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PRESIDENTIELLE BENINOISE


Les Béninoises et les Béninois ont été appelés aux urnes le dimanche 11 avril pour le premier tour de la présidentielle. Lors de la présidentielle de 2016, 33 candidats étaient en lice dont l’actuel président, Patrice Talon. Cette fois-ci, ils ne sont que 3 à se positionner sur la ligne de départ. Ce nombre squelettique de candidats, rassurez-vous, n’est pas dû à un manque d’intérêt des acteurs politiques béninois pour la magistrature suprême, mais à la seule volonté d’un homme, de neutraliser politiquement les opposants susceptibles de lui tailler des croupières. Et pour traduire cette volonté d’exclusion en acte, Patrice Talon, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’est doté de deux moyens infaillibles. Le premier est le système de parrainages qu’il a mis en place. Ce tamis de l’ancien magnat du coton, a été sans pitié pour les opposants sérieux. A contrario, le tamis a laissé passer deux illustres inconnus de la scène politique béninoise. Car, il faut tout de même sauver les apparences. C’est donc à juste titre que les opposants les qualifient de « candidats fantoches ». Au Burkina, on utiliserait l’expression « candidats motards » pour les désigner. Car, leur rôle est d’accompagner, d’escorter Patrice Talon.

 

Le principal enjeu de ce scrutin est le taux de participation

 

 Et ce genre de métier, sous nos tropiques, nourrit son homme, puisqu’ à l’heure des récompenses, on peut leur accorder quelques strapontins. Le second instrument mis en place par Patrice Talon pour casser de l’opposant est la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). La candidate Reckya Madougou a été une victime de cette machine infernale dont tout porte à croire qu’elle est uniquement friande d’opposants. Et comme l’on pouvait s’y attendre, les Béninoises et les Béninois épris de démocratie et donc d’élections inclusives, ont donné de la voix pour dénoncer cette stratégie de liquidation politique de l’opposition. Tant et si bien qu’au Centre et au Nord du pays, des barricades ont été dressées, des routes coupées pour empêcher la tenue du scrutin. La violence a atteint un niveau particulièrement inquiétant dans la ville de Savé où l’on a enregistré deux morts. Les croquants appellent à un boycott du scrutin et au départ de Patrice Talon. Les Démocrates de l’ancien président Boni Yayi ainsi que le Front pour la restauration de la démocratie (FRD) de Joël Aivo, qui ont leurs fiefs électoraux dans les régions concernées par les récents troubles de nature presque insurrectionnelle, militent également pour le boycott. C’est pourquoi le principal enjeu de ce scrutin est le taux de participation. Il sera particulièrement scruté dans le Centre et le Nord du pays qui passent aujourd’hui pour de véritables épicentres de la contestation. Mais Patrice Talon est ainsi fait que ce genre d’indicateurs ne l’ébranlent guère dans sa course solitaire et effrénée vers le bradage des acquis démocratiques du Bénin. En 2019, par exemple, pour les législatives, le taux de participation s’était établi à moins de 30%, selon les chiffres de la Cour constitutionnelle. Pour autant, Patrice Talon n’en avait pas été peiné. Bien au contraire, il avait vanté la vitalité de la démocratie béninoise. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale béninoise compte 159 députés. Et 154 de cet effectif sont de la mouvance présidentielle.

 

Le plus dur pour Patrice Talon sera l’après-élection

 

 Cette configuration, qui rappelle la période des partis uniques, a été pensée et réalisée par Patrice Talon. Et le pire pourrait être à venir tant que cet homme sera à la tête du Bénin. Il faut même craindre qu’il en arrive un jour à tripatouiller les textes pour briguer un 3e mandat.En tout cas, à son sujet, il ne faut jurer de rien. Car, l’homme semble être venu en politique par effraction. Et en véritable homme d’affaires, seuls les résultats comptent pour lui. Tout le reste n’est que littérature. Du recul donc de la démocratie, l’homme n’en a cure. Ce qui compte pour lui, ce sont les performances économiques. Il oublie que ce qui installe les progrès économiques dans la durée, c’est la qualité de la démocratie. En tout cas, en marchant sur les principes élémentaires de la démocratie comme il le fait actuellement, il court le risque de voir les performances économiques qu’il a réalisées s’écrouler comme des châteaux de cartes. C’est sûr et certain que Patrice Talon remportera le gain de cette présidentielle. Et le score sera à la Djiboutienne (plus de 98%). Car, il a travaillé avec méthode et cynisme dans cette perspective. Ce faisant, il risque de s’aliéner le Centre  et le Nord du pays. En tout cas, le scrutin, tel qu’il a été organisé, peut contribuer à fracturer davantage le pays. En tout cas, bien des observateurs de la scène politique béninoise redoutent que ce scrutin ouvre la voie à un clivage entre le Bénin du Sud et le Bénin du Nord. Le plus dur donc pour Patrice Talon sera l’après-élection. Comment, en effet, parviendra-t-il dans ces conditions, à avoir la légitimité qu’il faut, pour conduire tous les Béninois vers de lendemains qui chantent ? Rien qu’à y penser, il devrait, lorsque sa Cour constitutionnelle le déclarera vainqueur de ce scrutin, avoir le triomphe modeste et travailler à l’apaisement.

 

« Le Pays »


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