NUIT DU DESTIN : Les fidèles musulmans pour une « moralisation » de la société burkinabè
Les fidèles musulmans du Burkina ont célébré la Nuit du destin ou Nuit d’Al-Qadr, dans la nuit du 21 au 22 juin 2017 à Ouagadougou. Les festivités marquant cet évènement se sont tenues dans l’enceinte du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). L’initiative est du Cercle d’études, de recherches et de formation islamiques (CERFI) et de l’Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB).
Depuis le 25 mai dernier, les musulmans du Burkina, à l’instar des autres pays du monde, observent le mois du Ramadan. Un mois de spiritualité par excellence, une occasion d’introspection, une école de réforme individuelle et collective vers l’idéal islamique qui consacre l’Unicité d’Allah. Bref, l’objectif de ce mois est d’établir un lien fort entre le croyant et son Créateur, Allah subhana wa ta’ala. Ce lien s’établit par une intensification de prières et d’adorations. Et les 10 derniers jours ont une très grande importance, car il s’y trouve l’Al-Qadr ou la nuit du destin. Cette année, la communauté musulmane du Burkina a observé cette nuit du 21 au 22 juin dernier, soit à la 27e nuit du mois de Ramadan. Pour la circonstance, c’est l’enceinte du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), placée sous haute surveillance sécuritaire, qui a abrité les festivités de cette nuit d’adoration d’Allah subhana wa ta’ala et de son messager, Mohamed (Paix et salut sur lui). Dès 21h45, le lieu était déjà bondé de monde. Mais, pour y accéder, il fallait montrer patte blanche. Selon le président du CERFI, Aminou Ouédraogo, la nuit du destin ou nuit d’Al-Qadr équivaut à 1000 mois d’adoration. Elle est à rechercher dans la dernière décade du mois de Ramadan et équivaut également à 83 années et 4 mois d’adoration. Dans un hadith rapporté par Muslim, il est dit : « Qui veille en prière la nuit du Destin mû par sa foi et comptant sur la récompense de Dieu, tous ses péchés antérieurs lui seront pardonnés ». La nuit du destin est une nuit importante pour le croyant. En effet, c’est une nuit au cours de laquelle Allah exauce les invocations. De ce fait, entre lectures du Coran et invocations, les fidèles musulmans ont prié pour la paix et la réconciliation des fils et filles du Burkina, d’où le choix du thème de la conférence publique animée par l’Imam Tiego Tiemtoré : « Crise morale dans la société burkinabè : quelles solutions selon l’islam ? ». Selon le président du CERFI, Aminou Ouédraogo, le choix de ce thème n’est pas fortuit, en ce sens que le Burkina traverse depuis un certain temps, une période difficile marquée par la montée fulgurante de l’incivisme. Lequel incivisme se manifeste, entre autres, par la défiance de l’autorité de l’Etat, le non- respect des lois et règles de la République, le non-respect des institutions de la République. Et pour lui, toutes les couches socio-professionnelles sans distinction de religion sont concernées. « A travers ce thème, nous voulons réfléchir et voir comment ou que faut-il faire pour panser les plaies de notre société. Car, nous constatons des remous sociaux, notamment des grèves, la montée de l’incivisme sous toutes ses formes. Il s’agit de voir comment faire pour que le Burkina, notre chère patrie, puisse amorcer son développement au profit des populations. Donc, le choix du thème se justifie par la montée fulgurante de l’incivisme et il est de notre devoir, de travailler à ce que tout ce qui freine le développement du Burkina puisse être levé au profit de tous les Burkinabè », a-t-il soutenu. Convaincu que la communication du conférencier éclairera la lanterne des fidèles musulmans sur cette préoccupation, M. Ouédraogo a exhorté chacun des fidèles musulmans à cultiver la tolérance, à suivre les prescriptions, les recommandations et les hadits du prophète Mohamed (Paix et salut sur lui). Pour lui, le musulman doit incarner les valeurs du civisme en toute circonstance et en tout lieu. « Le musulman, c’est celui qui respecte les autorités, c’est celui qui respecte les édifices, c’est celui qui respecte le bien-commun. Donc, le message que je lance à tous les Burkinabè, c’est de travailler à ce que tout ce qu’il y a comme édifice, comme institution, comme autorité, soit respectée dans ce pays. Que l’incivisme soit banni à jamais au pays des Hommes intègres », a-t-il souhaité.
« Le musulman participe à la construction de son pays »
Mais quels comportements le musulman doit-il observer dans une société où les valeurs humaines sont foulées au pied ? De l’avis du conférencier, Imam Tiéogo Tiemtoré, le musulman doit être un bon exemple pour la société. Décortiquant le thème choisi pour la conférence publique, il a souligné que la situation que le Burkina vit actuellement, interpelle chaque composante de la société. «C’est un constat pour tout le monde que notre pays vit une crise morale qui se manifeste par la perte des valeurs, une défiance vis-à-vis des autorités, un manque de respect vis-à-vis des institutions. A cela, s’ajoutent la destruction des édifices publics, la mauvaise gouvernance, etc. Il est important, en tant que musulmans que nous puissions nous poser la question suivante : Quelle peut être la contribution des musulmans à une meilleure moralisation de la société ? », s’est-il interrogé, avant d’expliquer que la conférence a un but pédagogique. « Elle vise donc à montrer que l’islam a des valeurs, que l’islam a une éthique, que l’islam a une éducation qu’il donne à ses disciples pour leur permettre d’être de bons citoyens, parce qu’un musulman apporte la lumière de sa foi. Il apporte sa spiritualité à sa société et fait en sorte que son cœur, son âme et son esprit participent à la construction de son pays. Donc, il fait attention à ce que ses mains vont poser comme actions. Il fait attention à ce que son cœur va poser comme action », a-t-il souligné. De l’avis du prédicateur, il appartient à chaque communauté d’apporter sa contribution. « Plus on est bien éduqué, plus on a un cœur imbibé de la crainte de Dieu et plus on a tendance à poser de bonnes actions. L’avenir appartient aux peuples qui ont des valeurs morales, aux peuples qui ont une éthique et la religion offre le viatique. Elle offre le bon caractère de sorte qu’un bon croyant, un religieux, soit une chance pour son pays, parce qu’il apporte la miséricorde, la grâce et le bon caractère», a-t-il laissé entendre. Et d’ajouter que le message transmis, s’adresse aussi bien aux fidèles musulmans qu’aux dirigeants de ce pays. «Tout notre pays compte sur la jeunesse, parce qu’elle est l’avenir. La jeunesse est le fer de lance dans tous les domaines. Plus la jeunesse est bien éduquée, plus l’avenir du pays est garanti. Donc, il est important pour toutes nos communautés religieuses, d’accorder une attention particulière à l’éducation de la jeunesse. On a une jeunesse qui est très polémiste, on a une jeunesse qui a la culture de la violence. On a une jeunesse qui est moins moralement éduquée. Donc, c’est un défi pour toutes les communautés et évidemment pour les gouvernants, car ils ont aussi une part de responsabilité. Quand l’offre de la gouvernance n’est pas qualitative, cela conduit à des comportements que nous vivons aujourd’hui. C’est un appel à l’ensemble des communautés religieuses, à l’ensemble des élites qui nous gouvernent. Tous doivent mettre l’accent sur la moralisation de la vie publique, sur la redevabilité, sur la transparence dans la gestion quotidienne de notre pays», a-t-il renchéri. La conférence publique a été suivie de remise de prix du concours de meilleure lecture du Coran. Les lauréats des 5 niveaux de la compétition ont tous été récompensés. Des prières et des invocations ont eu lieu à partir de 01h jusqu’à l’aube, et avec parfois quelques pauses pour répondre aux préoccupations de certains fidèles musulmans.
Thème de la nuit du destin 2017 : réaction de quelques fidèles musulmans
Newton Hamed Barry, président de la CENI
« Le musulman n’est pas quelqu’un qui est désincarné »
« Les associations qui ont organisé cette soirée sont des organisations qui ont une pleine vitalité dans le quotidien des Burkinabè et la formation qu’elles donnent sont des occasions très importantes pour l’édification du musulman (…). Le musulman n’est pas quelqu’un qui est désincarné. Il fait partie d’une communauté. Il vit dans cette communauté et doit réfléchir dans cette communauté en partant évidemment avec l’accord de la foi. Je crois que c’est au bout de ces principes qu’il faut comprendre le thème qui a été choisi cette année (…). La nuit du destin, comme on le dit, c’est la nuit durant laquelle Allah subhana wa ta’ala a fait don d’une partie du Livre Saint, le Coran. Evidemment, c’est une nuit extrêmement importante. Je crois que les valeurs symboliques humaines réelles partagées durant cette nuit dans la pratique religieuse, sont beaucoup à saluer. Car, le fait que l’on se trouve à cet instant assez important, qu’on communie ensemble, est déjà un bienfait incommensurable à tout point de vue ».
Alpha Oumar Dissa, ministre de l’Energie
« Quand on regarde ce qui se passe au Burkina, notamment l’incivisme (…), ce sont des comportements qui ne siéent pas avec les principes définis par l’islam »
« Je rappelle que le thème est « Crise morale dans la société burkinabè : quelles solutions selon l’islam ? ». Il faut savoir que l’islam est une religion de société, qui définit déjà les principes liés aux comportements qu’un être humain doit observer vis-à-vis de son entourage, mais surtout vis-à-vis du Tout-Puissant, Allah subhana wa ta’ala. Je pense que de nos jours, quand on regarde ce qui se passe au Burkina, notamment l’incivisme, le non-respect de l’autorité, ce sont des comportements qui ne siéent pas avec les principes définis par l’islam. De nos jours, si nous avons une jeunesse qui se colle à l’islam, qui essaye de suivre le chemin tracé par l’islam, je pense que cela va nous éloigner de la plupart de ces mauvais comportements proscrits par l’islam. Comme je l’ai dit au début, l’islam, c’est d’abord une religion qui définit le comportement de l’être humain par rapport à lui-même et par rapport à son entourage. Si nous arrivons à conseiller véritablement la jeunesse à suivre ces principes, je crois qu’il y a de fortes chances que tous les maux que nous rencontrons aujourd’hui, liés à l’incivisme, au mauvais comportement des jeunes au sein même des familles nucléaires, soient de mauvais souvenirs. J’exhorte donc mes parents à réorienter leurs enfants dans le droit chemin, notamment celui décrit par Allah subhana wa ta’ala afin que nous évitions ce type de comportements. Nous pensons que si nous allons dans cette direction, la religion aura un impact sur les comportements des uns et des autres et certainement, nous allons observer un apaisement au plan national ».
Boukary Ouoba, journaliste
« C’est une obligation pour tout musulman, de contribuer à un mieux-être du Burkina »
« Le thème de la conférence a traité de la crise morale de notre pays. C’est un thème suffisamment d’actualité dans notre pays. C’est surtout un sujet qui préoccupe les milieux religieux et particulièrement l’islam, parce que la religion est très proche de la morale. Il n’y a pas de religion sans morale. Comme l’imam Tiégo Tiemtoré l’a si bien développé, il faut bien que nous nous mobilisions avec les ressources puisées aux sources de l’islam, notamment le Coran, les enseignements du prophète (Paix et salut sur lui), pour arriver à redresser la barre. Car, comme certains l’ont relevé, il y a très longtemps que la morale agonise au Burkina et on se demande encore si le Burkinabè est celui des années 80 ou 60, qui était pétri de valeurs sociales. Aujourd’hui, il faut qu’on s’interroge. Sur le plan du civisme, en tant que musulman, on doit être patient car l’islam nous enseigne la patience. Le musulman doit donc pouvoir, chaque fois, faire appel aux enseignements religieux, au Coran et à la Sounna qui n’enseignent pas la violence. L’incivisme est un acte de désobéissance. Pourtant, l’islam signifie déjà obéissance. En tant que musulman, on doit avoir du respect pour le bien public. On doit avoir aussi du respect pour l’autorité publique parce que là où il n’y pas d’autorité, il n’y a aucun ordre. Je crois que ceux qui ont assisté à cette conférence publique animée par l’imam Tiégo Tiemtoré, ont pu se trouver des références islamiques qui leur permettront, s’ils veulent bien changer, de pouvoir le faire. C’est petit à petit que les musulmans vont influencer leur société. Le musulman ne vit pas de façon fermée, car tout ce qui touche à la société burkinabè le touche naturellement. C’est donc une obligation pour tout musulman, de contribuer à un mieux-être du Burkina ».
Aboubacar Nacanabo, inspecteur des Impôts
« Le thème répond au problème que notre société post-insurrection vit »
« Je suis venu non seulement pour prier pour la nuit du destin, mais aussi assister à la conférence publique car j’ai trouvé que le thème était vraiment d’actualité. Il répond au problème que notre société post-insurrection vit actuellement (…). La conférence vient à point nommé, car elle va permettre aux fidèles musulmans de savoir comment changer de comportement pour pouvoir non seulement répondre aux attentes de la religion, mais aussi aux attentes de la société. Car, lorsqu’on est musulman, on vit dans une société et on doit faire de telle sorte à être un exemple dans ladite société. Cette conférence va aider les frères musulmans. Elle va impacter la société dans son ensemble, si les uns et les autres arrivent à bien prendre note des conseils précieux donnés par le conférencier, Imam Tiégo Tiemtoré. Pour moi, la nuit du destin symbolise aussi toute la grâce, toute la bénédiction que le musulman attend en ce mois béni. Le mois en lui-même est un mois béni, mais la nuit du destin est encore plus bénie car elle équivaut à 1000 mois d’adoration. C’est une occasion que tout musulman ne doit pas rater. En tant que musulman, vous devez tout faire pour bénéficier de la grâce de cette nuit, car ce n’est pas évident que l’année suivante, vous soyez toujours vivant. Dieu peut décider à tout moment de mettre fin à la vie que lui-même a donnée. Donc, à chaque fois que l’occasion se présente, il faut en profiter au maximum ».
Amina Nombré, étudiante
« Chacun de nous doit renouveler l’intention d’être plus utile à sa communauté »
« La partie essentielle que j’ai retenue de la communication de l’imam Tiégo Tiemtoré, c’est que pour être un vrai musulman, on doit être convaincu de ce qu’on est. Cette conviction doit se sentir dans les actes qu’il va poser en se respectant lui-même et en respectant les autres créatures et la nature que Dieu a bien voulu créer. Il est ressorti aussi dans la communication, que le musulman doit être bon dans tout ce qu’il fait, aussi bien