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OUVERTURE DU PROCES DE GUILLAUME SORO: Le pouvoir ivoirien ne lâche pas prise


C’est, en principe, aujourd’hui, 28 avril 2020, que s’ouvre en Côte d’Ivoire, le procès de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, exilé en France depuis son retour manqué au pays en décembre dernier. En rappel, l’ex-chef de la rébellion ivoirienne est poursuivi, entre autres, pour « tentative d’atteinte à l’autorité de l’Etat, détournement de biens publics et blanchiment de capitaux». Des griefs qui lui ont valu, en décembre dernier, l’émission, par la Justice ivoirienne, d’un mandat d’arrêt qui l’attendait au retour d’une tournée européenne au cours de laquelle il avait annoncé sa candidature à la présidentielle d’octobre prochain. Et l’ouverture de ce procès intervient malgré l’arrêt rendu public, le 22 avril dernier, par la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples qui ordonne la suspension dudit mandat d’arrêt et la mise en liberté provisoire des proches de Soro incarcérés en Côte d’Ivoire dans le cadre de la même affaire.

Ce n’est pas la première fois qu’un Etat-membre fait la sourde oreille face aux injonctions de la juridiction africaine

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le pouvoir ivoirien ne lâche pas prise. Mieux, il semble même décidé à mener l’affaire jusqu’au bout. Cela n’est pas étonnant. Car, ce n’est pas la première fois qu’un Etat-membre fait la sourde oreille face aux injonctions de cette juridiction africaine qui, de par sa position supranationale, est censée s’imposer aux Etats. En effet, avant la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Burkina Faso s’étaient aussi montrés quelque peu réfractaires à appliquer à la lettre des décisions de la même Cour. C’est dire si l’instrument judiciaire de l’Union africaine( UA) basé à Arusha en Tanzanie, a véritablement de la peine à s’imposer sur un continent où les motifs de lui faire recours sont pourtant loin de manquer. C’est à se demander même si elle sert encore à quelque chose si ses décisions doivent continuer à rester sans effet coercitif pour certaines parties, notamment les Etats. Mais à qui profite l’ « impuissance » d’une telle instance judiciaire dont l’importance n’est plus à démontrer sur le continent noir où l’indépendance de la Justice est souvent sujette à caution ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. En attendant, tout porte à croire que le pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) est train de s’engouffrer dans la brèche ouverte par ses devanciers. Autrement, si les décisions de la Cour africaine de justice avaient force, cette audience, à en croire les avocats du député de Ferkéssédougou, ne devrait pas se tenir avant que ladite Cour ne se prononce sur le fond de l’affaire. Mais en arguant du fait que ladite décision n’empêche pas la tenue de l’audience, le pouvoir d’Abidjan n’est pas loin d’apporter de l’eau au moulin des partisans de Soro qui crient à la « cabale politique » en vue d’écarter un adversaire sérieux. Et autant la décision de la Cour africaine peut paraître une victoire d’étape pour Bogota (le surnom de Soro), autant, avec le maintien de l’audience, on peut avoir le sentiment que les autorités d’Abidjan sont en train de pousser à la roue pour parvenir à une condamnation de ce dernier.

Il est difficile de croire que ces dossiers sales n’ont pas été opportunément sortis pour les besoins de la cause

Dans ces conditions, comment ne pas donner raison aux avocats de l’exilé de France pour qui le seul objectif de l’audience, est de rendre leur client inéligible ? En tout cas, on peut se demander pourquoi c’est maintenant que les questions de détournement de fonds publics et de blanchiment de capitaux, par exemple, sont mises en avant. Est-ce à dire que durant tout le temps où Soro se tenait sagement dans les rangs du pouvoir, il était blanc comme neige ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. Mais, en attendant que sa culpabilité soit prouvée, il est difficile de croire que ces dossiers sales n’ont pas été opportunément sortis pour les besoins de la cause. Car, le président ADO n’a jamais cessé de faire comprendre à celui qui était, jusqu’à une certaine époque, considéré à tort ou à raison comme son « filleul », que son avenir était dans le RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix). Et si malgré tout, le chef de l’Etat devait vivre la fronde et la rupture de son « protégé », suite à leur brouille, comme un affront, on peut bien se demander si ceci n’explique pas cela. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas reprocher au pouvoir d’Abidjan de demander des comptes à Guillaume Soro si ce dernier a prêté le flanc en plongeant la main dans le cambouis. Et pour une fois qu’ADO avait l’opportunité de montrer qu’il ne juge pas dans un seul camp comme on le lui a si souvent reproché, qui lui aurait reproché de ferrer un aussi gros poisson que Soro si ce dernier n’avait pas, entre-temps, migré dans le camp de ses adversaires politiques ? En tout cas on n’imagine pas combien ils sont à traîner des casseroles au sein du pouvoir. Cela dit, les déboires judiciaires de l’ex-occupant du perchoir ivoirien, doivent constituer aussi un appel à la gouvernance vertueuse pour les leaders politiques, quels que soient les postes où ils sont appelés à servir. Car, comme le dit l’adage, « nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ».

Au-delà, il est difficile de ne pas croire que les conséquences politiques de ce procès, c’est de déblayer davantage le chemin de la présidentielle pour le candidat du parti au pouvoir, après avoir travaillé à affaiblir tous les autres adversaires. 2020 est-elle pour autant déjà pliée par ADO, pour son poulain ? L’histoire nous le dira.

« Le Pays »


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