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OUVERTURE ANNONCEE DU PROCES THOMAS SANKARA  


Le 11 octobre 2021 restera gravé dans les annales de l’histoire du Burkina Faso. Et pour cause. C’est le jour retenu par le Tribunal militaire de Ouagadougou, pour l’ouverture du procès de l’assassinat de Thomas Sankara. L’annonce qui a été faite par le parquet militaire constitue un véritable ouf de soulagement, après 34 années de lutte pour les familles biologique et politique du père de la Révolution démocratique et populaire (RDP) au Burkina Faso, sommairement exécuté le 15 octobre 1987 avec 12 de ses compagnons dans les locaux du Conseil de l’Entente. Au total, 14  personnes sont poursuivies dans cette affaire dont deux sous le coup de mandats d’arrêt internationaux, en l’occurrence l’ex-président Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire et  Hyacinthe Kafando, évaporé dans la nature depuis l’insurrection populaire d’octobre 2014. Les autres noms cités dans le dossier sont, entre autres, Gilbert Diendéré déjà écroué à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) dans le cadre de l’affaire du putsch de septembre 2015 et Christophe Diébré, signataire de l’acte de décès de Thomas Sankara, avec la mention « mort naturelle ».

 

Un véritable défi est lancé à la Justice militaire burkinabè

 

 

Si l’on peut saluer la tenue annoncée du procès de cette affaire qui cristallise toutes les attentions au Burkina Faso, l’on peut cependant nourrir le regret de ne pas voir défiler à la barre certains acteurs-clés comme Blaise Compaoré qui manque ainsi l’occasion de venir s’expliquer et se défendre devant le peuple. Il rate ainsi l’opportunité de s’assumer devant l’histoire et devant le peuple auprès duquel il aurait pu encore grappiller quelques effluves de sympathie, et pourquoi pas le pardon dans la dynamique entamée dans le cadre de la réconciliation nationale. Cela dit, l’on peut se poser la question suivante : dans le fond, de quoi dispose le juge militaire dans cette affaire ?  La question n’est pas superfétatoire dans la mesure où le long règne de 27 ans de Blaise Compaoré, lui a permis de tricoter un épais voile pour recouvrir la vérité des faits. Par ailleurs, de nombreuses personnes inculpées ou témoins-clés ont disparu, emportant avec elles bien des secrets sur cette tragédie dans leurs tombes respectives. C’est le cas, par exemple, du colonel Alain Bonkian qui n’a pas attendu l’heure de la vérité pour casser sa pipe. Même la science semble balbutier devant cette affaire avec les résultats pas franchement concluants des analyses ADN. A ces difficultés objectives qui peuvent rendre difficile la manifestation de la vérité, il faut aussi craindre des entraves politiques. Car, l’on ne doit pas oublier que certains personnages importants du régime en place aujourd’hui, sont gênés aux entournures par cette affaire, ne serait-ce que pour le rôle qu’ils ont joué aux côtés de Blaise Compaoré aux lendemains du 15 octobre 1987.  C’est en raison de tout cela, qu’au-delà de la bonne nouvelle que constitue l’annonce de l’ouverture de ce procès, un véritable défi est lancé à la Justice militaire burkinabè. Le défi est d’autant plus grand que le juge militaire subit la pression de l’opinion publique burkinabè pour qui le coupable est déjà tout trouvé : il s’appelle Blaise Compaoré.

 

 

Ce procès vaut surtout pour son symbole et pour sa valeur pédagogique

 

 

Il faut donc que la Justice militaire qui traine déjà le péché originel d’être un tribunal d’exception dans un Etat de droit, fasse preuve d’un grand professionnalisme non seulement en garantissant tous les droits de défense des inculpés dans ce dossier, mais aussi en disant le droit, rien que le droit.  En attendant l’ouverture tant attendue de ce procès, l’autre question que l’on peut se poser est la suivante : quel impact aura-t-il sur la réconciliation nationale ? En interne, l’on imagine que l’épilogue du dossier Thomas Sankara aura nécessairement un impact sur le processus de réconciliation nationale. Car, on le sait, le principal accusé dans cette affaire, c’est Blaise Compaoré. L’on peut donc s’attendre, dans les jours à venir, à défaut de l’agitation politique, à des tensions qui peuvent mettre des bâtons dans les roues de la machine de Zéphirin Diabré. A l’international, l’on sait que le procès est aussi très attendu, non seulement en raison des ramifications internationales du complot qui a coûté la vie à Thomas Sankara, mais aussi à cause du fait que ce procès est aussi celui de l’impérialisme international contre lequel s’était dressé le président du Conseil national de la révolution (CNR) dans un contexte marqué par des discours souverainistes en raison de la présence des troupes étrangères sur le sol africain. Du reste, Thomas Sankara est aujourd’hui l’idole de la jeunesse africaine et son combat a transcendé toutes les frontières.  Et c’est en cela que la tenue du procès, avant même qu’il ne rende son verdict, constitue en elle-même, une victoire et une revanche outre-tombe de Thomas Sankara. Plus que tout autre chose, ce procès vaut surtout donc pour son symbole et pour sa valeur pédagogique. En tout cas, le Burkina-Faso  tient là l’occasion de solder ses comptes avec l’histoire et de se tourner résolument sur les sentiers du futur.

 

« Le Pays »        


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