HomeA la uneOUMAROU YARO, EXPERT EN GESTION DE PERFORMANCE SOCIALE, A PROPOS DE LA MASSE SALARIALE

OUMAROU YARO, EXPERT EN GESTION DE PERFORMANCE SOCIALE, A PROPOS DE LA MASSE SALARIALE


Oumarou Yaro est un spécialiste de la gestion de la performance sociale et économique. Il est, ainsi, bien placé pour évoquer certaines questions dont, entre autres, la crise économique née du Covid-19, l’augmentation de la masse salariale à la Fonction publique,…Au passage, notre expert se prononce sur des sujets d’ordre politique. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Selon plusieurs spécialistes et organismes, le Covid-19 a plongé la planète dans une récession économique sans précédent. Qu’en dites-vous ?

Oumarou Yaro : Pour la question du Covid-19, ce n’est même plus une question de spécialistes au microscope, les conséquences économiques sont visibles à l’œil nu, et touchent individuellement chacun de nous. Depuis pratiquement huit (8) mois, c’est cette maladie qui a ravi la vedette en termes d’actualité mondiale. Il faut vraiment regretter cette catastrophe. C’est une maladie réelle et dangereuse qui, au-delà des aspects sanitaires, a fait crouler l’économie mondiale et a même réussi la prouesse de briser la chaîne de relations internationales et sociales. On parle même d’une régression économique d’au moins 2%, alors même que la maladie n’est pas encore derrière nous. Plus elle durera, plus les conséquences économiques seront désastreuses. Pour le moment, ce sont des projections sur la base d’hypothèses et ça ne sent vraiment pas bon. Elle a même défié la science. Et des sommes colossales qui devraient être consacrées aux investissements, sont aujourd’hui mobilisées pour la recherche. L’Afrique au Sud du Sahara est certes moins touchée, mais sa vulnérabilité légendaire fait qu’elle en souffrira peut-être pire que les nations dites les plus développées. Il faut déjà repenser à comment reconstruire un modèle économique moins vulnérable et plus équitable. Ce qui est sûr, à la fin du Covid-19, il y aura un nouvel ordre économique, social et politique.

Quelle est la particularité de la situation économique du Burkina Faso en lien avec cette crise sanitaire ?

La particularité du Burkina dans cette crise, c’est la situation socioéconomique du pays en amont de la crise et une économie globalement tributaire des importations. Quand je parle d’importations, c’est plus lié à leur nature. Nous exportons, à quelques exceptions près, des matières premières et nous importons des produits finis, voire vitaux. Ressources limitées, infrastructures sanitaires non au point, crises sociale et sécuritaire aiguës, bref un pays déjà en proie à diverses difficultés. La décroissance de l’activité économique va accentuer les tensions de trésorerie des entreprises et de l’Etat qui aura des difficultés à faire face à ses engagements. Des études récentes, sur la base d’hypothèses, montrent que la croissance pourrait régresser de plus de 80%, voire se négativer. Je parle d’hypothèses parce que la crise n’est pas encore derrière nous et certains aspects ne sont pas encore maîtrisés. Aujourd’hui, il y a des études sectorielles qui sont en cours, notamment dans le secteur bancaire, le secteur des systèmes financiers décentralisés, le secteur des assurances, les secteurs industriels, le secteur des transports, le tourisme et l’hôtellerie, etc. Les conséquences de cette contre-performance économique seront aussi sociales. Cette crise risque, en effet, de renforcer la paupérisation des populations à cause du ralentissement des activités, du chômage et des pertes d’emplois. La croissance du taux de chômage est évaluée provisoirement autour de 5%. Je distingue chômage et perte d’emploi parce qu’il y a déjà des jeunes au chômage, pour qui il sera plus difficile de trouver un emploi et il y en a qui vont perdre leurs emplois du fait du ralentissement des activités comme je le disais. C’est pareil pour les investissements dans les domaines sociaux, qui vont connaître une baisse préjudiciable au développement. En plus, notre gouvernement n’a pas les moyens et les mécanismes pour supporter les pertes des entreprises et des citoyens comme le font les pays dits développés.

« L’obligation du port du masque aurait dû être introduite plus tôt, même s’il fallait subventionner ou demander le concours du privé et des partenaires »

Pensez-vous que les mesures prises par le gouvernement ont véritablement contribué à réduire les effets pervers de la pandémie ? Du moins, quelles ont été les forces et les faiblesses desdites mesures ?

Il faut, tout de suite, dire que l’intention était très bonne d’autant plus que c’est le gouvernement qui a décidé de l’arrêt d’un certain nombre d’activités. C’est en période de difficultés nationales qu’on a besoin de l’Etat- providence. La plus grande force est que l’Etat avait voulu ratisser large en essayant de contenter tous les secteurs, notamment les secteurs du commerce, de l’hôtellerie et des transports qui sont les plus touchés, et un clin d’œil aux populations urbaines à travers une subvention de l’eau et de l’électricité. Dans la foulée, il y a eu aussi la réduction du coût du carburant à la baisse. Cependant, les mesures sociales, dans ce format, ne pouvaient pas être efficaces en l’absence d’une base de données fiable et d’un mécanisme préexistant. Vous savez pourquoi certains Etats africains se sont rabattus sur les frais d’électricité et d’eau ? C’est parce que c’est là qu’il y a un minimum d’informations à cause des tranches dites sociales, même si ce n’est pas toujours exact. Un riche commerçant qui a dix (10) mini-villas bénéficie 10 fois de la mesure, pourvu qu’il ait des compteurs de moins de 15 ampères. Il y a aussi la subvention des plaques solaires, qui semble intéressante, mais je parie que vous allez retrouver ces plaques sur la place du marché. Car, ce sont ceux qui ont les moyens, qui s’en accaparent encore pour des besoins commerciaux, en l’absence d’un dispositif de suivi. Je veux dire que nous n’avons pas de bonnes politiques sociales et une base de données fiable qui puisse faciliter la mise en œuvre de mesures à vocation sociale. Selon une étude de la Banque mondiale, 40,1 % de la population vit sous le seuil national de pauvreté. Quelquefois, ce sont des projections et ce n’est pas sûr qu’on connaisse nominativement ces 40, 1%, ou tout au moins leur concentration. Même la gratuité de l’eau au niveau des bornes fontaines a eu des effets pervers. De toute façon, la gratuité totale n’a jamais été une solution qui stimule la combativité et la rationalisation. Il faut dire que nos Etats ont manqué d’originalité dans la réponse au Covid-19, poussée en cela par une opinion nationale très critique. Le copier-coller ne marche pas partout de la même manière. J’étais particulièrement contre l’arrêt de la machine de production dans un contexte d’économie informelle. Ceux qui le font, ont des mécanismes de compensation et des réserves importantes. Je ne suis pas non plus sûr de l’efficacité de ces cessions de salaires des autorités, qui sont plus un signal politique parce que cela ne représente pas grand chose au final dans la lutte. Ce sont, du reste, certains activistes qui ont réclamé ce copier-coller. Sur toute la chaine, les gens se sont plaints de l’inefficacité des mesures d’accompagnement, quand bien même elles ont coûté des sommes colossales à l’Etat. L’inexistence d’une base de données fiable est un handicap pour un meilleur ciblage des personnes vulnérables. Il faut donc travailler à avoir et à assainir ces bases. Ensuite, on aurait pu décider de préserver plutôt des emplois en payant le salaire des travailleurs qui sont dans les entreprises les plus touchées. Je veux parler des compagnies de transport et les services dérivés, les hôtels, les lieux de loisirs, les travailleurs permanents de certains promoteurs culturels et ou touristiques, etc. Cette mesure aurait un double avantage. Préserver les emplois et soulager les entreprises des charges salariales. La CNSS pouvait être mise à contribution pour connaître les montants des salaires. Après, beaucoup de gens sauront l’importance de déclarer les travailleurs. L’Etat essaie de se rattraper, mais je me demande si ce n’est pas déjà caduc. L’obligation du port du masque aurait dû être introduite plus tôt, même s’il fallait subventionner ou demander le concours du privé et des partenaires. La levée progressive des mesures restrictives a aussi manqué de logique. L’Etat a permis aujourd’hui à tout le monde de violer l’une des restrictions encore en vigueur, notamment la limitation des regroupements à 50 personnes. Dès lors qu’on a autorisé la reprise du transport avec les cars ayant 70 places, l’ouverture des marchés, des lieux de culte, il fallait la lever pour être logique. Je comprends qu’on veuille laisser au moins quelques mesures pour rappeler que nous sommes en crise sanitaire, mais il ne faudra pas apprendre aux gens à violer des décisions gouvernementales impunément.

Selon vous, comment relancer les économies en ruines, notamment dans un pays comme le Burkina Faso ?

Il faut d’abord se remettre au travail. Je ne sais pas comment nous sommes passés de pays de travailleurs acharnés à la fainéantise. Ensuite, il faudra revoir la structure de notre appareil productif pour renforcer le slogan si cher du temps de la Révolution : produire et consommer burkinabè. Aussi paradoxal que cela pourrait paraître, rien ne dit que notre stock de réserves alimentaires même suffirait pour tenir un semestre, n’en parlons pas de produits pétroliers et autres. Il faut soutenir le secteur privé, surtout sur le plan des industries et autres investissements. Il faut produire davantage, il faut transformer davantage et promouvoir la bonne gouvernance. Après tout, il faudra surtout trouver de nouveaux mécanismes pour une répartition équitable des fruits de la croissance. Tous les outils que nous avons expérimentés jusque-là, ont montré leurs limites. Un développement inéquitable sera toujours source de frustrations et de tensions sociales comme on en voit souvent.

« C’est le gouvernement de la Transition qui a trébuché et le gouvernement actuel est tombé dedans »

Dans ce contexte de crises sanitaire, sécuritaire et désormais économique, les syndicats demandent au gouvernement de surseoir à l’application de l’IUTS sur les primes et indemnités des agents publics. En même temps, le gouvernement annonce une hausse des salaires dont la masse est actuellement de plus de 900 milliards de F CFA, soit plus de 400 milliards de plus. Comment appréhendez-vous une telle situation ?

La masse salariale est passée effectivement de 400 à 950 milliards de FCFA en 5 ans, selon le ministère en charge des finances. Cela n’est pas dû essentiellement aux augmentations salariales. Il faut compter aussi les charges liées aux salariés de nouvelles institutions et à l’augmentation du nombre de travailleurs ; ce qui représente plus de 53% des recettes, un taux supérieur à la norme communautaire de l’UEMOA qui est fixée à 35%. Voilà ou se situe le problème. Selon les analyses, si ce rythme se maintient, le pays ne pourra plus faire d’investissements et pourrait ne même pas être capable de payer les salaires. Ici, le gouvernement s’est fait prendre à son propre piège en voulant satisfaire au cas par cas les revendications des travailleurs, surtout en ne jouant pas la carte de la transparence, et en n’analysant pas au peigne fin certains paramètres. Certains protocoles ont été signés dans le noir, nous a-t-on appris. Quand je parle du gouvernement, je parle de la continuité de l’Etat. Sinon, c’est le gouvernement de la Transition qui a trébuché et le gouvernement actuel est tombé dedans. Aujourd’hui, il y a une course-poursuite de l’Etat pour reprendre de la gauche une partie de ce qu’il avait donné de la droite. Cela est hors de question selon les travailleurs pour qui tout droit acquis devient sacré. Mieux, ils (les syndicats) trouvent que l’Etat peut faire baisser ce taux autrement en faisant la promotion de la bonne gouvernance et en recouvrant d’importantes sommes d’argent chez certains de ses créanciers, y compris des individus. Maintenant, est ce que la crise sanitaire devrait être un prétexte pour son annulation ? Je ne pense pas que ce soit dans le même registre. Le gouvernement a essayé, par les mesures annoncées, de réparer une partie du préjudice créé par les décisions prises dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. On ne peut pas régler des problèmes structurels avec des décisions conjoncturelles. Les mesures gouvernementales s’étalent sur trois mois alors que l’IUTS, représente une manne financière pour l’Etat à court, moyen et long termes voire plusieurs générations. En plus, il y a déjà une crise née de l’application de la loi sur l’IUTS. Si le gouvernement suspendait la mise en œuvre de cette loi controversée, elle serait enterrée. Ce fut donc une décision politiquement calculée, quitte à trouver un autre cadre de dialogue pour les questions de l’IUTS.

Quels sont, selon vous, les plus grands succès de Roch sur le plan économique ?

C’est d’abord la stabilité économique sur le plan des indicateurs macroéconomiques malgré un environnement devenu hostile à cause de la crise sécuritaire, les conflits communautaires, les tensions sociales récurrentes. Certains avaient même commencé à parler du miracle burkinabè avant le Covid-19. Il y a eu beaucoup d’efforts dans la collecte des impôts, dans le secteur énergétique, le maintien de la confiance des investisseurs, surtout dans le domaine des mines, le développement des infrastructures routières, le développement d’un partenariat économique sous-régional et international. En tant qu’économiste chevronné, le président du Faso n’a pas trahi sa fonction de base.

Quels sont ses plus grands échecs ?

Je ne sais pas s’il faut parler en termes d’échec, peut-être d’insuffisances. On dit toujours que le diable est dans les détails. Je vous parlais tantôt de bons indicateurs macroéconomiques, mais cela cache des disparités importantes entre milieux urbain et rural, entre quartiers huppés et quartiers précaires, entre des secteurs souvent vitaux, entre des cibles. Aucun développement harmonieux n’est possible sans de bons mécanismes de répartition des richesses. Nous sommes tous restés sur notre faim à ce niveau. Le président du Faso a certainement été surpris par l’ampleur du chantier qu’était le Burkina, sur le plan politique, économique et social, si bien que les nombreux efforts sont comme une goutte d’eau dans la mer. Il y a aussi le choix des hommes. Il y a quelquefois de l’incompétence ou du sabotage autour du Président ou même de certaines grandes institutions de la République. Quand on n’a pas les bonnes personnes au bon moment et aux bons endroits, on ne peut que souffrir. A sa décharge, il faut savoir que l’homme est changeant et réfléchit en fonction des paramètres de sa vie. Karl Max l’a dit : « On n’a pas la même manière de réfléchir quand on est dans une chaumière que quand on est dans un palais ». Chacun devait savoir d’où il vient, et surtout d’où vient le Burkina. On peut ajouter l’épineuse question sociale qui représente un serpent de mer et qui plombe tous les efforts, même économiques. Certaines problématiques ont été mal posées au départ. C’est le lieu de faire appel au sursaut d’orgueil et au patriotisme de tous pour que nous retrouvions la sérénité et la voie du développement. Enfin, il y a les frontières de la corruption et l’affairisme que nous n’avons pas réussi à faire reculer. Je dis nous parce que chacun devra se sentir concerné, du sommet de l’Etat au plus petit hameau.

Que pensez-vous du PNDES et de sa mise en œuvre ?

Le PNDES, comme son nom l’indique bien, est la boussole qui canalise le rêve en matière de développement économique et social du Burkina. Il a, en tout cas, suscité beaucoup d’espoirs, mais au final, les résultats sont restés mitigés. Disons qu’il a souffert des mêmes insuffisances que tous les cadres stratégiques montés dans une visée de développement des indicateurs purement économiques. C’est normal parce que c’est en économie ou en finances qu’il y a souvent les meilleurs indicateurs. A côté des indicateurs macro-économiques, il a manqué des indicateurs macro-sociaux, si bien qu’aujourd’hui, il est difficile de dire s’il y a une amélioration du panier de la ménagère ou non. Des gens se sont certainement enrichis, et d’autres se sont paupérisés, surtout quand on intègre la question des déplacés internes qui sont venus comme un cheveu sur la soupe. Il faut maintenant faire la balance. C’est pourquoi j’ai personnellement émis des réserves sur certains outils de mesure de la qualité de vie. Les bilans que nous avons vus du PNDES sont surtout pleins de statistiques qui sont certes révélatrices d’activités, mais pas forcément d’impact, surtout social. Ajouté à cela, il faut dire qu’il y a eu beaucoup de problèmes de gouvernance, surtout au niveau intermédiaire de mise en œuvre. Cela s’est soldé par le gaspillage de ressources, des activités pas ou mal réalisées, des contre-performances.

A quoi doit s’atteler le prochain président qui doit être élu en principe le 22 novembre prochain ?

Le Burkina Faso a besoin d’une nouvelle fondation dont le ciment et les piliers sont la promotion de la paix et du vivre-ensemble, le recouvrement de l’intégrité territoriale, la sécurité pour tous les Burkinabè, la relance économique, la mise en place d’un mécanisme de dialogue social franc et efficace, l’instauration de l’autorité de l’Etat, la promotion d’une société vertueuse et enfin et surtout, une bonne répartition des fruits de la croissance pour l’amélioration des conditions de vie des populations.

La mise en place de l’ECO en lieu et place du F CFA, a du plomb dans l’aile quand on voit les réticences de certains Etat. Cela était-il prévisible ?

Bien sûr que peu de gens croyaient à ce scénario trop beau pour être vrai, sous l’égide du président français. Même au sein des pays de l’UEMOA dont la plupart utilisaient déjà une même monnaie, le consensus n’a pas été de mise. Il y a plusieurs raisons qui expliquent cet échec programmé : d’abord, la traditionnelle guerre de leadership entre pays francophones et anglophones alors que les pays anglophones ont les économies les plus fortes, surtout le Nigeria et le Ghana. En plus, chacun avait déjà sa propre monnaie et son lieu de production. Ensuite, il y a le rôle flou joué par la France, notamment la Banque de Paris qui devait garantir une parité fixe, un F CFA bis. Il y a aussi la méthodologie de mise en place. Le nom a été arrêté de commun accord, mais la zone francophone, sous le leadership du président ivoirien, s’est précipité d’adopter le même nom pour la zone CFA en contradiction au plan initial. Je crois que c’était juste une action de communication dans un contexte ou le F CFA fait l’objet de nombreuses critiques. Enfin, il y a les préalables liés aux critères de convergence. Les pays ne sont pas au même niveau de santé financière et un temps de préparation était logiquement nécessaire. Il faut, peut-être, viser l’horizon 2025. Car la plupart des pays ont leurs problèmes internes à régler d’abord, notamment les élections, les crises sociale et sécuritaire, etc.

Quel commentaire faites-vous du projet de prolongation des mandats des députés ?

Je crois que cette proposition est pratiquement mort née. J’ai compris que c’est une question de l’Assemblée nationale et non des partis politiques. Les députés, en tant que représentants du peuple, sont dans leur droit. Seulement, cette proposition pose problème aussi bien dans la forme que dans le fond. Il fallait se demander si toutes les recommandations étaient à mettre en œuvre. Si oui, il aurait fallu une autre étape de lobbying au sein des états-majors des partis politiques pour le faire endosser par le dialogue politique national. Je comprends qu’il n’y a pas le temps pour tout cela. Maintenant, si les députés pensent qu’ils ont la solution à la crise dans moins d’un an pour permettre aux élections de se tenir sur l’ensemble du territoire, qu’ils le disent en même temps pour gagner en temps. Je sais que le président de l’Assemblée nationale est un patriote sincère et de bonne foi. Malheureusement, notre modèle démocratique limite les visions solitaires. La seule consultation du peuple qui est valable, ce sont les élections. Même les pétitions ont un usage limité. Certains, au rang desquels le professeur Laurent Bado, sont même allés jusqu’à dire que la démocratie est la dictature de la majorité sur la minorité. La conséquence de cette annonce est qu’elle risque de créer des tensions politiques, même au sein du parti majoritaire.

Il y a des risques de repli identitaire au Burkina Faso en lien avec la situation sécuritaire. Que faire, selon vous, pour endiguer ce phénomène ?

Le repli identitaire, c’est l’auto-isolement d’un groupe dû à des conditions extérieures considérées comme difficiles. Comme vous le voyez, ce sont les conséquences des comportements des autres ou l’insuffisance d’ouverture ou d’intégration d’un groupe lui-même. Je crois qu’il faut créer les conditions pour un meilleur vivre-ensemble, créer des conditions d’équité en matière de comportement, d’applications des règles de la société, en matière de développement, tout en combattant la stigmatisation. Il ne faut pas que certains se sentent comme des sous- citoyens et d’autres comme des super-citoyens. De l’autre côté, il faut aussi se dire qu’aucun groupe ethnique ou religieux n’est supérieur aux autres. De part et d’autre, il y a des messages forts à livrer. Le repli identitaire est un poison pour la Nation.

Les FDS sont accusées d’atteintes aux droits de l’Homme dans leurs opérations. Quel est votre avis sur la question ?

La question est quand même délicate. Je crois bien que nos forces de l’ordre, en plus des formations techniques, ont été aussi formées au droit humanitaire international afin qu’il n’y ait pas d’abus ou d’utilisation disproportionnée de la force. Ces formations ont été données dans le cadre des missions classiques de sécurité et de défense du territoire. Aujourd’hui, ce sont de nouvelles problématiques qui se posent, et je crois qu’elles essaient de s’adapter. En plus des forces régulières, il y a d’autres acteurs en appui, qui n’ont peut-être pas reçu les mêmes formations. L’un dans l’autre et en plus des conflits communautaires, les bavures ne sont pas à exclure. Il faut donc continuer le travail de formation et de sensibilisation.

Propos recueillis par Boureima KINDO


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