NOMINATION DE NOUVEAUX DG A LA SONABEL ET A LA SONABHY :Pourquoi ces postes ne sont pas soumis à candidature ?
Le Conseil des ministres du mercredi 02 juillet 2014 dernier a procédé à des changements à la tête de la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL) et de la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (SONABHY). Ainsi, les directeurs de ces deux sociétés ont cédé leur place respectivement à Jean Christophe Ilboudo et à Jean Baptiste Boukari Béréhoundougou. Ces changements n’auraient certainement pas retenu l’attention des Burkinabè, s’il s’était agi de sociétés d’Etat de moindre importance. Mais, dans le cas présent, il s’agit de deux mastodontes de l’économie burkinabè. Par conséquent, l’on ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur ces deux départs.
La chasse aux sorcières est lancée
Pourquoi ces deux directeurs ont-ils été relevés quand on sait qu’à la dernière Assemblée générale des sociétés d’Etat, des satisfécits leur ont été exprimés par rapport à la santé financière de leurs structures ? L’on peut donc supposer que ces changements ne sont pas liés à des problèmes de gestion et de rendement. Quels pourraient être alors les non-dits et les motivations réelles de ces changements ? De manière générale, l’on sait que le moyen le plus infaillible de s’éterniser à la tête des sociétés d’Etat en général et de celles qui sont pourvoyeuses d’argent frais en particulier, c’est d’avoir des affinités avec des personnalités confortablement installées dans le premier cercle du pouvoir. Un boulevard s’ouvre aux directeurs qui ont ce profil pour gérer pratiquement à vie les sociétés d’Etat en particulier et les ressources de l’administration générale en général. Ainsi, à la SONABHY par exemple, un ex-DG a pu tuer plus de 15 saisons à la tête de cette entreprise.
Il a fallu la grave crise qui a secoué le pays en 2011 pour que le pouvoir se décide enfin à procéder à des changements à la tête de la plupart des sociétés d’Etat.
Une autre question qui découle d’ailleurs de la première est de savoir si le pouvoir, par ces changements, n’a pas voulu simplement placer des militants plus « dévoués » au parti en remplacement de militants timorés, ne présentant pas des gages suffisants de loyauté vis-à-vis de la nouvelle direction du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès). Cette hypothèse pourrait se justifier avec l’avènement du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) qui a instauré aujourd’hui dans les rangs du CDP, un climat de suspicion et de délation dont certains DG de sociétés d’Etat pourraient faire les frais. L’onde de choc provoquée par la création du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), pourrait-on dire, est loin d’être retombée. De ce point de vue, tous les directeurs que l’on soupçonne d’avoir des accointances et des sympathies avec les dirigeants de ce nouveau parti et qui sont toujours tapis dans les rangs du CDP, doivent s’attendre certainement à être remerciés même s’il sont d’éminents technocrates et des orfèvres en matière de management.
La chasse aux sorcières, est-on tenté de dire, est ainsi lancée. Les DG frileux et douteux sont prévenus, leurs chaises sont plus que jamais éjectables.
Les DG des sociétés d’Etat pourraient être mis fortement à contribution
Le CDP fera le ménage et l’assainissement commandés par la situation pour s’assurer que ses cadres qui gèrent désormais les sociétés d’Etat, dont certaines sont de véritables vaches à lait du pouvoir, sont des militants qui sont liés au parti pour le meilleur et pour le pire. La nomination, par exemple, de Jean Christophe Ilboudo à la tête de la SONABEL, pourrait participer de cette logique de décantation. En effet, l’ex-patron des Engagements nationaux qui tient désormais les rênes de la nationale d’électricité, peut être perçu comme un cadre qui répond au portrait robot du militant « modèle » dont l’Etat-major d’Assimi Koanda a besoin pour accompagner le parti dans le saut vers l’inconnu qu’il vient d’effectuer en prônant la révision de la Constitution pour permettre à Blaise Compaoré de s’accrocher au pouvoir. Seuls les militants qui n’ont pas d’état d’âme par rapport à cette question et qui sont susceptibles de défendre la cause de l’enfant terrible de Ziniaré, auront désormais voix au chapitre et se verront confier les postes les « plus viandés » de la République pour reprendre l’expression d’Amadou Kourouma dans les Soleils des indépendances.
Dans ces conditions, l’on peut s’attendre à ce qu’à la prochaine Assemblée générale des sociétés d’Etat, le nombre de structures déficitaires connaisse une hausse. L’observance des règles de la bonne gouvernance pourrait être reléguée au second plan pour privilégier des règles étrangères à la performance économique puisque le pays, inexorablement, évolue vers une période où justement les DG des sociétés d’Etat pourraient être mis fortement à contribution en termes d’espèces sonnantes et trébuchantes et de logistique pour accompagner la galaxie présidentielle dans sa volonté d’organiser le référendum.
Cela dit, le fait même que les deux nominations ne se soient pas faites à la suite d’un appel à candidatures, peut paraître suspect. Les Burkinabè peuvent donc légitimement s’interroger voire spéculer à propos de ces changements à la tête de la SONABEL et de la SONABHY.
Pousdem PICKOU