaux en Afrique, sont légion. Pas plus tard que le 7 octobre dernier, on en a enregistré un dans l’Etat d’Anambra au Nigeria. En effet, un bateau transportant 85 personnes, a chaviré ce jour-là à Umunnankwo, une localité située sur les rives du fleuve Niger. Le bilan fait état de près de 80 morts. D’après les témoignages relayés par la presse, les victimes sont essentiellement des femmes de la communauté. Ces dernières auraient fait des pieds et des mains pour embarquer dans le bateau, dans l’espoir de vendre leurs marchandises sur le marché d’Ogbakuba, à quelques encablures de là. La voie fluviale était la seule possibilité pour elles de le faire. Car, la seule route qui leur permettait d’y aller, avait été rendue impraticable par les eaux du fleuve Niger en crue, consécutivement à des pluies torrentielles. Il est bon de rappeler que des pluies du genre avaient provoqué des inondations qui ont déjà fait au moins 300 morts et 100 000 déplacés depuis le début de la saison des pluies. Un malheur est venu donc s’ajouter à un autre. A toutes ces deux tristes occasions, Muhammadu Buhari, le président nigérian, a fait état de son émotion et a traduit ses condoléances aux familles éplorées. Mais, on peut prendre le risque de dire que c’est une manifestation émotionnelle fausse et hypocrite. En effet, ces drames à répétition auraient pu être évités si les gouvernants s’étaient véritablement attaqués aux causes de la précarité et de la misère des populations. L’une de ces causes est l’enclavement et l’état piteux des routes de bien des Etats du Nigeria. Une autre est due à l’état calamiteux des moyens de transport en commun en général et à celui des bateaux naviguant sur le fleuve Niger en particulier.

 

En Afrique, les gens sont rarement sanctionnés pour de mauvaises manières de servir

 

Dans le cas d’espèce, ce sont de pauvres femmes qui, dans l’impossibilité de rallier la localité voisine pour écouler leurs produits par la route en raison des inondations, ont fait le choix suicidaire de s’y rendre par bateau. Et quel bateau ? En réalité, c’est un cercueil navigant. Et cela, les autorités ne peuvent pas dire qu’elles ne le savaient pas. Si nous étions dans un pays civilisé et donc soucieux de la sécurité des populations, ce bateau aurait été envoyé à la casse il y a belle lurette. Mais là, nous sommes en Afrique et plus particulièrement au Nigeria, pays où la sécurité des populations passe pour le cadet des soucis des gouvernants. Certes, l’on peut, quelque part, invoquer l’incivisme des usagers de ce bateau, mais la grande responsabilité de ce drame incombe aux gouvernants. Ce sont eux qui ont réuni les principaux ingrédients pour la survenue de ce drame. De ce point de vue, l’on peut dire que ces morts interpellent leur conscience. Et ce ne sont pas seulement les gouvernants du Nigeria qui sont pointés du doigt dans ces drames qui se jouent sur nos fleuves. On se souvient, en effet, que dans des pays comme la RDC, ces genres de drames sont presque devenus des non-évènements tant ils se passent tous les jours. Et dans ce type de pays, l’on a tellement banalisé la mort que 80 macchabées repêchés des entrailles d’un fleuve consécutivement à un naufrage de navire surchargé, ne suffisent pas pour affliger véritablement les autorités. Il faut impérativement que nos gouvernants, comme le disent trivialement les Ivoiriens, « quittent dans ça ». Ailleurs, pour une vie arrachée à cause de la responsabilité d’une personne, fût-elle politique, des comptes sont demandés et des têtes tombent. C’est ainsi que ceux à qui on a confié des responsabilités, apprennent à servir au mieux leurs semblables et à mettre leurs compétences au service de l’intérêt général. En Afrique, non seulement les gens sont rarement sanctionnés pour de mauvaises manières de servir, mais aussi il n’est pas rare que l’on promeuve des personnes qui se sont pourtant illustrées dans de mauvaises pratiques. C’est pourquoi l’on peut affirmer sans pour autant jouer les Cassandre, que des drames comme celui auquel l’on a assisté ce vendredi sur le fleuve Niger dans l’Etat d’Anambra au Nigeria, risquent de ne pas être les derniers du genre.

 

Pousdem Pickou


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