PAQUES 2022 AU BURKINA : Une fête qui rime avec insécurité et vie chère
A l’instar des chrétiens d’Afrique et d’ailleurs, ceux du Burkina célébreront le 17 avril prochain, la Pâques, c’est-à-dire la résurrection de Jésus-Christ, sa victoire sur la mort. C’est essentiellement pour cette raison que l’on présente Pâques comme la plus grande fête chrétienne. De ce point de vue, cette fête, qui consacre la victoire définitive de la vie sur la mort, représente non seulement un grand moment de spiritualité, mais aussi de festivité. Mais cette année, au Burkina, comme d’ailleurs dans presque tous les pays du Sahel, le volet festif risque de ne pas être au rendez-vous. Et pour cause. On peut d’abord invoquer le fait que Pâques 2022 intervient à un moment où le pays enterre, chaque jour que Dieu fait, ses fils et ses filles du fait des attaques terroristes. Elle se passe ensuite, dans un contexte où deux millions de déplacés internes, composés essentiellement de femmes et d’enfants, donc de personnes vulnérables, doivent leur survie à la mendicité et à l’aide humanitaire. Pour tous ces gens, entassés pour la plupart dans des sites d’accueil généralement de fortune, où le seul repas par jour est loin d’être assuré et où leur dignité est mise à rude épreuve, en raison de la promiscuité dans laquelle ils vivent, le Burkina est devenu simplement un enfer sur terre. Pour certains d’entre eux, l’on peut mettre les pieds dans le plat, en disant que la mort pourrait être perçue comme une délivrance ; tant ils n’ont même plus la force d’espérer. La troisième et dernière raison qui permet de dire que le volet festif de Pâques ne sera pas au rendez-vous cette année, est liée à la cherté de la vie. Pour faire dans l’image afin de mieux illustrer le phénomène, on peut dire qu’au Burkina, on ne parle plus de panier de la ménagère mais de sachet de la ménagère. En effet, le niveau de l’inflation est tel que les femmes ne peuvent plus se permettre de se présenter au marché pour faire des achats avec un panier, mais plutôt avec un sachet.
C’est en ces moments difficiles que les fidèles témoignent le plus leur attachement à l’Etre suprême
Pour toutes ces raisons, l’on peut dire que Pâques 2022, rime avec insécurité, crise humanitaire et vie chère. C’est pourquoi il est fort probable que dans bien des ménages chrétiens, les repas qui seront préparés à l’occasion, soient d’une frugalité spartiate, c’est-à-dire réduits à leur plus simple expression. Même les ménages aisés pourraient s’abstenir de tuer le veau gras pour célébrer la résurrection du Christ. Car, il y a quelque part de l’indécence à fêter Pâques dans le faste et la démesure, alors qu’autour de soi, la misère est ambiante. De la même manière, on ne peut pas se permettre de se défouler à coups de musique bruyante pendant que le voisin de quartier, vient d’enterrer un proche, tombé sous les balles des terroristes. L’un dans l’autre, on peut affirmer que l’écrasante majorité des chrétiens du Burkina, n’auront pas la tête à la fête. Par contre, sur le plan de la spiritualité, Pâques sera intensément célébrée. Car, c’est en ces moments difficiles, peut-on dire, que les fidèles témoignent le plus leur attachement à l’Etre suprême. De ce point de vue, l’on peut estimer que les Eglises et les temples refuseront du monde. Déjà, des mesures sont envisagées par les pouvoirs publics, de concert avec les responsables chrétiens, pour sécuriser les lieux de culte. Il ne fait pas de doute que tous les sermons qui y seront prononcés, seront en lien avec la paix et la concorde nationale. Puissent donc toutes ces voix qui s’élèveront vers le Maître absolu de l’univers, être entendues. Dans le même registre, on peut signaler que les autorités de la Transition appellent à des prières du 15 au 17 avril pour implorer Dieu, afin qu’il sorte le Burkina de l’impasse sécuritaire dans laquelle il se trouve aujourd’hui. On peut aussi ajouter que le mercredi 13 avril dernier, des responsables musulmans ont cassé leur carême à la résidence du Cardinal Philippe Ouédraogo. Cet acte, hautement symbolique, autorise à croire que le Burkina est sur le bon chemin en matière de tolérance religieuse. Pour terminer, l’on peut mentionner que le carême chrétien et le jeûne du mois de Ramadan se passent au même moment. Cette coïncidence heureuse, est peut-être le signe que c’est par la pénitence que les fidèles des deux religions révélées, accéderont à Dieu afin qu’il étende sa main sur leur pays.
Pousdem Pickou