NON DECLARATION DE BIENS DE TALON : Une légèreté coupable
C’est sans nul doute le premier caillou dans le soulier du président béninois qui épatait par son allure. Patrice Talon ainsi que certains membres de son gouvernement, ont été épinglés par la Cour constitutionnelle béninoise pour s’être soustraits à l’obligation de déclaration des biens, comme l’exige la loi. A leur décharge cependant, ils ont hérité la faute du gouvernement de Yayi Boni, lui aussi alpagué pour le même motif. L’affaire a de quoi surprendre quand on sait qu’à peine avait-il déposé ses pénates à la présidence, Talon avait fait de la rigueur et de la gouvernance politique et économique vertueuse, un label. Oubli ou omission volontaire ? Ou encore le président a-t-il voulu s’attaquer prioritairement aux urgences au point de reléguer au second plan cette question ? Quels que soit les motifs pour lesquels il a dérogé à la règle, le président fait preuve d’une légèreté coupable. D’abord parce qu’il a pris des libertés avec la loi fondamentale du pays alors qu’il a fait le serment de respecter et de faire respecter la Constitution. La question que l’on peut se poser est de savoir comment les premiers responsables du pays peuvent en imposer aux autres si eux-mêmes ne respectent pas les textes. Ensuite, parce que le principe de la transparence est une exigence démocratique. La réputation de bon démocrate que traîne Talon, est aux antipodes de ce manquement dont il s’est rendu coupable. Enfin, parce que la question est très sensible sur un continent où le pouvoir sert de marchepied vers les richesses de l’Etat. On le sait, la pratique est courante en Afrique où les dirigeants confondent allègrement le Trésor public avec leur poche. En témoignent les scandales à répétition des détournements de deniers publics ou des biens mal acquis.
Il faut féliciter le courage et la poigne de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption
En tout cas, « à quelque chose malheur est bon », dit-on. Ce scandale permet de mettre le doigt sur la plaie, dans un pays qui faisait office d’exemplarité en matière de gouvernance politique et économique sur le continent. Non seulement les textes semblent présenter des lacunes, mais aussi ils ne sont pas appliqués. Il y a nécessité donc de les toiletter pour les rendre plus opérants. Le secret qui entoure la déclaration des biens du président et des membres du gouvernement, gagnerait par exemple à être levé et des mesures coercitives doivent être envisagées pour ceux qui prennent des libertés avec la loi. Pour le cas présent, Talon gagnerait, s’il ne l’a pas encore fait, à se mettre rapidement en règle avec la loi. D’abord, parce qu’il est un homme d’affaires et il peut y avoir des conflits d’intérêts avec le patrimoine de l’Etat qu’il gère. Ensuite, parce qu’il doit préserver son honneur et maintenir la bonne aura dont il bénéficie. Cela dit, il faut non seulement féliciter le courage et la poigne de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC) qui a levé le lièvre dans son rapport, mais aussi saluer la pugnacité de la Cour constitutionnelle qui a donné une suite à l’affaire. Dans la même dynamique, l’on pourrait se féliciter des recours que certains citoyens préparent dans l’optique de demander une plus grande transparence dans la gestion des affaires de l’Etat. Sous d’autres cieux, cette affaire serait prétexte à réclamer la tête des ministres incriminés et même à déclencher une procédure de destitution. Mais in fine, on pourrait dire que le plus veinard de cette affaire, c’est l’ex-président Yayi Boni. Si Talon et ses ministres n’étaient pas concernés, cette révélation aurait donné la verge au gouvernement pour le flageller. L’homme peut donc continuer à siroter son petit lait, sauf à penser que Talon veuille faire dans la politique du deux poids, deux mesures.
SAHO