HomeA la uneOUVERTURE DU PROCES DE LA TENTATIVE D’ATTAQUE DE LA MACA : « Juger le dossier en l’état actuel, c’est violer les droits des inculpés », selon la défense

OUVERTURE DU PROCES DE LA TENTATIVE D’ATTAQUE DE LA MACA : « Juger le dossier en l’état actuel, c’est violer les droits des inculpés », selon la défense


Comme annoncé par le commissaire du gouvernement, le 8 décembre dernier lors d’une conférence de presse, les premières audiences des personnes inculpées dans le cadre du projet d’attaque de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) ont effectivement débuté le 20 décembre 2016. Mais, avant l’examen proprement dit de l’ordre du jour, les avocats ont soumis un préalable qui a valu le report du procès pour le 21 décembre 2016, à 12 heures.

Pour se rendre à la Justice militaire, le 20 décembre dernier, il fallait obligatoirement passer par l’Avenue des Nations, le tronçon de l’avenue Mogho Naaba Kom I séparant l’état-major général des armées et la Direction de la Justice militaire étant barré. Aux côtés nord et sud de ce tronçon, étaient stationnés des hommes en armes défiant les passants du regard. Il était 8 h 45, lorsque nous arrivions sur les lieux et à cette heure de la matinée, l’espace qui jouxte la Direction de la Justice militaire servant parfois de passerelle pour certains usagers de l’avenue de la Nation du fait des embouteillages, était déserte. Mais, devant le portail principal, on pouvait apercevoir deux Hommes de tenue auprès de qui nous nous dirigeames. Leur position est en réalité un autre poste de contrôle. Ils nous passent donc aux détecteurs de métaux et nous pouvons accéder à la cour de la Justice militaire. Dans la cour, étaient disposés des baffles diffusant les interventions des membres du tribunal depuis la salle d’audience. Le bâtiment avait apparemment deux accès, du fait de la disposition des scanners. L’un était réservé aux membres du tribunal et l’autre, à l’assistance car, c’est par là que l’on nous fit passer après un autre contrôle minutieux. La salle réservée à l’assistance était au deuxième niveau et à chaque palier, la présence des hommes armés ne passait pas inaperçue. L’assistance composée d’Hommes de médias, d’Hommes de tenue et de parents des accusés n’avait pas du mal à suivre le procès car, là encore, du matériel de sonorisation était disposé. Ainsi, c’est aux environs de 9 heures que le procès commença avec l’entrée des membres de la cour. Le président du Tribunal, après avoir pris la parole entreprit la constitution du tribunal. Les juges assesseurs et les juges assesseurs suppléants sont mis en place. Ces derniers prêtent ensuite serment et jurent de dire la loi, rien que la loi. Une suspension de 10 minutes est alors observée. A la reprise, soit à 9 h 50, le procès des personnes inculpées dans le cadre du projet d’attaque de la MACA, de la poudrière de Yimdi et des brigades de gendarmeries peut commencer. Ils sont accusés, entre autres, « d’association de malfaiteurs et de détention illégales d’armes à feu et de munitions ». Le principal concerné dans cette affaire, le sieur Madi Ouédraogo et les sieurs Soumaila Diesongo et Marius Yerbanga sont appelés à la barre. Les choses sérieuses peuvent alors commencer. Du moins, c’est la conviction que l’on avait jusqu’à ce que la défense intervienne pour soumettre un préalable et demander le renvoi de l’examen du dossier inscrit au rôle. En effet, selon elle, les avocats, pour la plupart commis d’office, n’ont reçu leurs dossiers que le 15 décembre dernier, dans l’après-midi.

« Etre des acteurs et non de simples spectateurs… »

Si fait que plusieurs d’entre eux n’ont pas pu rencontrer leurs clients détenus à la MACA et se préparer pour le procès prévu pour le 20 décembre 2016. D’ailleurs, a fait savoir la défense, sur la marge de 5 jours dont elle a bénéficié, 3 seulement étaient des jours ouvrables. En outre, selon les avocats, au regard de la complexité de l’affaire, « juger le dossier en l’état actuel, c’est violer purement et simplement les droits des inculpés ». Aussi, ont fait savoir les avocats, si c’est pour défendre des gens qui risquent des peines pouvant aller jusqu’à la peine de mort, il serait de bon ton que le procès soit renvoyé pour qu’ils aient le temps de prendre connaissance des tenants et aboutissants des dossiers. « Nous pensons que si le bâtonnier a voulu nous réquisitionner, c’est pour que nous soyons des acteurs de ce procès, pas de simple spectateurs.  Il nous faut l’entièreté des dossiers sinon, si l’on doit organiser la défense en l’état actuel des choses, c’est comme si l’on est là pour régulariser la condamnation de quelqu’un alors que nous ne sommes pas là pour cela », a fait savoir la défense avant de laisser la parole. Ensuite, s’en est suivie l’intervention du commissaire du gouvernement. « Nous avons pris note de l’intervention de la défense, et nous ne doutons point de leur bonne foi. Mais, le parquet a respecté ce que la loi dit. Nous avons transmis le fond du dossier le 9 décembre 2016 au bâtonnier. Je peux comprendre qu’avec le long week-end, il n’a pas pu joindre ses confrères car, c’est le 14 décembre dernier qu’il nous a répondu », a répondu le commissaire du gouvernement. Mais, a-t-il relevé, s’agissant de prendre connaissance avec le dossier, il était loisible aux avocats, après leur désignation, de venir dans le cabinet du juge d’instruction pour prendre connaissance du fond du dossier. « A ma connaissance, aucun avocat ne s’est présenté ici pour prendre connaissance du fond du dossier et nous avons refusé », a-t-il indiqué. Mais, qu’à cela ne tienne, le commissaire du gouvernement a indiqué être d’accord avec la demande des avocats. Seulement, pour lui, le procès devrait être juste suspendu pour que les débats reprennent le lendemain pour que les avocats, pendant ce temps, puissent prendre connaissance des dossiers. « Ce que nous recherchons et ce que le peuple du Burkina recherche, c’est un procès équitable. Et pour cela, renvoyer le dossier est la moindre des choses », a rétorqué la défense car, selon elle, la justice ne saurait être rendue dans la précipitation. Après ces tractations, le président du tribunal décide donc de suspendre encore une fois l’audience afin de délibérer sur la question. A son retour, il a d’abord noté que dans le préalable soulevé par les avocats, aucune violation de la loi n’a été constatée. « Le procès sera donc suspendu pour une reprise demain (Ndlr : 21 décembre 2016) à 12 heures », a déclaré le président du tribunal avant de demander au greffier en chef de procéder à la lecture de l’arrêté d’inculpation dans l’affaire Ministère public contre Ouédraogo Madi et autres ; il était 11h48.

Adama SIGUE et Florence DIARRA (Stagiaire)

 

La réaction de Maître Christophe Birba, l’un des avocats commis d’office

« Le parquet a violé le droit de la défense »

Nous nous sommes concertés tout à l’heure, et nous avons posé le problème au bâtonnier. Nous avons expliqué au tribunal qu’il y a deux facteurs qui nous empêchent en tant qu’avocats commis d’office, d’exercer correctement notre ministère. Le premier problème, c’est que les dossiers nous ont été transmis 72 heures avant les assises. Nous n’avons pas pu rencontrer les inculpés pour échanger avec eux sur la conduite à tenir par rapport aux dossiers. Le 2e facteur, c’est qu’il y a des pièces du dossier qui n’ont pas été communiquées aux avocats. Par exemple, les enregistrements sonores. On ne sait pas à quoi cela ressemble. Comment pouvons-nous donc défendre des gens qui risquent la peine de mort dans ces conditions. C’est pourquoi nous avons demandé au tribunal de renvoyer le procès à au moins 2 semaines, pour nous permettre de préparer sereinement le dossier en raison du principe du droit de la défense et du procès équitable. Le tribunal a refusé en se fondant sur l’article 106. Mais, c’est mal placer le débat. Nous ne disons pas que le parquet a violé les textes, mais nous disons qu’il a violé le droit de la défense. Le droit de la défense constitue un principe sacré et supérieur à leur article 106. Il n’est pas question qu’on nous demande de venir faire la figuration. Nous n’allons pas accompagner quelqu’un à l’abattoir. Nous réclamons le droit de bien faire notre travail.  Donc, nous avons posé le problème au bâtonnier qui va certainement entrer en négociation avec le tribunal pour que nous puissions avoir le temps nécessaire pour pouvoir défendre nos clients. Et nous osons espérer que le tribunal ne va pas nous pousser à bout. Nous sommes 25 avocats pour 29 accusés. Certains étaient déjà constitués mais nous, nous sommes entrés dans la procédure, pas plus tard que le 16 décembre dernier. Dans ces conditions, pour un dossier d’assises, manifestement il y a problème. Donc, nous espérons que le tribunal nous suivra parce qu’il a besoin d’un procès équitable. Nous pensons que le bâtonnier réussira à les convaincre qu’on ne peut pas organiser un procès bâclé dans ce dossier. Nous sommes des avocats et nous ne sommes pas prêts à faire de la figuration. Je ne vois pas de raison pour ne pas nous donner deux semaines. Sauf à être solidaire des agendas politiques où on nous force à tenir un procès alors que manifestement on n’a pas mis les gens dans les conditions pour que ce procès soit équitable. Ce, d’autant plus qu’il y a un ministre qui est sorti il y a quelques temps, pour dire que les procès se tiendront avant 2017. Si on n’est pas dans ce cadre-là, pourquoi donc nous refuser le renvoi du dossier ? Nous sommes dans un agenda judiciaire. Je ne pense pas à une intention délibérée du parquet de nous tenir dans l’ignorance du dossier. Peut- être un problème d’organisation.  Si la loi a fait obligation qu’un avocat soit commis d’office, c’est parce que la loi a voulu que nous soyons les acteurs du procès et non pas de simples spectateurs. Or, ce qu’on nous demande, c’est de venir assister comme l’a dit le commissaire. Nous ne sommes pas venus faire de l’assistance mais de la défense.  Et la défense doit être de qualité. Au-delà de l’intérêt de l’inculpé, c’est la défense de l’Etat de droit que nous devons assurer. Donc, nous entendons jouer pleinement notre rôle social, la responsabilité sociale. Vous avez la liberté et la vie des gens qui pèsent sur vos épaules. Vous devez avoir le temps nécessaire, et la justice doit concourir à cela. Ce n’est pas en 72 heures qu’on prépare un dossier d’assises.  Les écoutes dont on parle, qui vous dit que c’est authentique ? Le commissaire du gouvernement dit qu’il nous appartient de venir  prendre connaissance du dossier, alors qu’on ne nous donne pas l’occasion et le temps même de venir prendre connaissance du dossier.

Propos recueillis par D.F

 


No Comments

Leave A Comment