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NOUVELLE MARCHE DU M5 AU MALI


Ce matin, la rue reprend du service à Bamako, au Mali, suite à un nouvel appel à manifester des leaders du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques. L’iman Mahmoud Dicko et ses compagnons maintiennent donc leurs portes fermées et ce en dépit de l’offre de dialogue du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) et de toutes les initiatives de médiation entreprises de l’intérieur comme de l’extérieur du pays. En face, le pouvoir a, malgré tout, évité le piège de l’escalade en autorisant la marche. Cette nouvelle journée de manifestation constitue donc un important test pour les deux camps rivaux. Pour l’iman Dicko, ce sera un test de mobilisation qui lui permettra de s’assurer encore de ses soutiens, après la proposition, par le chef de l’Etat, de former un gouvernement d’union nationale, qui fait saliver certaines formations politiques de son mouvement, et les mesures sociales en faveur du monde enseignant et du personnel soignant. Pour IBK qui va suivre la manifestation de très près, ce sera l’occasion de mesurer les effets de ses annonces sur la rue, pour décider de la conduite à tenir. En cas de forte mobilisation, il saura qu’il devra faire plus en termes de mesures à prendre pour desserrer l’étau autour de lui. Dans le cas contraire, il pourra compter sur l’effritement de la base sociale du mouvement pour gagner les manifestants à l’usure.  En attendant donc de voir si les Maliens répondront à l’appel de la rue, l’on peut se poser des questions sur les motivations réelles de l’iman Mahmoud Dicko qui, jusque-là, refuse de saisir la main tendue du président de la République. Bien malin qui saurait lire dans les pensées de l’homme. Mais son radicalisme apporte de l’eau au moulin de ses détracteurs qui pensent qu’il prépare le lit de l’instabilité institutionnelle favorable aux mouvements djihadistes.

C’est quand le mur de la cohésion sociale présente des lézardes que vipères et autres cancrelats peuvent y trouver refuge

D’aucuns n’hésitent même pas à franchir le Rubicon en l’accusant d’être de mèche avec tous ces groupes armés qui refusent la forme républicaine de l’Etat et rêvent de faire du Mali, un califat au Sahel. En tout cas, son attitude, pour le moins que l’on puisse dire, peut paraître curieuse pour un homme de Dieu qui refuse de faire la paix avec un adversaire qui lui tend la main. Mais tout cela n’est peut-être que procès d’intention. Peut-être Mahmoud Dicko maintient-il le cap pour arracher du pouvoir plus de concessions parce que, jusque-là, les mesures annoncées par IBK restent encore largement en deçà des attentes. On le sait, en effet, aucune proposition concrète n’est faite pour résoudre les problèmes de gouvernance que dénonce la rue, en l’occurrence la corruption endémique, les détournements de deniers publics et l’insuffisance de résultats sur le front de la lutte contre l’insécurité. Mais quelles que soient les motivations de l’homme de Dieu, il doit faire attention à ne pas trop tirer sur la corde au risque de la casser. Il doit, en effet, prendre conscience des risques qu’il court et fait courir au Mali tout entier. En effet, Mahmoud Dicko doit savoir compter avec le fait que l’on ne peut maintenir indéfiniment debout la rue et qu’il s’expose à la revanche du pouvoir si le mouvement venait à s’essouffler. Par ailleurs, il oublie que les manifestations qu’il organise, peuvent être infiltrées et donner lieu à des scènes de violences dont l’opinion ne manquera pas de lui faire porter la responsabilité. De façon plus générale, ces manifestations détériorent le tissu social du Mali et comme on le sait, c’est quand le mur de la cohésion sociale présente des lézardes que vipères et autres cancrelats peuvent y trouver refuge. Et cela est particulièrement vrai pour le Mali qui a mal à son unité nationale depuis la rébellion touarègue, l’avènement des groupes djihadistes et l’explosion des violences intercommunautaires. Cela dit, cette nouvelle manif continue de mettre la pression sur IBK qui doit comprendre qu’il n’en fait pas suffisamment, même si l’on comprend qu’il n’est pas aidé par l’avalanche des évènements qui lui tombent sur la tête comme des tuiles : attaque de Bouka Weré, enlèvements de sous-préfets, etc. Il doit prendre le courage, même à son corps défendant, de donner le coup de pied tant attendu dans la fourmilière. Non seulement il ôterait ainsi un argument de plus à ses adversaires, mais cela lui permettrait aussi de mettre à nu les velléités putschistes de ceux qui font de sa démission, un préalable à tout dialogue.

SAHO


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