OUVERTURE DU PROCES THOMAS SANKARA
Comme annoncé, l’ouverture du procès de l’assassinat de Thomas Sankara a eu lieu hier, 11 octobre 2021, sous très haute surveillance sécuritaire à la salle des banquets de Ouaga 2000 transformée, pour la circonstance, en tribunal, et qui était bondée à craquer. Preuve de l’intérêt des Burkinabè dont les attentes restent fortes par rapport à ce procès. Pour avoir accès à la salle, il fallait montrer patte blanche. Côté accusés, du général Gilbert Diendéré soupçonné d’avoir joué un rôle central dans la coordination de l’opération, au médecin militaire Alidou Diébré qui a signé le certificat de décès de l’illustre disparu, tous les mis en cause étaient présents, à l’exception du principal accusé, l’ex-président Blaise Compaoré et de l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando soupçonné d’avoir conduit le commando qui a exécuté l’icône de la révolution burkinabè et ses compagnons d’infortune en ce jeudi noir du 15 octobre 1987. Aux côtés des familles des victimes fortement représentées dans la salle où l’on reconnaissait la veuve du président assassiné et son frère cadet, une batterie d’avocats et surtout de nombreux Burkinabè curieux de connaître les tenants et les aboutissants de cette tragédie qui est venue changer le cours de l’histoire de leur pays.
Cette parenthèse douloureuse de l’histoire du pays des Hommes intègre, reste comme un contentieux entre Blaise Compaoré et le peuple insurgé
Une tragédie fratricide que le président Compaoré, pour nombre de ses compatriotes, porte sur la conscience et qu’il a dû traîner comme un boulet au pied tout au long de ses 27 ans de règne. Ce jusqu’à sa chute, en octobre 2014, dans les conditions que l’on sait. Aujourd’hui encore, cette parenthèse douloureuse de l’histoire du pays des Hommes intègre, reste comme un contentieux entre Blaise Compaoré et le peuple insurgé qui l’a chassé du pouvoir il y a de cela près de sept ans. Le contraignant à un exil forcé qui, à en croire les confidences de certains de ses proches, serait en train de lui peser sur le moral au point de lui faire nourrir la nostalgie de son pays. C’est pourquoi, si 34 ans d’attente n’ont pas réussi à émousser la patience et l’intérêt des Burkinabè pour ce procès tant attendu, l’absence de Blaise Compaoré apparaît comme une occasion manquée pour le président déchu, de s’expliquer devant son peuple. Ne serait-ce que pour donner sa part de vérité dans cette affaire qui cristallise encore les passions, au moment où la question de la réconciliation nationale se pose comme un défi au peuple burkinabè. Surtout si, à en croire certaines confidences, l’intéressé vit très mal son éloignement prolongé du pays et serait preneur d’une éventuelle offre d’un retour au pays, dans la dignité. Mais en récusant la Justice burkinabè, on se demande si Blaise Compaoré et ses avocats ne filent pas du mauvais coton. L’on se demande surtout si cette stratégie de défense va lui profiter.
Ce procès pouvait s’annoncer pour lui, comme l’une des meilleures tribunes pour dire haut et fort sa part de vérité
Pour quelqu’un qui cherche à retourner dans son pays et qui, à en croire la teneur d’un communiqué de ses avocats, « appelle de ses vœux, l’union nationale contre le terrorisme via la réconciliation nationale au nom des valeurs supérieures du pays », on se demande s’il aura encore une autre occasion de faire entendre sa version des faits et de se faire comprendre par ses compatriotes sur la question. D’autant que dans le cas d’espèce, certaines sorties de son avocat qui semble avoir préféré les médias au prétoire, paraissent tellement agaçantes qu’elles ne servent pas véritablement la cause de son client. Quoi qu’il en soit, le risque est grand pour Blaise Compaoré, en cas de condamnation, de se voir rejet davantage dans les poubelles de l’histoire pour une absence qui, aux yeux de certains, est synonyme d’aveu. C’est dire si en brillant à ce procès par son absence, Blaise Compaoré ne rend pas service à l’histoire, ne se rend pas service et ne rend pas service à la réconciliation nationale. En tout état de cause, la tenue de ce procès en lui-même, est déjà une victoire outre-tombe de Thomas Sankara sur Blaise Compaoré. Surtout quand on voit comment l’enfant jadis terrible de Ziniaré, est condamné aujourd’hui à errer telle une âme en peine, loin de la mère-patrie, après avoir bu jusqu’à la lie, le calice de l’humiliation d’une déchéance sans gloire à la suite d’une insurrection populaire. C’est pourquoi, à 70 ans, ce procès pouvait s’annoncer pour lui, comme l’une des meilleures tribunes pour dire haut et fort sa part de vérité au peuple burkinabè, ne serait-ce que pour l’histoire. Et Dieu sait si le peuple burkinabè est loin d’être rancunier. Mieux, qui sait si un acte de contribution de sa part, n’aurait pas pu contribuer d’une manière ou d’une autre, à restaurer son image aux yeux d’une partie de ce même peuple qui l’a déjà condamné, et à ouvrir les portes de la réconciliation nationale qu’on semble aussi appeler de ses vœux dans son camp, pour mieux signer son retour au pays natal ?
« Le Pays »