HomeA la unePOURPARLERS INTER MALIENS :Retour à la case-départ

POURPARLERS INTER MALIENS :Retour à la case-départ


Faut-il craindre de voir renversée la table de négociations à Alger ? En tout cas, à peine débutées, les négociations entre groupes armés et autorités maliennes  ont été suspendues pour « raisons techniques ». La brièveté de la rencontre s’explique par le mécontentement observé au niveau des groupes armés qui ont préféré quitter la salle, après un round d’observations.

Pourtant, les travaux d’Alger sons censés déboucher sur un accord de paix. Toutefois, l’on ne s’attendait nullement à voir les belligérants trouver le bon compromis dès les premiers jours de la rencontre. Il y a du chemin à faire, un grand travail à abattre, avant tout accord vrai. Pour cela, il faut la bonne volonté de tout un chacun. Cette bonne volonté doit se manifester dans chacune des quatre commissions organisées à cet effet. Or, c’est dans les deux premières commissions que tout semble se jouer : il y est respectivement question de politique et de développement. L’on devine aisément que les discussions achoppent sur des questions épineuses.

 

On savait les groupes armés accrochés à l’idée de se détacher de Bamako

 

Il en est ainsi du statut du Nord-Mali, l’Azawad, que les groupes armés voudraient voir défini. Ils sont donc sortis de la salle, estimant que les autres aspects ne sont pas négociables, tant que cette question n’aura pas été résolue. Dans son intervention, le ministre malien chargé de la décentralisation avait, lui, soutenu qu’il fallait qu’il y  eût « un accord équitable pour une paix durable », et « des solutions novatrices ».

Le malaise a aussi été provoqué par une sorte de dissension intervenue au sein des groupes armés, et apparemment exploitée par la partie adverse. Le week-end dernier, en effet, cinq des six groupes armés avaient signé un texte dans lequel ils s’engagent à s’associer pour mener à bien les discussions. Il s’agit principalement du MNLA, du HCUA, du MAA et de la CPA. Le sixième, la CMPFR, a rejeté la proposition. Or,  ce mouvement, présenté par le négociateur algérien comme faisant partie des groupes du Nord-Mali, s’est retrouvé assis à côté de la délégation malienne. De quoi inciter Ambéry Ag Rissa, porte- parole des signataires de l’acte, à demander à la médiation de clarifier cette situation. Après les remarques, les représentants des groupes armés ont quitté la salle des négociations. Il faut donc éviter à présent, que la table des négociations ne se transforme en un ring de boxe, avec pour enjeu central : l’indépendance de l’Azawad.

On savait les groupes armés accrochés à l’idée de se détacher de Bamako. Avec les négociations, on avait espéré les voir revenir à la raison. Car, comme nous l’avons toujours souligné : il leur sera très difficile d’obtenir sur ce terrain, celui de l’indépendance, les faveurs de la communauté internationale. Et ni l’Union africaine (UA), ni la classe politique malienne toutes tendances confondues, n’accepteront de déroger à ce qui constitue depuis longtemps un des sacro-saints principes du combat pour la pacification et l’unité de ce continent : la défense de l’intégrité des territoires hérités de la colonisation. S’il y a un héritage des pères de l’indépendance que générations après générations, les acteurs politiques de tous les pays s’efforcent de gérer comme la prunelle de leurs yeux, c’est bien l’intégrité territoriale. En effet, un réel consensus existe que même la mal gouvernance ne saurait mettre en péril.  Jamais, le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) ne prendra le risque de se saborder, en acceptant que s’entament des négociations sur une quelconque indépendance de l’Azawad. Et lui, ses partisans comme leurs opposants n’ont de cesse de le rappeler à chaque occasion. D’où vient-il d’ailleurs que les dirigeants des groupes armés du Nord-Mali se soient remis à vouloir redessiner la carte de ce vaste territoire façonné par l’histoire et le métissage culturel de civilisations millénaires ?

 

Il est à craindre que les choses dégénèrent au profit des tenants de l’option militaire

 

Il y a beaucoup de mauvaise foi dans ces négociations et cela est regrettable. Surtout du côté des groupes armés, car Bamako est resté constant sur son refus de l’indépendance de l’Azawad.   Les saisons passent et les problèmes demeurent, parce que de part et d’autre, les hommes chargés de les résoudre persistent et campent sur leurs positions. Certes, les Français n’ont pas fait le travail jusqu’au bout, et jusque là, l’hypocrisie a dominé. Mais, quelles autres solutions en dehors de l’indépendance de l’Azawad ?

Faudrait-il en venir à refaire l’histoire, en posant les bases d’un Etat confédéral malien ? Auquel cas, il faudrait revoir l’actuelle politique de décentralisation et la formule des régions afin de leur donner un statut égal, dans un cadre unitaire agréé  par l’ensemble du peuple malien. Mais, la création d’un Etat confédéral malien ferait-elle l’affaire de tous ? Même dans un tel scénario, outre la réorganisation de l’Etat, il faudrait revoir le statut de l’armée et certains aspects qui tiendraient de la souveraineté exclusive de l’Etat confédéral. Cela suppose, dans tous les cas, une implication de l’ensemble des acteurs politiques, avec bien entendu l’adhésion du peuple malien, de la communauté internationale. Qu’en diront alors ceux qui travaillent à l’intégration des peuples de la région ?

Une décentralisation bien faite, correctement menée, et avec l’aval de  la communauté internationale, pourrait bien donner satisfaction aux groupes armés. Mais, seule l’indépendance semble les préoccuper. Si Bamako claque la porte, il est à craindre que les choses dégénèrent au profit des tenants de l’option militaire. Dans ce cas, les pourparlers auront été bien inutiles. On serait alors tenté de mâter les rebelles comme du reste ils semblent s’y être préparés ! Il faut en convenir : Bamako ne peut donner ce que les groupes lui demandent. Le régime IBK ne peut se compromettre jusqu’à ce point. Les deux camps devraient donc reprendre courage, se parler franchement, trouver un bon compromis durable, en prenant en compte l’intérêt général.

Il faut en finir avec le sempiternel retour à la case-départ. Sinon, à quoi auront donc servi tous ces efforts déployés pour obtenir et garantir la paix dans la sous-région ?

 

« Le Pays »

 


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