NON RESPECT DES LOIS AU BURKINA : A Etat laxiste, industriels et citoyens indisciplinés
La loi, a soutenu Jean-Jacques Rousseau, est l’expression de la volonté populaire. Le même auteur a développé l’idée selon laquelle le respect de la loi qu’on s’est prescrite est synonyme de liberté. De ce point de vue, l’on pouvait s’attendre à ce que tous les citoyens d’un pays, qui se veut organisé, ne se fassent pas tirer les oreilles pour se plier à la loi. Or, il se trouve qu’au Burkina Faso, le non- respect des lois de la République est en passe de devenir, peut-on dire, un sport national. A titre d’illustration, l’on peut citer les cas suivants. Le refus délibéré des opérateurs de taxis d’observer la loi interdisant l’utilisation du gaz butane comme carburant. La raison avancée est qu’ils manquent de moyens pour recycler leurs véhicules de sorte à utiliser les carburants recommandés. Un autre cas est celui relatif à l’utilisation des sachets plastiques. En effet, une loi interdisant les sachets plastiques non biodégradables a été prise au Burkina. Seulement, l’on peut faire le constat qu’en dehors de certaines grandes surfaces, cette loi n’est pas du tout respectée. Certains Burkinabè donnent l’impression même d’ignorer son existence. Et que dire de ces industriels et autres firmes qui massacrent systématiquement l’environnement en déversant dans la nature leurs déchets toxiques ou qui inondent le marché par des produits qui causent au pays un véritable problème de santé publique. Par rapport au dernier cas évoqué, il y a un industriel qui est sur la sellette aujourd’hui. Ce dernier, qui officie dans le domaine des cigarettes, rechigne à se conformer à la loi portant sur le conditionnement et l’étiquetage des produits de tabac au Burkina. L’entrée en vigueur de cette loi était prévue pour le 7 avril dernier. Et elle fait obligation de faire figurer sur les paquets de cigarette des images et des inscriptions suffisamment parlantes et mises en relief, de sorte à mettre les consommateurs devant leurs responsabilités. Face aux réserves formulées par l’industriel épinglé par rapport aux risques encourus par sa société au cas où elle respecterait à la lettre la loi, le ministre de la Santé a laissé entendre ceci : « Il n’y a pas de marchandage possible entre les vies humaines et l’argent qu’on gagne ». Voici qui est bien dit, Monsieur le ministre. D’un point de vue de l’éthique, c’est une très belle phrase. Les professeurs de français et de philosophie pourraient la donner comme sujet de dissertation à leurs élèves s’ils le désirent. Mais en dehors de cela, l’on peut prendre le risque de dire que cette sortie du ministre produira l’effet d’une tempête dans un verre d’eau.
L’Etat court le risque de perdre toute autorité et toute crédibilité
Rien ne va fondamentalement changer. Et pour cause. Au- delà du cas de cet industriel du tabac auquel on a tenté de remonter les bretelles publiquement pour non- respect de la loi, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que c’est le laxisme de l’Etat qui est à la base du fait que tout le monde pratiquement rechigne à respecter les dispositions règlementaires au Burkina. C’est ce laxisme pathologique qui conforte les uns et les autres dans l’idée que les lois sont des tigres en papier. Apparemment, elles font peur. Mais dans la réalité, l’on peut avoir l’impression qu’elles sont inopérantes. Et à force de produire ce genre de textes, l’Etat court le risque de perdre toute autorité et toute crédibilité. De ce point de vue, il y a péril en la demeure. Il faut donc que l’Etat travaille de manière à se hisser à la hauteur de sa mission. Celle-ci consiste à faire du respect de l’intérêt général une religion. De toute évidence, cela passe par le respect des lois de la République par tous les contractants du pacte social. Pour ce faire, la tolérance zéro doit être de rigueur dans tous les domaines d’activités. Autrement, le pays court le risque de basculer dans l’Etat de nature où les plus forts ont la latitude et la liberté de dévorer les plus faibles pour sauvegarder leurs intérêts. L’on peut ajouter que le fait que l’Etat brille par son incapacité à faire respecter la loi, est une des conséquences de la triste réalité suivante : le monde politique est inféodé au monde des affaires et vice-versa au Burkina. Tant qu’il n’y aura pas une césure nette entre les deux, l’on ne doit pas rêver de voir un jour les tendances s’inverser au Burkina en matière de respect de la loi. Et pourtant, personne ne peut douter aujourd’hui de la pertinence de la loi portant sur la vente du tabac. Dans tous les pays civilisés du monde, il y a longtemps que le débat a été clos. Au Burkina, c’est tout autre. Aucune mesure sur le tabac n’est respectée. Mieux, l’on peut avoir l’impression que c’est le « laisse-guidon » qui fait office de règle. Les industriels du tabac en profitent pour réaliser de bonnes affaires au détriment de la santé des populations, les fumeurs indélicats empoisonnent l’espace public, les mineurs s’en donnent à cœur joie à la consommation du tabac et cela, malgré l’existence de lois qui encadrent l’importation et la consommation de ce stupéfiant. A Etat donc laxiste, indiscipline de tous les acteurs qui interviennent dans le domaine. A première vue, ce sont les industriels indélicats qui retiennent l’attention. Mais il n’y pas qu’eux. Il y a aussi tous les autres acteurs dont le logo consiste à faire fortune, quitte à vendre la mort et la désolation aux populations. Tout ce beau monde a un dénominateur commun au Burkina : fouler au pied les lois de la République.
Sidzabda