PRESIDENTIELLE AU GHANA ET DEBUT DE CAMPAGNE AU NIGER: Deux pays qui devraient confirmer leur label démocratique
Les Ghanéens et les Ghanéennes se sont rendus hier, lundi 7 décembre, aux urnes à l’effet d’élire leur président et leurs députés. Treize candidats sont dans les starting-blocks pour briguer la présidentielle, dont le président sortant, Nana Akufo-Addo, 76 ans, candidat du NPP (Nouveau parti patriotique) et le leader de l’opposition, John Dramani Mahama, 62 ans et candidat du NDC (Congrès national démocratique). Et sans faire injure aux onze autres candidats, l’on peut affirmer sans courir le risque de se tromper, que le scrutin se jouera entre Nana Akufo-Addo et John Dramani Mahama. Et les deux hommes se connaissent très bien pour s’être déjà affrontés en 2012 et en 2016 pour accéder à la magistrature suprême. En 2012, c’était John Dramani Mahama qui avait damé le pion à Nana Akufo-Ado. En 2016, ce dernier prenait sa revanche. A la présidentielle de 2020, il est hasardeux de pronostiquer pour l’un d’eux en particulier, tant chacun a de réelles chances de l’emporter.
Conakry ou encore Kampala sont à une année-lumière d’Accra
Et c’est là un des éléments constitutifs du charme de la démocratie ghanéenne. En tout cas, on est loin de ces pays où les scrutins sont pratiquement des formalités et où les résultats qui en sortent sont systématiquement de nature soviétique. En 2016, par exemple, Nana Akufo-Addo avait battu son rival avec un score de 53%. Le perdant était le président sortant. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce scénario, sous nos tropiques, est assez rare pour être signalé. Et ce n’était pas la première fois que le Ghana réalisait l’alternance par les urnes. Un autre élément qui fait le charme de la démocratie du Ghana est, peut-on dire, la maturité et la grandeur des acteurs politiques. En 2016, le perdant avait concédé sa défaite. Mieux, il avait félicité publiquement le vainqueur. Ce fair-play politique est inscrit, peut-on dire, dans les gènes des Ghanéens. 2020 ne va donc très probablement pas déroger à cette règle naturelle. En tout cas, les deux rivaux politiques ont signé vendredi dernier un pacte de paix et c’est un signe fort de leur attachement à la démocratie au sens noble du terme. Et en cela, Conakry ou encore Kampala sont à une année-lumière d’Accra.
Le dernier élément qui constitue le charme de la démocratie du pays de Kwame N’Krumah, réside dans la force de ses institutions. C’est cette qualité essentielle qui avait valu au pays la visite du premier président noir des Etats-Unis, Barack Obama. Ce dernier, on se rappelle, comme pour rendre hommage à la démocratie ghanéenne, avait laissé entendre la célèbre phrase suivante : « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes ». Logiquement donc, le Ghana devrait confirmer aujourd’hui son label démocratique. Et c’est tout le mal qu’on souhaite à ce pays. Déjà, la campagne s’est déroulée de manière civilisée. Et le reste du processus a de fortes chances de se passer dans le même registre. En tout cas, il faut espérer que le Ghana, après le Burkina, fera oublier la Côte d’Ivoire ou encore la Guinée.
Le Niger est en passe de réaliser sa première alternance civile par les urnes
Dans ces deux pays, en effet, la présidentielle a rimé avec barricades et macchabées. Et tout cela s’est passé en 2020. Vivement donc que le Ghana referme l’an 2020 de la plus belle des manières. Un autre pays de la même région qui devrait en principe renforcer son label démocratique, est le Niger. Ce pays, en effet, organisera en fin décembre, un double scrutin pour élire le président de la République et les députés. Comme le Ghana, le Niger a réalisé d’incontestables avancées démocratiques. Et l’on doit cela en partie à la personnalité de Mahamadou Issoufou. Grâce à ce dernier, en effet, le Niger est en passe de réaliser sa première alternance civile par les urnes. Et l’histoire lui revaudra de n’avoir pas commis le péché mortel pour la démocratie, c’est-à-dire celui du 3e mandat. C’est donc un Niger qui devrait être reconnaissant à Mahamadou Issoufou pour n’avoir pas mangé le fruit interdit du 3e mandat, qui a entamé hier, dimanche 6 décembre, la campagne électorale pour le double scrutin du 27 décembre prochain. Et ce sont 30 Nigériens qui aspirent à succéder à Mahamadou Issoufou, parmi lesquels l’ancien président de la République, Mahamane Ousmane, l’ancien chef de l’Etat de la transition militaire de 2010-2011, Salou Djibo et l’ancien ministre, Mohamed Bazoum.
Ce dernier, faut-il le rappeler, est le poulain du président sortant. De ce point de vue, il part à la compétition avec des avantages certains. Cela dit, le Niger aborde la campagne électorale sur fond de trois principaux défis à relever. Le premier est d’ordre sécuritaire. Le pays, on le sait, est en proie aujourd’hui à des terroristes qui ont horreur de la démocratie. Dès lors, l’on peut se poser la question de savoir si les ingénieurs du mal ne vont pas chercher à perturber la campagne par des attaques et autres intimidations et chantages. Le deuxième défi à relever est d’ordre sanitaire.
La campagne se passe à un moment où la Covid-19 n’a pas encore été boutée hors des frontières du pays. Quand on sait que campagne rime avec foules et grands regroupements, on peut imaginer les risques de contamination à la Covid-19 auxquels le pays s’expose via la campagne électorale. Le dernier défi que le pays doit relever est celui de la corruption électorale. Et il ne faut pas avoir peur d’appeler le chat par son nom. La corruption électorale est la plaie principale de la démocratie nigérienne. Il faut donc lui appliquer la thérapie qu’il faut, pour l’empêcher de se métastaser en gangrène. Car, le Niger, à l’instar du Ghana, a un label démocratique qu’il devrait défendre. Et le double scrutin du 27 décembre prochain lui donne l’opportunité de le faire.
« Le Pays »